Chapitre 3

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Jour Z-1

Salle 209, Lycée Jules Ferry, France. Onze heures.


Le cri. Les clés. La porte.
M.Sanieux avait ouvert la porte. Il étouffait. Il était responsable de ses élèves, et l’un d’entre eux avait sûrement perdu la vie, à cause de lui. Peu importe ce qui se trouvait dans les couloirs, il voulait aller aux toilettes et arrêter le monstre. Même si cela voulait dire se sacrifier. Il n’aurait pas pu vivre avec la mort de la petite sur la conscience de toute façon.

Il sortit de la pièce, et se dirigea vers les toilettes, d’un pas lent et presque tremblant. La majorité des élèves, dont Estelle, se précipitèrent à la porte pour le regarder. Le vieil homme sentait les jeunes yeux sur lui. Il se retourna une dernière fois. Il ne savait pas pourquoi, mais il ressentit de la fierté, de la tristesse, de la mélancolie, de l’amour. Il se dirigeait vers la mort, et il le savait, mais plus il s’approchait du monstre, moins il avait peur. Il passa la main une dernière fois dans ses cheveux soyeux, et disparut de la vue des élèves. Il était entré dans les toilettes.

Quelques secondes de silence.

« Il fait quoi ? Il est mort ? », chuchota l’un des élèves à la porte.

Quelques secondes de silence.

« Il a toujours été fou », une autre souffla.

Quelques secondes de silence.

« IL EST LÀ !! », s’exclama Estelle dans une sorte de bond dramatique.

Tous les élèves étaient maintenant à la porte. Gul, sur la pointe des pieds, ne voyait rien à part les épaules de ses camarades. Un mouvement de foule, des exclamations, des chuchotements surpris. Elle ne vit rien de la scène. Pour essayer de comprendre un peu ce qu’il se passait, elle baissa la tête, et aperçut les lacets de M.Sanieux s’avancer. Les yeux de la petite devinrent des ronds blancs. Derrière les chaussures polies du professeur, des baskets blanches. Elle fronça les sourcils ; elle ne les reconnut pas. Les bottines de Manon ne les suivaient pas. Son cœur se déchira.

« Poussez-vous les affreux, le professeur sourit alors qu’il referma la porte, Manon a besoin d’espace. »

Le propriétaire des baskets blanches portait la petite aux cheveux bouclés sur le dos. Manon semblait être dans un état second. Un peu de sang coulait de sa tempe. Mais elle était vivante. Gul leva ses yeux remplis de larmes pour voir le visage de son sauveur et le remercier. Mais la petite s’arrêta net quand elle reconnut le sourire arrogant du garçon aux baskets blanches. C’était le petit ami de Laura. Il avait une joue rouge aussi. Gul ne pouvait pas le croire. Pas lui. Il n’aurait jamais sauvé une autre personne que lui-même et sa petite amie.

Dès qu’il allongea Manon sur une des tables, et que Priscilla s’assura qu’elle allait bien, Laura, Estelle et Gul se ruèrent vers lui. Laura voulait sauter dans les bras de ce prince charmant, mais les deux meilleures amies étaient plus rapides. Elles avaient pensé à la même chose, et coincèrent le garçon dans un coin.

« Qu’est-ce que tu lui as fait ? commença Estelle, le visage sérieux.
- J’te jure si tu lui as touché un poil je te défonce », continua Gul, les poings serrés.

Les deux le détestaient. Pour elles, c’était un con violent et égoïste, qui faisait tout de travers. Elles ne lui faisaient pas confiance et ne supportaient pas la relation qu’il avait avec leur amie. Elles s’apprêtaient à l’interroger encore une fois. Mais Laura les coupa, se mettant entre ses amies et son copain, pour le prendre dans ses bras. Le couple s’embrassa plusieurs fois, s’échangea quelques mots, et ils s’enroulèrent de leurs bras. Cela dura presque dix minutes. Estelle baissa les yeux, et Gul faillit vomir à cette soudaine manifestation d’affection. Puis, les baskets blanches, à un moment, comprenant que les meilleures amies ne partiraient pas, se tournèrent vers elles :

« Arrêtez de me regarder comme ça, j’ai rien fait. J’ai pas eu cours avant, et j’étais dans les couloirs à attendre Laura pour qu’on puisse passer la récré ensemble. Et quand j’ai entendu les alarmes, je me suis caché aux toilettes. J’y suis pas sorti pendant un moment. J’ai cru que j’avais bien fermé la porte, et que personne ne viendrait. Mais j’ai entendu des bruits de pas dans les toilettes, j’ai pas compris. J’ai regardé et c’était Manon, mais elle m’avait pas vu. Quand elle m’a remarqué, elle a crié, m’a donné une bonne savate de nippon kenpō au visage, et avec le recul ou la surprise elle a perdu l’équilibre et elle est tombée au mauvais endroit. Sa tête est tombée sur l’évier. »

Il parlait avec de l’énervement dans la voix, ce qui mettait encore plus en colère les deux amies. Estelle et Gul ne le croyaient toujours pas et Laura commença à les regarder d’un air méchant.

« Et j’ai trop eu peur, je savais pas quoi faire et il y avait du sang, continua-t-il. Et c’est là que votre prof est venu, il m’a dit de la ramener ici. »

Les meilleures amies se tournèrent vers le professeur. Il hocha de la tête et souffla un « c’est vrai ». Elles se calmèrent peu à peu, alors que Laura grinçait des dents.

Zombies à Jules FerryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant