Nouveau conseil n°4

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Stressez à mort

TW : fragilité psychologique. Si vous en êtes là, vous n'avez pas du tout besoin de lire ce chapitre, vous êtes déjà au top. Passez à la suite.

Dites-vous bien que tout a changé. Avant, la meilleure façon de vraiment foirer à un examen consistait à glander au maximum. Vous avez vu comment les gens avant vous passaient tout le mois de mai à la piscine municipale, à siroter des cannettes de Coca sur leur transat, en synthétisant de la vitamine D. En bronzant, quoi. C'était jusqu'à maintenant la recette idéale pour avoir le droit de recommencer l'année suivante. Le paradis.

Sauf que c'est fini. Il faut radicalement changer d'approche. Je vais vous expliquer pourquoi juste après, mais je vous balance la sauce direct : pour mettre toutes les chances de foirer de votre côté, il faut vous appliquer à stresser à mort. Pour ce faire, il existe une recette très simple, en trois mini ingrédients super efficaces. Mais d'abord, les fragiles psychologiques, on vous a dit de passer au chapitre suivant, alors vous passez. Allez, zou.

C'est bon, ils sont partis ? Bon, alors le premier ingrédient, vous le connaissez déjà un peu. En fait, il s'agit d'une tendance naturelle que vous n'aurez qu'à légèrement accentuer. Pensez à court terme. Oui, vous avez appris depuis quelques années à tout faire absolument à la dernière minute, quel que soit le délai qu'on vous accorde. D'ailleurs, plus c'est long, plus vous vous y mettez à l'arrache. Voilà un beau réflexe qu'il faut continuer de cultiver, car il contribue à vous mettre dans ce formidable état d'esprit sans lequel vous ne pouvez pas foirer votre bac. De toute façon, on va vous y aider. Vous verrez, un jour votre prof de spé (je reviendrai un peu plus tard sur la spé) vous dira d'un air absolument blasé : « Ah, au fait, vos épreuves de spé sont mi-mars. Il nous reste deux mois pour boucler les trois derniers axes du programme. Mais paniquez pas, on va y arriver. » Et à cet instant, l'expression sur son visage, le timbre légèrement tremblant de sa voix, vous laisseront comme une impression que c'est pas tellement vous qu'il essaie de convaincre, mais plutôt lui-même. Qu'intérieurement, le petit bonhomme dans son cerveau de fonctionnaire consciencieux fait une tronche un peu comme celle du Cri de Munch. Si, le tableau super connu. Le... bon , un truc dans ce genre : 😱 Mais en pire. Pareil avec les épreuves communes. « Oubliez pas que vous passez vos EC la semaine prochaine. » Oui, ils ont un acronyme pour tout, dans l'éducation nationale, mais c'est pas la question. Déjà, le « Oubliez pas... ». Un tas de remarques vous viennent à l'esprit. Pardon, mais à quel moment on a été mis au courant ? On a reçu un mail ? Ah oui, au milieu du tombereau de messages inutiles qui nous tombe sur la tronche tous les vendredis après-midis, tout à la fin d'un mail de trois pages intitulé "calendrier pédagogique". Ok, pardon, on était informés. Et donc on a fait combien de devoirs de type "EC" ? Un ? Ok, nickel. D'ailleurs j'ai eu 5/20, je me suis trop déchiré. Faut qu'on révise quoi ? Tout le cours depuis le début de l'année jusqu'à la semaine dernière ? Ok.

Deuxième ingrédient de notre cocktail fatal: DRAMATISEZ. Imaginez qu'à chaque fois qu'on vous annonce un truc, vous entendez super fort les premières notes de la cinquième symphonie de Beethoven. Pour les ignares d'entre vous qui ne faites même pas la différence entre Mozart et l'Opéra rock, et qui vous dites « Ah cool, une symphonie, ça doit pas être si terrible », je... je... Non, je laisse tomber, votre cas est désespéré. Pour ceux qui restent, vous voyez l'idée?
« Bon, on va faire des oraux d'entrainement chaque jeudi. Vous passerez à tour de rôle.
- TIN TIN TIN TIN !!! »
« Lisez le chapitre qu'on vient de faire et révisez la méthodo pour lundi, on fera un sujet type bac.
- TIN TIN TIN TIN !!! »
« Jeudi prochain, notre nouvelle assistante écossaise viendra se présenter, et on travaillera chaque semaine avec elle.
- TIN TIN TIN TIN !!! »
À ce rythme-là, en quelques semaines,vous serez dans un état de nerfs proche de la fusion thermo-nucléaire. Pour être honnête, vous n'avez pas besoin de grand chose pour accentuer cette tendance naturelle de cette magnifique période de votre vie qu'on nomme l'adolescence, dans laquelle vous n'êtes plus tout à fait ce que vous étiez auparavant, et où vous n'avez pas la moindre idée de ce que vous serez une fois que tout ce merdier sera passé. La perte de repères, c'est génial pour créer l'angoisse. Par contre, poussé un peu trop loin, ça mène à tout un tas de trucs pas funs, et je vous conjure de rester du côté lumineux, pour minimiser les dégâts. On veut juste foirer le bac, pas foutre en l'air sa life. Donc participez à tous les ateliers sophrologie, relaxation, yoga, gestion du stress, "bouge-pour-D-stress" et autres initiatives lancées par vos éducateurs soucieux de votre bien-être avant tout (et aussi un peu du leur). Même si ça fait un peu mal quand le gros monsieur vous colle le coude dans le creux du dos en vous hurlant à l'oreille : « Mais détendez-vous, bordel ! » C'est pour votre bien.

Dernier ingrédient de ce trio de l'enfer, dites-vous que TOUT est important. Rendons grâce au contrôle continu pour ce merveilleux effet sur les nerfs des lycéens de France. La moindre de vos erreurs, le moindre écart, le plus petit foirage, même à une interro merdique coef 0.1 que votre prof de philo a pondue dix minutes avant de rentrer en classe parce qu'il est toujours bourré de son jeudi à faire la tournée des cafés philo et des cafés pas forcément philo, et des pubs de la rue de la Rép, et de la discothèque le Mouv', et du Select juste à côté, même cette interro toute pourrie dont vous devriez vous foutre comme de la marque des slips kangourou du proviseur, cette interro est IMPORTANTE. Parce qu'elle compte pour le bac. Tout compte.  Alors certes, avec la réforme, vous avec un peu moins la pression de l'épreuve, mais en fait vous avez juste la pression tout le temps. Du coup, toute la classe s'est changée en une bande de hyènes assoifées qui viennent mendier des demi-points à la prof de géo à la fin du cours, voire en un syndicats genre 60 millions de consommateurs qui assiéger la prof stagiaire de français, parents à l'appui, pour lui aboyer des « Qu'est-ce que c'est que ces notes que vous mettez, madame ? C'est pas bon, faut vous reprendre sinon on va porter plainte. » On parlait un peu plus haut du genre d'adultes que vous deviendrez plus tard. Il vaut mieux respecter les gens, ou bien avoir son bac ? Demandez pas à vos parents, ils ont pas la réponse que j'aimerais entendre. À la rigueur, devenez un peu fourbes, c'est de bonne guerre. Par exemple, vous pouvez tanner toute l'année la prof d'anglais pour qu'elle vous note sur le niveau LVB, parce que vous avez mis anglais comme deuxième langue à l'inscription au bac, ça c'est bien vrai. Mais après, vous êtes pas obligé de réclamer à votre prof d'espagnol qu'il vous note en LVA, faut pas déconner non plus. Voilà, y a pas de petits profits. Comme ça, tout le monde soupçonne tout le monde d'être soit des menteurs, soit des enfoirés, et ça contribue à mettre une super ambiance propice au foirage de chacun dans son coin. C'est quoi, le slogan, déjà ? Ah oui, "L'école de la confiance".

Mais passons. Les fragiles psychologiques nous attendent depuis  un petit moment, et j'aime pas les laisser seuls trop longtemps. Hop on passe au…

Comment foirer son bac - spécial réformeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant