Deus Ex Machina

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La chambre d'hôpital était deux fois plus grande qu'une chambre commune habituelle. Ceci dit, elle était trois fois plus spacieuse que la mienne. Peinte en verte pour représenter la couleur de la coupe d'Hygie, symbole de la Pharmacie mais aussi de cet hôpital, cet espace présentait un lit que l'on pouvait transformer en fauteuil et un téléviseur intelligent disposant de nombreuses chaînes internationales.

À ma gauche se trouvait une table de chevet, mais cette dernière comprenait une tablette tactile munie d'un stylet contenant plusieurs jeux interactifs. Puis, il y avait une prise d'oxygène reliée au masque que j'avais ôté dès mon réveil, mais aussi, une fenêtre dont le seul jet d'oeil suffisait pour troubler notre équilibre.

À son opposé se situait un pied à perfusion qui me fournissait des compléments alimentaires, ainsi qu'un couloir menant à la salle de bain, où la douche et les toilettes étaient divisées par une cloison faite en brique de verre.

Toutefois, malgré le fait que je rêvais depuis le temps de me retrouver dans une chambre aussi majestueuse, cela ne me fit ni chaud ni froid, contrairement au détail qui se situait en face de moi. Il s'appelait Angela et était la cause de ma venue dans ce lieu communautaire.

L'infirmière s'en alla afin de nous laisser dans un moment d'intimité. L'atmosphère suffocante venait de faire son grand retour, plus lourde et plus antipathique que jamais, assez pour que le désodorisant à la vanille puisse perdre de son efficacité, pour laisser de la place à une odeur moins agréable, telle un mélange de désinfectant et celle de médicaments. « Je suis venu ici pour voir si t'allais bien. » dit-elle d'un sourire narquois.

Surpris par sa réponse, je baissai la tête puis exhalai-je un soupir. Afin de reprendre mon sang froid, je me hâtai de m'allonger de nouveau puis de fermer mes yeux.
- Sais-tu au moins pourquoi je suis cloîtré dans ce lit d'hôpital ?

- Bien sûr que je le sais, j'étais aux premières tribunes, tu t'en souviens ?, réplique-t-elle de manière désintéressée.

- Premières tribunes, c'est ça ?

- Oui, c'est b-
- Sors d'ici, je t'en prie. lui dis-je tout en pointant la porte du doigt.

- Mais, Ham...

- Je t'en supplie, sors d'ici !

- Ham, ce que je veux te dire, c'est-

- ASSEZ ! Y a quelques jours, tu disais ne pas me connaître et que j'essayais de te parler pour avoir, je cite : «un peu de popularité», et maintenant que je suis entré dans cet hôpital, tu m'appelles subitement par mon petit nom !? Ce que j'ai subi est pire qu'une humiliation ! J'ai frôlé la mort pour toi ! Tu t'en rends compte !? LA MORT !, repliquai-je à cor et à cri.

- Avoir frôlé la mort montre à quel point je compte pour toi, mais sache que chaque jour sans toi aura été, également une mort pour moi ! me répondit la demoiselle, avec un ton astringent.

Je perdis ma voix face à cette phrase qui me paraissait d'une part rassurante, mais d'une autre intrigante.

Elle finit par ajouter : «Je n'ai pas passé un jour sans penser à toi.
Mon plan était de venir te demander des excuses à propos de tout ce que tu as subi, et par dessus tout, continuer à me racheter. Vois-tu, c'est grâce à l'argent de mon paternel que j'ai pu t'intégrer dans l'élite hospitalière. Cependant, en te voyant debout et énervé comme jamais, j'ai perdu tous mes moyens et agi comme une idiote, voire une garce !

- Je pense que tu n'as pas compris ce que j'ai voulu dire. Je te dois peut-être la vie, j'en suis reconnaissant, mais tu es la dernière personne que j'ai envie de voir en ce moment.

-Mais-

- Élite, argent, tout ceci est bien beau, voire héroïque. Mais quelle est la vraie valeur de l'argent si ce n'est l'amour ? Rien, alors va-t-en !

Son regard presque dépité de me voir agir ainsi me satisfaisait bien assez, sur un dernier soupir elle fit mine de s'en aller en ralentissant sa marche progressive vers la porte comme pour me dire de l'arrêter avant qu'elle ne sorte de la pièce. Cependant, à ce moment mon cœur était aussi dur que mon poing fébrile mais révolté par toutes les injustices que j'avais vécues par sa faute. A cet instant, comme par coïncidence, l'infirmière entra dans la pièce en s'approchant de la table basse près de moi pendant qu'Angela sortait sans fermer la porte comme un ultime refus de situation.

Or, je ne me sentais toujours pas libéré de sa pesante présence, comme si elle m'observait. La porte peinait toujours à se fermer toute seule, comme si cette dernière était retenue par un souffle persistant. De l'interstice entre la porte et le seuil se cachait une ombre, accompagnée d'un grand bruit, celui de la porte qui se claquait contre le mur.

Soudainement, un dialogue violent s'engagea entre l'infirmière et Angela. Pris d'un accès de colère, la jeune fit un mouvement qui me parut familier : elle poussa l'infirmière contre le mur afin de la ruer de coups, ce qu'elle exécuta avec brio. En effet, elle a entièrement reproduit les gestes que j'ai eus à utiliser face à son petit copain.

Elle resta silencieuse pendant trente secondes, se retourna vers moi le front plissé, les yeux assombris emplis de furie  et la bouche entrouverte, comme pour me faire comprendre que je serais condamné à une mort certaine, aussitôt que possible.

LOST IN THE MISTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant