Nouvelles d'Ici et d'Ailleurs

Déraison et Sentiments

Note de l'auteure : Nouvelle écrite dans le cadre du concours Tiboudouboudou. Je m'étais promis de sortir de ma zone de confort et de ne pas mettre en jeu un duo de personnages. Mission réussie... Plus ou moins. Pas de duo, mais de l'introspection à n'en plus finir ! Pour la sortie de zone de confort, on repassera ! Enfin, ce n'est pas bien grave, l'important reste encore de prendre du plaisir à écrire, pas vrai ? :)

Sujet : Au fil du temps, le monde a bien changé, il s'est rationalisé et la passion s'est envolée comme si elle n'avait jamais existé. Si bien que plus personne ne sait ce que c'est ni ne le ressent. Et pourtant, du jour au lendemain, il y a comme une chose étrange en vous... Quelque chose qui vous est totalement inconnue et qui vous prend au dépourvu. Et si... ?

Contrainte : 4 pages, Arial 12

Guillaume s'accrochait à deux mains à la faïence du lavabo. Il n'arrivait plus à respirer. Tout son corps le brûlait. Son cœur battait trop fort et trop vite dans sa poitrine, à tel point qu'il en avait mal. Il avait la gorge sèche et l'impression d'avoir avalé du sable. Au bord de la panique, il ouvrit le robinet à fond. Il contempla le jet, hébété. Le bruit violent de l'eau éjectée du conduit lui écorchait les oreilles. Puis, sans prévenir, il plongea la tête dessous. Ses boucles brunes se gorgèrent d'eau glacée tandis que la sensation de brûlure s'atténuait légèrement. L'eau ruissela sur ses joues et vint glisser autour de sa bouche, toujours grande ouverte dans l'espoir de capter un peu plus d'oxygène.

Il releva brusquement la tête et poussa un juron en se cognant au passage sur le robinet. D'un geste rageur, il coupa l'arrivée d'eau, comme si l'assèchement de la source pouvait empêcher les traînées gelées de s'écouler sur son cou et dans son dos en trempant sa chemise au passage. Dans le miroir un imbécile égaré et en colère le fixait, les yeux soulignés de cernes effrayants. Il n'arrivait plus à dormir. Il n'arrivait plus à quoi que ce soit. Tout ce que son cerveau malade semblait capable de faire, c'était penser à elle.

Il voyait son visage quand il regardait son écran d'ordinateur. Il entendait sa voix au milieu du silence. Il sentait son odeur quand il fermait les yeux. Quand le sommeil remportait enfin la bataille, c'était pour le forcer à rêver d'elle. La nuit dernière, il avait fait l'un de ces rêves. Un de ces rêves qui avait été particulièrement réaliste. Intime. Lorsqu'il s'était réveillé, il avait mis quelques secondes à comprendre pourquoi il ne sentait plus son corps contre lui. Puis il avait compris. Il s'était senti sale. Il avait eu l'impression d'avoir mal agi envers elle, de l'avoir trahie.

Il avait fait de son mieux pour s'enterrer dans son travail, mais son visage revenait sans cesse danser dans son esprit. Les images de son rêve le torturaient. C'était comme s'il ne contrôlait plus son corps.

Pour toutes ces raisons, il s'était réfugié, tremblant, fiévreux, dans les toilettes de son bureau, et il priait pour qu'un peu d'eau froide le soigne de cette folie subite qui le dévorait de l'intérieur. Le résultat était désespérément décevant.

Désemparé, il ôta son pull pour s'éponger un minimum les cheveux puis sortit de son refuge, la mort dans l'âme. Il devait au moins finir la journée. Ensuite, il irait chez le médecin et...

« Tout va bien, Guillaume ? »

Il se figea. Son cerveau malade lui avait fait croire qu'il s'agissait d'elle. Ce n'était que l'une de ses collègues de travail.

Il ne finirait pas la journée, finalement.

Vingt minutes plus tard, Guillaume patientait dans la salle d'attente de son médecin. La jambe agitée de tics nerveux, il regardait sa montre toutes les minutes et multipliait dans sa tête le temps d'attente déjà écoulé par le nombre de personnes présentes dans la pièce et qui, contrairement à lui, avaient sûrement rendez-vous. Lorsqu'on l'invita enfin à prendre place dans le cabinet, il se rendit compte qu'il n'avait pas la moindre idée de ce qu'il devait raconter à l'homme qui lui faisait face.