Chapitre 6 : Un nouvel angle

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— Je t'aime.
Il se fige, sa surprise se lisant clairement sur son visage. Mais ce n'est pas une surprise déviant vers la peur. Mais bien un étonnement qui le fait rougir au possible.
— Fume...
Il chuchote quelques fois mon prénom, prenant mes mains dans les siennes et les serrant doucement.
— C'est... C'est irréel, je peux pas y croire... Répète le...
Je souris tendrement à sa demande. Fumijiro...
— Je t'aime Fumijiro.
— Moi ?...
— Qui d'autre idiot ?
Je ris doucement en le voyant perdu. Ça y est. Le dire m'a fait lâcher prise. Il me prend soudain dans ses bras, m'enlaçant avec tendresse. Mes yeux s'écarquillent un instant puis je me laisse aller contre lui. Je sens son cœur battre à la même allure que le mien, leur écho bourdonnant dans mes oreilles. Je n'entends plus rien et ne vois plus rien. Je me sens tellement niaise. Je soupire. Est-ce vraiment une bonne idée ? Donc, il m'aime aussi ? Allons nous sortir ensemble ? Non. C'est bien trop tôt. Ces « Je t'aime » ne sont pas encore valables. Il nous faut du temps. C'est sûrement seulement un saut d'humeur, sous le coup de l'euphorie. Et puis, il sait que je ne suis pas prête. Je ne veux pas gâcher la seule amitié que j'ai en ce moment, entre humains, sur un coup de tête.
Il se détache de moi, ses lèvres frôlant ma joue rouge de gêne pour y déposer un léger baiser. Rien d'évident, rien d'innocent non plus. C'est un simple baiser avec ses sous-entendus. Nos yeux se plongent les uns dans les autres avec une compréhension totale. On sait ce qu'on veut chacun de notre côté. Et on sait que c'est la même chose. Passons au dessus. Se mettre ensemble maintenant sous le coup de l'émotion pourrait devenir un regret aussi amer qu'un citron. Je pose ma main sur sa joue et souris. Je sais. Je le sens. Nous sommes heureux. Un silence apaisant se dépose dans l'air. Son visage affiche une mine plus sereine. Mais sa joie de vivre reprend le dessus.
— Bon ! Et ces résultats alors ?
Tiens... C'est étrange. Ses yeux. Ils ont changé de lueur. Il a un air plus aguicheur, un sourire en coin aux lèvres. Je penche la tête sur le côté. Les fées, cachées dans ma bibliothèque me regardent d'un air inquiet. Je les regarde, hoche la tête et me recentre sur Fumijiro. Il y a quelque chose qui cloche. Pourquoi a-t-il changé si vite d'attitude ? Est-ce qu'il doit avoir un changement d'humeur, une tristesse profonde pour que le démon prenne possession de sa façon d'être ? Je fronce les sourcils. Il paraît heureux. Était-il profondément triste ? J'essaye de sonder son regard, mais il est aussi flou que la brume. Il claque soudain des doigts devant mon visage, ses lèvres émettant des bruits de plus en plus distincts.
— Fume ? Fume tout va bien ? T'as l'air ailleurs.
— Hein ? Oh Euhm oui, les résultats.
Je me lève, me dirige vers mon bureau et passe mes doigts sur l'enveloppe. Fumijiro s'assoit sur le bord de mon meuble. Je tourne la tête vers lui. Il m'adresse un sourire plein de tendresse et d'encouragement, ses yeux verts ayant récupéré leur lueur, leur lumière. Je souris, mon début de nervosité descendant petit à petit. Le vrai Fumijiro est là, près de moi. J'ouvre l'enveloppe avec appréhension, ferme les yeux et la sors sans la regarder.
— Aller Fume, elle a pas explosé ta copie !
Il me la prend des mains en riant. Je rouvre les yeux et me jette presque sur lui.
— Eeh ! Rends moi ça !
J'éclate de rire, le faisant tomber sur le canapé à cause de mon poids. Je me mets au dessus de lui, tentant d'attraper ma feuille. Nous rions aux éclats, sans se rendre compte de notre position indécente. Je tends les mains sans succès, et Fumijiro se met à lire, haletant.
— Fume Akikazu Junsuina, 18 ans, moyenne générale au baccalauréat...
— Tais toi Fumiji !
— Hors de question !
Il rit en lisant tant bien que mal pendant que je l'assaille de chatouilles. Il se tortille sous mes gestes, à bout de souffle mais se force quand même à me m'annoncer mes résultats à haute voix.
— Waow !
Je me fige. Comment ça « waow » ?
— Quoi ? Quoi ? crié je presque sous la nervosité. C'est nul c'est ça ?
— Pas du tout...
Il se redresse, moi toujours à califourchon sur lui. N'y prêtant aucune attention, il regarde attentivement ma feuille et me sourit.
— 19, 84 de moyenne au bac et tu t'inquiètes ?
J'écarquille les yeux, une forte expression de surprise s'affichant sur mon visage. Mes yeux s'embrument de larmes, et mes mains se posent automatiquement sur ma bouche, retenant un cri. Il passe ses bras autour de mes épaules pendant que j'éclate en sanglots, me caressant tendrement le dos et il me chuchote :
— Bravo Fume... T'es incroyable.
Je rougis et enfouies ma tête contre son torse. Je suis choquée, heureuse, euphorique, si fière. Toutes les émotions me traversent sans ménagement.
— Je serai... Acceptée ? Je serai vraiment acceptée dans ces écoles ?
— Bien sûr que tu le seras. Ne doute pas de toi. Tu as énormément bossé pour avoir ce que tu voulais. Tu dois juste rester fidèle à toi même et continuer sur la même lancée.
Il me serre contre lui, les battements de son cœur calmant mes larmes abondantes. Mon sourire apparaît et devient plus grand encore. Je ferme les yeux, apaisée par sa présence. Il a raison. C'est ici que tout va commencer. Il me prend par les épaules et me secoue en riant.
— Aller Fume, aujourd'hui t'as dix-huit ans, c'est pas le moment de se laisser pleurer pour une note.
— Eh ! C'est pas qu'une note !
Nous rions ensemble et nous nous relevons avant d'aller dans la cuisine. Il dépose un sac, rempli d'ingrédients et un autre sac qu'il cache derrière le bar.
— Je n'ai même pas vu que tu avais ça avec toi. Qu'est-ce que c'est ?
— Surprise pour le deuxième sac ! Mais pour le premier, j'ai pas trouvé de gâteau assez grand au café O&P mais je me suis dit que comme le temps n'est pas assez bon pour sortir, on peut faire le gâteau ensemble ! Ça te dit ?
Je souris tendrement.
— J'adore la cuisine. Surtout la pâtisserie !
Je lève l'index en souriant de toutes mes dents, fermant doucement les yeux. Il en profite pour prendre de la crème chantilly sur son doigt et m'en mettre sur le bout du nez. Je sursaute en sentant cette matière sur ma peau.
— Eeeh !
— Maintenant tente de lécher ton nez !
Il éclate de rire.
— Idiot, passe moi un morceau de sopalin.
— Jamais !
Je soupire en riant, essuyant mon nez de cette texture. Je regarde la chantilly sur mon poignet.
— De la chantilly ?
— Je sais que t'adore ça. Tu prends tout le temps une tarte aux fraises, un café au caramel avec supplément chantilly par-tout !, rit il.
— N'importe quoi !
Nous rions aux éclats en installant tout sur mon plan de travail, avant de nous laver les mains et se mettre aux fourneaux. Je baisse les yeux en rougissant. Quelle journée d'anniversaire incroyable. Pour une majorité, je ne pouvais pas rêver mieux.
Après avoir mis le gâteau au four, je prétexte une envie pressante pour m'enfermer dans ma salle de bain, appelant les fées à me suivre. Nous entrons toutes les cinq et je ferme la porte à clef avant de m'adosser au mur.
- Fume ! crie presque Amako, se jetant contre ma poitrine. Natsu et Aki se posent chacune sur mes épaules et Yunie reste, comme à son habitude, face à moi, assise sur le lavabo les bras croisés. Celle-ci prend la parole.
- Je comprends pourquoi tu restes attachée à lui. tu es vraiment amoureuse.
- Je ne dirai pas amoureusement. Peut-être attirée, intriguée... Mais pas amoureuse, il m'en faut beaucoup. Je lui ai dit je t'aime, je sais, mais des fois juste dire je t'aime libère. Une sorte de pression s'est installée quand il a apprit pour mon passé. J'ai lâché cette parole, lui aussi. C'était sûrement sur le coup de l'émotion.
- Mouais. Mouais. Mouais. Et après quoi ? Vous allez couché ensemble et ça sera encore « sous le coup de l'émotion » ?
- Yuki ! renchérit Natsu. C'est pas facile comme situation. Ils sont tous les deux perdus.
- Je sais bien. Et ça m'énerve. Il fallait juste qu'elle retire le démon de son corps pas qu'elle tombe amoureuse !
- Ne t'énerve pas, dit Aki de sa voix calme. Laisse les agir comme ils veulent. Et Fume, elle l'aime, la mission ne peut que bien se dérouler.
- Aki a raison !, sourit Amako. Elle sera encore plus la pour lui et ne lâchera rien. Il faut à tout prix qu'il accepte de te suivre à Tokyo.
Je souris tendrement, les sentant si proche de moi que mon coeur tambourine d'affection.
- Merci les filles. Vous êtes les meilleures amies que j'ai jamais eu. Je vous promets que ça arrivera. J'y arriverai.
- On compte sur toi. Aucun faux pas, me gronde presque Yuki.
Je ne sais pas si j'hallucine mais au moment où elle me tourne le dos, je remarque sur ses lèvres un petite sourire. Aurais-je réussi à la rendre... Un tant soit peu gentille avec moi ? Je penche la tête en souriant. Leurs bonnes ondes sont communicatives.
- Bon. Je sens que Monsieur va se poser des questions. Tu dois le rejoindre, me dit tranquillement Aki.
- Oui tu as raison. Je vous laisserai de petits bouts du gâteau ! dis-je avant de sortir de la pièce.
- Mais nous ne...
- Yuki laisse la, ça lui fait plaisir.
- Natsu...
Je les laisse sortir et referme la porte, Amako ayant pris le soin d'enclencher la chasse d'eau pour éviter les suspicions. Elles se mettent dans leur petite maison et je retourne dans la cuisine. Je le trouve en train de ranger la table. Je nettoie après lui et remets nos tabliers dans le placard. Je me tourne vers lui.
- Merci. Cette séance de cuisine était vraiment géniale.
- Attends de voir le résultat ! me dit il, tout enjoué, levant joyeusement son pouce en un signe d'assurance.
- J'ai hâte de goûter !
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- À table !
- Haha ! On dirait ma mère quand j'étais petite.
- Eh, ne me compare pas à tes mères.
- Pourquoi ?
- Je cuisine bien mieux !
J'éclate de rire.
- Idiot. Si tu savais à quel point c'est faux.
- T'as même pas goûter ! Tiens !
Il me tend une fourchette et pose une part de gâteau face à moi.
- Goûte, tu m'en diras des nouvelles !
- Voyons ça...
Je trempe ma fourchette dans le gâteau cuit, en découpe un bout et le porte a mes lèvres avant de le mettre dans ma bouche. Je ferme les yeux et le mange doucement. Et à mon plus grand étonnement, Fumijiro, ne s'en sort pas si mal.
- Waow. Pas mal pour un mec.
Il me donne un coup de coude dans le bras.
- Eh ! Quel cliché ! Je suis bon cuisinier, il le faut de toute manière.
- Tu vis seul toi aussi ?
- Oui. Je suis bien obligé après tout. J'ai dix neuf ans et je cherche du boulot en vain.
J'écarquille les yeux. Bingo !

Fume : L'envolOù les histoires vivent. Découvrez maintenant