II

1.4K 78 6
                                    

Affalée dans mon canapé, je regardais la télévision sans la voir. Dans ma tête tournaient en boucle deux yeux aux couleurs d'un ciel orageux.

A l'idée de ne jamais revoir la fille si magnifique du bus, mon cœur se fendit en deux.

Et soudain, son visage apparu sur l'écran de la télévision. Toujours le même regard d'acier, toujours le même anneau entre les narines, toujours les mêmes mèches souples et sombres. Toujours la même détermination. Toujours la même majesté dans la posture. Toujours aussi unique, aussi resplendissante.

Elle tenait une pancarte en carton à la main, scandant avec la foule qui l'entourait les mêmes phrases.

Pour la première fois depuis que j'avais allumé la télévision, j'écoutai avec attention le présentateur.

C'était la Pride.

De nouveau, les images de la foule colorée emplirent l'écran.

Cette fois encore, la fille du bus apparaissait clairement, au centre de la télévision.

Je la vis embrasser sauvagement une autre fille, empoignant sa nuque avec cette détermination qui semblait la définir.

Sans interrompre le baiser, la fille du bus leva son majeur verni de noir à l'intention des caméras.

Sa liberté et sa volonté me sautèrent au visage avec une force inouïe. Et, pendant que mon cœur se brisait en mille morceaux dans ma poitrine, mon père débarqua dans la pièce et éteignit la télévision.

Geste empli de haine.

Inconscient de mon cœur qui explosait, mon père me hurla d'arrêter de regarder ces "pédés sans gêne qui finiront en enfer". Puis il repartit comme il était venu.

Il ne demanda pas si j'allais bien.

Il ne demanda pas pourquoi mes larmes menaçaient de couler.

Je me levai lentement, tandis que les miettes de mon cœur brisé tombaient dans mon ventre comme un poids.

Mon père savait-il qu'il insultait sa fille "chérie" chaque fois qu'il déversait sa rage ?

La fille du busOù les histoires vivent. Découvrez maintenant