Angela Hartmann

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Je me perdis à nouveau dans mes pensées. Je méditai sur une succession d'événements insensés qui ressemblait clairement à un cauchemar. Plusieurs questions me vinrent à l'esprit : Quelle est la vraie valeur de la vie ? Cette dame méritait-elle de mourir aujourd'hui ? Qu'adviendra-t-il de sa famille ? Je pus finalement aboutir à une conclusion. Au fond de moi, je me disais : La vie vaut la peine d'être vécue, en dépit du fait que sa valeur soit donnée par ses semblables, aussi insignifiants soient-ils, partageant le même destin : la mort.

Je finis par accepter sa fin, et de manière concomitante la mienne. Le climat lourd s'allégeait enfin, puisqu'il n'y avait plus d'espoir. Quand soudain je me rendis compte que ce n'était pas moi qu'elle fixait, puisqu'elle m'outrepassa afin de rejoindre la salle de bains. Je ne réagis point, encore partagé entre rage et colère. Ceci dit, c'était la meilleure chose à faire. Étant témoin de la prestation sur l'infirmière, je ne pus point douter de ce dont elle était capable.

«Tu n'as pas à t'inquiéter, elle va bien» dit-elle depuis la salle de bains. Ses dires ne me rassuraient point. Alors, je défigeai mon corps puis allai vers celui de l'infirmière. Je m'accroupis afin de prendre son pouls. «Pfiou, encore chaud ! Je peux y retourner». Cependant, au moment de bouger je sentis un corps étranger autour de mon cou. Une sorte d'objet contendant se glissait sur ce dernier. «Ne songe même pas à t'en aller !», dit-elle d'un air glacial. Je fis mine de bouger afin de voir sa réaction. Sans froncer un cil, elle écorcha une partie de ma peau, me poussa contre le mur puis contre le rebord du lit. Elle s'empara d'une corde qui se trouvait dans l'armoire puis me ligota avec cette dernière. Elle prit une chaise et s'assit calmement à mes côtés.

Un silence de mort se profila dans la chambre. Les douleurs reprirent avec violence et devinrent tout à coup épouvantables. Je restai une fois de plus sans parler, l'idée de faire du mal à une fille me répugnait car cela allait à l'encontre de mes valeurs et de mes principes.

Elle s'approcha de mon oreille et murmura :

«Tu sais, ça peut être difficile à avaler, mais je suis bipolaire de type II, si tu cherchais une réponse à mes changements d'humeur incessants. J'ai été diagnostiquée quelques semaines avant mon départ, raison pour laquelle je n'ai jamais pu te dire « au revoir ». Le médecin a dit qu'il n'y avait ni cause, ni cure à cette maladie. Je suis donc condamnée à vivre avec cette part d'ombre qui me consume petit à petit.»

Le mystère autour de sa personne s'élucidait enfin. J'étais loin d'imaginer qu'elle souffrait d'un vrai problème mental. Inquiété de la situation, je lui fis part de ma compassion et de mon soutien dans son combat contre elle-même. Elle sourit.

Elle reprit : « La seule épaule sur laquelle je pouvais me lamenter était celle de Tyrone, qui a su me supporter malgré le monstre qui est en moi... »

-      Je crois que les vrais monstres sont les ordures qui m'ont fait cette commotion cérébrale, rétorquai-je.

- N'empêche, c'est moi, et moi seule qui le leur ai indirectement ordonné ! Ton bon cœur te tuera, Ham ! C'est de ma faute ! Ma faute ! Ma faute !

Elle donna un coup de poing dans le mur, signe de son mécontentement envers son alter-ego.

- Je ne peux pas t'en vouloir, c'est une partie de toi que tu ne peux pas contrôler.

Elle se leva puis se mit à me raconter ce qui s'était réellement passé depuis.

Laisse-moi te ramener à la dernière fois que l'on s'est rencontrés, c'était il y a trois ans de cela. Kean venait d'être enterré et ta mère était très malade. Qui plus est, étant donné le statut de mes parents en tant que nouveaux magnats de l'industrie agroalimentaire, j'étais dans l'obligation de déménager. C'est à ce moment que tout a changé pour moi : une nouvelle vie m'attendait. Mes parents, grâce à leurs travaux acharnés, se sont enrichis massivement et ont pu bâtir une vie de rêve pour moi. Je vivrais dans l'opulence, et ce jusqu'à ma mort.

Après ça, on était obligés de migrer de ville en ville afin de pérenniser les affaires familiales. Un an plus tard j'avais tout ce qu'il me fallait : de l'argent, du pouvoir, mais surtout des parents qui m'aiment. Jusque-là on est très loin du drame. Cependant...

Elle soupira pendant un court instant pour reprendre plus calmement :

- Cependant, ils vivaient avec beaucoup trop de pression. Mes parents ne prirent aucun congé. La machine capitaliste n'a pas de cœur. Les problèmes s'entassaient. L'argent et l'amour n'arrivaient pas à les faire sortir de cette boucle infernale. Un an plus tard, je découvris que ma mère prenait elle aussi à son tour des drogues dures afin de faire passer le stress. Ce qui impacta sa santé mentale de plus belle. Et ce jour fatidique arriva...

Sa voix dérailla toutefois au moment où elle prononçait cette phrase, car elle lui rappelait une partition triste de sa vie. Il s'était passé quelque chose, et le brusque souvenir de cette expérience effroyable la renvoya à la panique qu'elle avait alors éprouvée et mouilla ses paumes de sueur.

« Ma mère, sur un coup de pression vint dans ma chambre et se mit à dire que j'étais celle qui avait le plus contribué à sa souffrance. Dépassée par le stress et complètement hébétée par les effets de la cocaïne, elle sortit une arme puis se la mît sur la tempe. Elle n'hésita pas à appuyer sur la gâchette... Boum ! Pauvre mère, je lui souhaite de bonnes choses là-haut... »

Je mis à m'agiter. N'ayant point les mots pouvant décrire l'infâme boule au ventre que j'avais, je fermai les yeux et versai des larmes progressivement. 

Elle soupira une seconde fois. 

Cela me fit un choc. Je sentais mes entrailles se pousser au dehors de mon corps, comme si elles voulaient la rejoindre. Mon cœur lui, battait la chamade mais je ne l'entendais plus, je n'entendais plus rien de toute façon. Il n'y a rien de plus frustrant que de crier de toute voix sans écouter le bruit qui en émane. Mon père entra ensuite dans la pièce et dès lors qu'il vit le corps de sa chère et tendre épouse, il tomba lui aussi sur les genoux, regarda le ciel et se mit à expulser toutes les larmes de son corps : il ne verrait plus jamais sa dulcinée. Au final, c'était lui le plus malheureux de l'histoire. Mais aussi le plus affecté !

Un troisième soupir s'ensuivit. Elle me détacha puis tira sa révérence avec ces mots : "J'aimerais tellement que l'on redevienne ce que l'on était il y a trois ans, mais c'est impossible. Je suis désolée pour tout. Adieu, Ham."

Trois jours plus tard, je sortis de l'hôpital. La vie reprit son cours. J'avais gagné un peu de notoriété après mon combat face aux racailles. Mais la routine s'installa très vite et fit sortir cet événement de la tête des élèves du collège. Tout était redevenu normal. Mais un détail m'inquiétait : l'absence d'Angela. Je demandais des infos à Finn à la direction de l'école mais aucune réponse concrète venant de leur part. Des jours passèrent, puis des semaines, mais aussi des mois.

Ce n'est que bien plus tard que je sus ce qui lui était vraiment arrivé. Je reçus une lettre affirmant qu'on eut retrouvé son corps criblé de balles, dont treize d'entre elles entre le bas de son corps et son abdomen ainsi qu’une dernière dans sa tête, écrasé au pied d’un bâtiment. La police appuyée par des experts a conclu qu’on avait à faire à un suicide extrêmement violent, en quelques sortes, voulu symboliquement par l’une de ses personnalités afin de faire connaitre à l’autre et au monde, son désir de se repentir une dernière fois.

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⏰ Dernière mise à jour : May 02, 2021 ⏰

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