Chapitre 2

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Jour Z-1
Salle 209, Lycée Jules Ferry, France. Dix heures trois.

C’était Manon.

La petite aux cheveux bouclés et aux joues roses avait la main sur la poignée. Sans hésiter, elle ouvrit la porte. Personne n’avait rien compris. Une minute avant, elle était couchée sur le dos, un bras servant de coussin, une jambe sur l’autre, semblant à moitié endormie. Complètement détendue au milieu de ces corps tendus. Cinq minutes avant, elle était en train de rêvasser, de parcourir son imagination débordante, de penser à la suite du roman qu’elle écrivait. Dix minutes avant, elle écoutait les alarmes sonner, et compara la mélodie au cri de quelconque animal, comme par exemple ceux des demi-siréniens.

Mais trente secondes avant, elle écouta M.Sanieux faire son petit discours, et le compara à un lion voulant laisser ses lionnes chasser pour lui. Elle devait faire quelque chose. Elle se leva au bruit des coups sur la porte, elle aperçut les clés sur le bureau ; c’était son moment de devenir la plus majestueuse et courageuse des lionnes. Elle pensait qu’en ouvrant cette porte, elle pourrait enfin incarner le personnage qu’elle avait imaginé pour elle-même, pour lequel elle avait créé des centaines d’histoires, et qui pourrait enfin sauver le monde.

Rien. Manon ouvrit la porte, mais rien. Aucun bruit. Silence et sang.

Le monstre qu’elle avait imaginé combattre une minute auparavant n’était pas là. Les seules traces de son existence étaient cette marre de sang devant la porte, les empreintes de doigts rouges sur le mur, et la traînée liquide qui traversait le couloir.

Estelle claqua rapidement la porte pour la refermer. Manon resta immobile. Elle ne savait pas si elle était soulagée, ou frustrée.

Tout le monde avait vu ce spectacle rouge. Et personne ne savait quoi faire ou comment réagir.

« Qu’est-ce que tu fous Manon !? » Gul brisa le silence en criant sur son amie. Ses mains tremblaient. Elle était sur le point de la gifler, de pleurer, ou même de tomber dans les pommes.

Aucune réponse.

C’était la première fois qu’Estelle voyait sa meilleure amie dans cet état. En trois ans d’amitié, elle aurait pu compter sur ses doigts le nombre de fois où elle l’avait vu énervée. Estelle devait faire quelque chose : la petite main de Gul se transformait de plus en plus en petit poing. La fille aux cheveux clairs poussa gentiment sa meilleure amie en arrière et se mit devant elle, en bouclier, en frontière entre le petit poing rouge et les joues roses de Manon.

Estelle soupira un bon coup. Ce n’était pas le moment pour elle de faire une crise d’asthme. Des milliers de choses lui passèrent par la tête. Elle voulait savoir l’explication logique qui aurait pu pousser les cheveux bouclés à une telle action. Mais rien ne sortait de sa bouche. Embarrassée par cet état, elle en oublia son objectivité, et laissa ses sentiments parler.

« Tu pensais faire quoi là ? Tous nous tuer ? On sait pas ce qu’il y aurait pu avoir derrière cette porte ! », elle essayait vraiment de garder son calme. Mais même son sang bouillait. Ses yeux clairs étaient plongés dans ceux de Manon. Mais le regard de celle-ci était vide. Rien.

« Bougez. J’me casse ». Une voix les coupa au fond de la classe.

Une camarade grande et blonde se dirigeait vers la porte et vers Manon. Elle avait préparé ses affaires. Elle expliqua qu’elle préférait sortir, que cela était une meilleure solution que de rester coincée avec des gens qu’elle pensait fous et qu’elle n’aimait pas. D’autres élèves étaient d’accord avec elle. Au moment où ces paroles sortirent de sa bouche, la classe se divisa en deux groupes distincts. Ceux qui voulaient partir et tenter leur chance, et ceux qui préféraient attendre de l’aide et d’avoir plus d’informations sur la situation.

Manon était retournée sur le sol, dans sa position initiale, elle dormait peut-être même. Elle était bien trop confortable et peut-être même déçue pour partir.

Estelle et Gul décidèrent rapidement de rester aussi.

Priscilla hésita un peu. La fille aux lunettes se tordait encore plus chaque seconde pour retenir sa vessie. Elle chercha son ami Enzo des yeux, pour le retrouver à terre, le teint pâle comme les murs blancs. Elle n’avait pas vu le garçon de deux mètres tomber tel un château de cartes au moment où la porte s’ouvrit.

Zombies à Jules FerryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant