Nouvelles d'Ici et d'Ailleurs

Habitants des Tempêtes

Note de l'auteure : Cette nouvelle a été écrite dans le cadre du concours de nouvelles "Visions du Futur". Encore une fois, je n'ai pas été lauréate. Rétrospectivement, je pense que je suis peut-être restée un peu trop nébuleuse. Je crois que c'est un défaut qu'il me reste encore à corriger, parmi d'autres. Cependant, jouer avec le vent fut bien agréable.

Sujet : Le vent se lève

Contrainte : 40 000 signes maximum, espaces compris

Le ciel était plus sombre que ce qu'il aurait dû être en cette fin d'après-midi. Les nuages étaient trop bas sur l'horizon, l'air semblait anormalement lourd, même pour un jour d'orage, et l'atmosphère avait quelque chose d'électrique, au point que Claire sentait l'extrémité de ses doigts piqueter. Tout était calme autour d'elle, pourtant une sourde impression de danger lui serrait la poitrine.

Une bourrasque violente la heurta de plein fouet, ses longs cheveux bruns fouettèrent son visage, l'aveuglant temporairement, tandis que ses vêtements se plaquaient sur son corps et menaçaient de l'emporter en avant, agissant comme la toile d'un cerf-volant. Elle dégagea péniblement son visage, enserrant maladroitement un amas de mèches dans sa main et fixa de nouveau l'horizon terne et vide.

« Le vent se lève. »

Sans le regarder, Claire hocha la tête à l'intention du jeune homme qui se tenait à côté d'elle, et qui venait d'énoncer l'évidence d'un ton austère. Le regard de Valentin était aussi sombre que le ciel.

« On devrait rentrer. »

Elle se contenta encore une fois d'acquiescer, mais mit quelques secondes de plus avant de se détourner enfin de la ligne sur laquelle se retrouvait le vert trop pâle de l'herbe sèche et le gris trop soutenu du ciel torturé. Lorsqu'elle posa enfin les yeux sur le visage de son ami, elle vit qu'il la contemplait sans sourire, dans l'attente d'une réaction.

« Rentrons, » dit-elle finalement, laconique.

À son tour, il acquiesça sans rien dire, avant de tourner les talons pour rejoindre le village qui s'étendait à une dizaine de mètres de distance.

Village était un grand mot pour désigner la douzaine de maisons de pierre qui se serraient les unes contre les autres autour d'une petite place ornée d'une fontaine asséchée, qu'on avait un jour décidé d'installer dans l'espoir d'insuffler un peu de vie à cet espace délaissé. Le nombre d'habitants étaient presque anecdotique et n'avait cessé de décroître, depuis plusieurs années. Un peu parce que la vie dans cette région de montagnes reculée n'avait rien de simple. Beaucoup à cause des tempêtes. Les tempêtes comme celles qui se préparaient ce jour.

Sur un dernier signe de la main, les deux jeunes gens se séparèrent pour aller chacun se calfeutrer derrière leurs propres murs de pierre, pressés d'échapper à la tourmente, qui n'était pourtant qu'une brise légère comparée à l'ampleur qu'elle risquait de prendre sous peu. Claire sentait une angoisse sourde lui tordre le ventre, comme à chaque fois, sans qu'elle puisse précisément en identifier la source. Certes, le vent avait quelque chose d'inquiétant, quand il hurlait à plein poumons autour de leur refuge et que ses coups effrénés menaçaient d'arracher les volets et de briser le verre des fenêtres, mais jusqu'à présent, les tempêtes n'avaient jamais eu d'autres conséquences que celles de forcer les habitants du village à rester barricadés chez eux de temps à autre. Alors de quoi avaient-ils tous aussi peur ?

La jeune femme pesa de tout son poids sur la porte pour la forcer à se refermer derrière elle. Un coup d'œil rapide dans la pièce principale lui apprit que ses parents étaient déjà rentrés. Ils avaient fermé tous les volets et même poussé les armoires devant les fenêtres les plus exposées, ce qui plongeait le rez-de-chaussée dans une pénombre désagréable. Malgré les nombreuses bougies qu'ils avaient allumées, l'ambiance n'avait rien de chaleureux.