Acte 4 - La retenue

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Assise en plein milieu de la salle, je songe à ma réputation... Autour de moi les chaises sont vides, seule la surveillante, madame Sangoût, assise au bureau, me lance de temps en temps un regard dénué de toute expression. 

Ma première heure de retenue. Je n'arrive pas à y croire : il y a encore une semaine, j'étais une élève appréciée de tous, sans aucune punition, absence, retard. Et maintenant, me voilà seule, abandonnée, et collée. 

Soudain, j'entends frapper. La surveillante soupire, se lève et ouvre la porte.

A l'entrée je vois Pierre, l'air ennuyé, accompagné par un autre surveillant, M. Kerdellec. Celui-ci prend la parole :

- Hopala ! Demat la compagnie ! J't'en amène un autre ! J'te préviens il est pas commode ! 

Pierre lui jette un regard noir. 

- Yann ! s'exclame la surveillante, visiblement très heureuse de revoir son collègue. Alors, c'était bien Ploudalmézeau ? Tu m'as remené du Kig ha farz de Nolwenn ?

Il s'exclaffe.

- Elle m'en a donné un pot pour mon casse-croûte ! On partage ça c'midi, si tu veux !

Je croise le regard de Pierre. Il semble aussi désemparé que moi. 

- Excellente idée ! répond madame Sangoût. Alors, qu'est ce qu'il a fait, le bonhomme ? 

Elle montre Pierre du doigt.

- Ah ah ! s'écrie M. Kerdellec. Il se tourne vers lui.  Alors, tu veux lui expliquer, peut-être ? 

Pierre croise les bras. Le regard qu'il lance à M. Kerdellec le fait taire immédiatement. 

- Bon, j'vais vous laisser, dit-il. 

Le surveillant s'apprête à sortir quand il se retourne, semblant se souvenir de quelque chose.

- Au fait Marie, le proviseur m'a dit de les transférer en permanence pour qu'ils passent le balais !

Je lui lance un regard d'incompréhension. Sérieusement ? Mais j'ai les mains trop délicates pour ce travail de domestique !

- Pas de problème ! répond madame Sangoût.

*****

La salle de permanence est vide. Madame Sangoût nous a donné chacun un balai. Pierre et moi sommes à présent seuls dans la pièce. Il lâche son balai et s'assoit sur une table, tandis que je continue à balayer, comme on me l'a ordonné. L'atmosphère est pesante et je sens son regard froid sur moi. 

- Tu sais pourquoi je suis ici ? dit-il.

J'arrête de balayer et secoue la tête.

- A cause de toi. Si tu t'étais pas foutue dans la merde comme ça, on en serait pas là, toi et moi. Je dis pas ça pour te faire culpabiliser, prend plutôt ça comme un avertissement. Deux heures de colle ça passe. Mais si tu continue à te mêler de ces affaires, tu risques d'avoir de bien plus gros problèmes. Et cette fois, ton cher petit papa ne pourra pas te sortir de là. Compris ?

Je hoche la tête, bouche-bée, et intimidée par son regard perçant.

Soudain, j'entends frapper à la fenêtre. Je me retourne. C'est Théodore : je reconnais sa casquette "Hétéro club". Il m'adresse un signe enthousiaste de la main, auquel je répond par un sourire. Il repart.

- Tu passes beaucoup de temps avec lui, constate Pierre.

- Euh, c'est mon meilleur ami, dis-je.

Mariée de force à un gilet jauneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant