reconstruction (avarice).

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20h (l'heure de la damnation).

Lorsque Hyunjin émerge, la pièce est encore plongée dans la pénombre, et les dernières lueurs du jour s'immiscent de justesse au travers les rideaux ardoise. Il jette un coup d'œil à l'horloge qui se dresse sur un des murs de la chambre, et constate qu'il a dormi toute la journée, le soleil est en train de se coucher et les vingt-quatre heures s'achèveront dans quelques instants. Il réalise qu'il a beaucoup dormi, et n'a pas vu la journée passer. Il grogne brièvement, et se redresse finalement après un moment de paresse. Minho n'est plus là. Pourtant, la deuxième moitié de lit est encore tiède. Il doit encore être quelque part dans la maison, se dit le jeune homme en quittant les draps. Alors qu'il se rend dans la salle de bain, il constate que seuls ses vêtements jonchent encore le sol, Minho a dû se rhabiller avant de fuir les lieux. Il soupire.

Après s'être passé un peu d'eau sur le visage, il prend le temps d'examiner son reflet, et son regard est rapidement attiré par les innombrables traces que lui a laissé le brun un peu plus tôt dans la journée. Il l'a possédé, entièrement, il s'est gravé dans sa chaire et s'est peint sur sa peau, il a laissé un peu de lui sur son corps d'éphèbe, tel un souvenir, un cadeau d'adieu. Son maquillage a également coulé, et de longues lignes noires viennent zébrer ses joues de porcelaine, tandis que ses lèvres, ayant repris une couleur plus proche de leur rose habituel, sont entourées de traces rougeâtres qui s'étalent même sur son menton. Le résultat est étrange, mais quelque part, Hyunjin trouve ça beau. En quelque sorte. Il finit par se nettoyer intégralement le faciès, et s'enroule dans son peignoir d'un blanc nacré, histoire de ne pas se balader nu dans sa demeure. Un dernier regard à la glace suspendue au-dessus de son évier, et le noiraud prend le chemin de sa cuisine, au rez-de-chaussée.

Il n'est qu'à demi-surpris de constater que la lumière est allumée et que son invité se tient, dos à lui, devant le plan de travail. Une odeur de café se dégage de l'endroit. Minho se tourne vers lui, une tasse probablement bouillante en main, et lui lance un regard indéchiffrable, presque vide. Ses traits sont fermés et sa posture nonchalante, comme si ces dernières vingt-quatre heures n'avaient jamais existées. Il semble plongé dans ses pensées, en pleine réflexion. Ses cheveux sont décoiffés, mais cette fois-ci, cela n'a rien d'artificiel. Ses mèches brunes sont réellement en bataille et il peut deviner que son acolyte a tenté en vain de les arranger après son réveil. Il a effectivement remis ses vêtements de la veille, n'en ayant pas d'autres à portée de main. Il a même déjà remis ses chaussures, probablement prêt à s'enfuir d'un instant à l'autre. Cette réalisation lui procure un étrange sentiment, un bref pincement au cœur. Les histoires d'une nuit, il les a enchaînées depuis son accident ; un moyen comme un autre de compenser l'absence de son bien-aimé, incapable de remplacer l'être cher qui a été perdu à jamais. Mais peut-être que pour une fois... Pour une fois, oui, Hyunjin aurait aimé qu'il y ait une prochaine fois. L'idée lui paraît incongrue, un peu malvenue, et relativement saugrenue. Pourtant, s'il ne souhaite toujours pas d'une nouvelle relation sérieuse, il a réellement apprécié la présence de son aîné. Mais un contrat est un contrat, l'heure tourne, Minho va devoir partir.

- Vous vous réveillez enfin, s'amuse le chanteur en reposant son mug sur le bois laqué de la paillasse, retrouvant l'attitude joueuse que le jeune homme lui connaît. J'ai cru que ce moment ne viendrait jamais.

- Excusez-moi, pourtant je n'ai pas pour habitude de dormir aussi longtemps...

Le plus âgé hausse les épaules pour montrer que cela n'a pas d'importance. Ils s'observent un long moment, en silence, incapables de trouver les bons mots. Hyunjin ne veut pas lui dire au revoir, mais ne se sent pas capable de lui demander de rester.

- Merci, encore, il finit cependant par lâcher, avec une timidité nouvelle, que lui-même ne se connaissait guère. Pour hier, je veux dire. Enfin, cette nuit.

la chute (ruiné) [minjin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant