1. Pas de chance

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EMMY

10 ans plus tard.

Je regarde cette tombe pour la millième fois depuis le début de la cérémonie. Elle était ma seule famille, et c'est aujourd'hui qu'elle m'a officiellement abandonné à son tour.

Je pensais pouvoir faire encore un tas de choses avec ma mère, mais le destin en avait décidé autrement. Elle était désormais sous terre, au côté de son bien-aimé, de mon père. Même si je sais très bien que personne ne se trouve dans la pierre tombale de mon père, je me laisse espérer. Croire qu'il est mort est plus facile et moins douloureux que de savoir qu'il est en vie quelque part, loin de moi.

Je dépose deux roses, une pour chacun. Des larmes coulent frénétiquement sur mes joues, je les essuie rageusement. Ma tante me tient le bras et est complètement dévastée.
Elle vient de perdre sa sœur.

Pourquoi la vie s'acharne-t-elle sur les gens bien?

Cette année a été la plus dure de ma vie. La voir dans cet état de faiblesse continuellement à cause de la chimio, voir que rien ne marchait mais qu'elle s'accrochait quand même pour moi. Elle souffrait, je le voyais mais elle faisait tout pour faire semblant que tout allait bien, jusqu'à il y a un mois. Quand elle a commencé à vomir tout ce qu'elle mangeait, quand elle n'avait même plus la force de se lever de son lit d'hôpital, quand le moindre sourire lui demandait un effort surhumain j'ai su que je la perdais. Et peu importe à quel point elle voulait vivre, le cancer allait gagner.

Je déteste cette maladie qui malheureusement gagne trop souvent.

Son décès m'a anéantie mais je dois me battre pour elle. Je dois m'en sortir pour ne pas la décevoir, je n'ai pas le droit de baisser les bras, je n'ai pas le droit de m'écrouler.

- Maria, on doit aller prendre mes affaires à la maison, tu préfères peut-être que j'y aille seule?

Je vais devoir loger chez ma tante désormais. Étant encore mineure, c'est elle et son mari qui récupère ma garde. Mais avant ça, je dois réunir toutes mes affaires.

À la maison, celle où ma mère à laisser son odeur, ses peintures, ses magazines de modes préférés, ses plats congelés au frigo, ses vêtements. Tout ce qui s'y trouve me rappellera typiquement des moments de ma vie passée à ses côtés. Le pire dans tout ça, c'est qu'on va devoir vendre la maison. Comme si on m'obligeait à tirer un trait définitif sur elle.

Ma tante me jette un regard empli de tristesse et il me suffit largement pour comprendre que j'irais seule récupérer mes vêtements. Maria et maman avaient une relation très fusionnelle. Elles étaient comme deux meilleures amies, le soir elles s'appelaient pour se raconter les potins de leur journées. On allait dîner chez ma tante au moins une fois dans la semaine.

- Je demanderai à Philippe de venir te chercher. Fais attention à toi, ma chérie.

Elle dépose un baiser sur mon front et puis fixe de nouveau la pierre tombale de maman. Je quitte le cimetière en jetant un dernier regard à mes parents qui m'ont laissé seule, livrée à moi même à dix sept ans.

Après un long trajet en bus je sors les clés de la maison et l'enfonce dans la serrure les mains tremblantes. En ouvrant la porte je prends une grande inspiration avant de me donner le courage de passer le seuil.

Je ne prends pas la peine de m'attarder plus longtemps dans le salon, là où tout est restée comme avant son départ et je m'en vais chercher mes affaires dans ma chambre. J'ouvre mon sac et les jette rapidement dedans sans vraiment les plier. Plus vite je sors de ce lieu pleins de souvenirs, mieux je me sentirais.

- Mais non...détends toi et ne fais pas de bruit.

Je reste figée en entendant cette voix rauque d'homme. Il n'y a aucun homme qui vit dans cette maison et qui en a les clés. Je jette un œil à la porte de ma chambre qui est entre ouverte et j'hésite à me ruer dessus pour la fermer à double tour. Puis finalement je préfère comme je n'étais pas présente et que je n'étais jamais passée par ici.

Je pousse mon sac sous le lit et essaie tant bien que mal de m'y mettre aussi. L'époque où j'étais petite et menue est révolue. Je pensais y avoir finalement réussi, sauf qu'une main puissante me tire hors du lit en m'attrapant par le pan de ma robe noire. Je pousse un cri prise de panique et de peur, j'essaie de m'accrocher sur le parquet mais il est bien trop fort. Mon pieds cogne contre mon bureau et fait tomber le cadre ou ma mère et moi nous prenions un selfie. Le verre s'éclate au sol dans un bruit assourdissant.

- Sors la photo !

La même voix que tout à l'heure. Je reste immobile sur le ventre en fixant le sol, je fais la morte, je me dis que peut être il va croire à mon jeu d'acteur. Mais l'homme qui vient de parler m'attrape les cheveux brutalement et fait en sorte que je lève la tête vers lui. Je n'ose pas relever les yeux pour le regarder. Moi qui pensais que cette journée ne pouvait pas être pire, je me suis bien voilée la face.

- C'est elle.

C'est moi?

Mes yeux se posent enfin sur les deux hommes qui me veulent clairement du mal. Ils sont tous deux cagoulés mais je peux clairement voir les yeux verts persans de celui qui m'a tiré par les cheveux. Dans sa main libre se trouve une arme. Le genre d'arme que je ne pensais voir que dans les films et sur les policiers.

- Si tu gueules, je te bute, c'est clair ?

Je déglutis péniblement sous la pression et la peur puis je hoche la tête. Je ne peux rien contre eux, et même si je hurle, le temps que quelqu'un arrive je serais déjà morte.

- Le chef sera fier de moi, dis-le garçon qui n'avait encore pas parlé depuis le début.

- Il sera fier quand on lui aura apporté le paquet.

Le grand aux yeux vert sort un ruban adhésif de sa poche et le donne à son partenaire qui se charge de le couper et de me le mettre sur la bouche. Le mec aux yeux marron sort un genre de sac cartonné et des ficelles et là, je comprends très bien ce qui est en train de m'arriver. Non, non ce n'est pas un cauchemar, non je ne suis pas dans mon imagination. Tout ce qui vient de se passer est bien réel.

On est en train de m'enlever dans ma propre maison. 

Fight (En correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant