Nouvelles d'Ici et d'Ailleurs

Histoire d'Amis

Note de l'auteure : Nouvelle écrite dans le cadre du concours Tiboudouboudou. Elle a été retenue pour être lue sur la chaîne Youtube. Elle a été retenue tout court sur le serveur, d'ailleurs. Le personnage de Mathieu a fait tourner des têtes et chavirer des coeurs, apparemment.

Sujet : On n'arrête pas le progrès ! Une nouvelle application vient de voir le jour... Elle se connecte directement à votre cœur, et vous recevez une notification sonore sur votre téléphone lorsque quelqu'un qui vous aime se trouve à proximité, et inversement ! Serait-ce le début d'une nouvelle ère où les relations amoureuses ne sont plus un souci ?

Contrainte : 4 pages, Arial 12

Assis sur un banc en plein soleil, Mathieu tenta un nouveau tour d'horizon pour, une fois de plus, ne rien voir de nouveau. Ennuyé, il sortit son téléphone et relut le message que lui avait envoyé Juliette un peu plus tôt. Un message qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau.

[Juju la linotte] Je suis désolééééée !!!! Je vais avoir cinq minutes de retard, mais j'arriiiiiive !!!!!

Évidemment, son message datait désormais d'un bon quart d'heure. Mathieu retint un sourire en l'imaginant piaffer dans son métro, incapable de se décider à lui envoyer un nouveau sms d'excuse. Juliette était incapable d'estimer correctement ses temps de trajet, ils l'avaient scientifiquement prouvé des années plus tôt, et son meilleur ami s'était adapté en arrivant systématiquement dix minutes en retard à leurs rendez-vous. Une technique jusqu'à présent efficace, mais loin d'être infaillible, comme le prouvait sa situation actuelle de pauvre créature abandonnée sur une pièce de mobilier urbain défraîchie.

Avec un soupir plus amusé qu'excédé, Mathieu se résigna à faire encore preuve de patience quelques minutes. Il pouvait au moins se consoler en se disant que Juliette n'était pas du genre à lui poser un lapin. Il en était à lancer un jeu à la con sur son téléphone lorsqu'un bruit de course précipitée lui fit lever la tête.

Elle arrivait enfin, ses talons claquant à chaque pas sur l'asphalte du trottoir, son sac à main plaqué d'une main contre son ventre pour l'empêcher de bringuebaler à tout-va. Sous le regard dubitatif du jeune homme, elle stoppa brusquement son avancée, un immense sourire sur les lèvres et s'avança à pas de loup vers le banc... d'en face.

Stupéfait, Mathieu observa son amie s'approcher dans le dos d'un garçon tranquillement en train de lire un épais roman sans rien demander à personne. Jusqu'à ce que Juliette lui hurle un énorme « Bouh ! » dans les oreilles qui le fit sursauter tellement fort, que son livre s'envola en l'air. Choqué, l'inconnu se retourna vers la jeune fille.

Mathieu assista en direct à la décomposition de son visage et ce fut le détail de trop. Les digues de son hilarité lâchèrent et il se mit à rire tellement fort que plusieurs passants se retournèrent sur leur passage. Incapable de parler au milieu de son fou-rire, il leva un bras pour faire signe à Juliette qu'elle ne s'était pas trompée de très loin, mais qu'elle s'était trompée quand même. Son amie le remarqua enfin, totalement dépitée, et traversa la rue en baissant ostensiblement la tête, sous le regard ahuri de la victime de son erreur. Mathieu se demanda si elle avait pris la peine de s'excuser. Imaginer qu'elle avait pu tourner les talons sans rien ajouter redoubla son hilarité.

« Ça va, hein !

— Mais comment t'as pu te tromper ? demanda-t-il en reprenant péniblement son souffle entre deux éclats de rire. On se ressemble pas du tout !

— Mais ! Je sais pas ! Il lisait un livre !

— Des tas de gens lisent des livres.

— Et puis vous avez la même couleur de cheveux ! Et... Il avait des lunettes ! »