Le soleil se couchera sur la baie

330 20 22
                                    

Avril, 2020.

Un jour comme un autre. Le soleil est déjà levé et je sens l'été qui arrive. L'air ambiant a une odeur bien particulière, j'entend le bruit des enfants qui jouent dans la grande cours de la cité, et je me sens bien.

Ça fait longtemps que je n'ai pas profité d'une journée comme celle-ci. Mes cours de droit à la fac me prennent la plus part de mon temps. Mais quand on grandit dans un quartier comme le mien, la vie n'est qu'une question de choix. Et moi, j'ai décidé de m'en sortir, alors je travaille d'arrache pieds.

Mais aujourd'hui j'ai acceptée une petite virée avec Carla, qui m'assomme chaque jour - depuis le début des vacances de printemps - à coup de « Profite un peu quand tu en as l'occasion! Tu vas avoir le cafard à force de rester enfermé...», et elle n'a pas tord.

Carla c'est un rayon de soleil. Belle brune aux yeux noisettes, elle est toujours prête à sortir à droite à gauche, mais elle n'en reste pas moins une excellente élève. Je l'ai rencontré à la fac il y a 2 ans, et depuis on ne se lâche plus. Elle ne le remplace pas lui... mais elle est elle, celle qui a fait de notre amitié un exutoire.

Je lui ai déjà parlé de Samy, ou du moins j'ai déjà évoqué les grandes lignes. Mais on en parle pratiquement jamais parce qu'elle sait que ça me fait toujours un petit pincement. Et bêtement, moi, j'ai tendance à penser que ne pas en parler, c'est comme si ça n'avait jamais existé.

Après qu'il m'ait rejoint le jour de l'enterrement de sa mère, on a parlé chaque jour pendant une semaine. Je lui envoyait des messages auxquels il répondait comme si jamais nous n'avions cassé de nous voir. Je me suis rendue compte que que notre complicité ne s'était pas évanouie avec les années. Et j'en était ravie. Je me suis rendue compte qu'il me faisait toujours cet effet bizarre sur lequel je n'ai jamais réellement su mettre un nom. À chaque sonnerie de mon téléphone je devenais euphorique. J'essayais de lui faire oublier sa peine l'espace de quelques mots échangés... Mais au bout de quelques jours il ne répondait plus que brièvement, jusqu'à ce qu'il ne le fasse plus du tout. Espoir une énième fois désillusionné.

J'ai beaucoup écrit depuis, pour panser mes maux. J'aime appeler ça l'écriture thérapeutique: « Il a été un nuage, que je croyais immobile mais qui s'éloignait un peu plus à chaque instant. Son horizon est au bout du monde, je croyais le mien juste la ».

Le peu de fois qu'on en parle, Carla le blâme beaucoup pour ça. Mais c'est parce qu'elle m'aime, et qu'elle voit bien que ça m'a touché. Moi, je ne lui en veut pas. On gère tous nos émotions comme on le peut. Le temps a fait de nous des inconnus, et s'il n'a pas jugé bon de donner suite, alors il a jeté ses dés pour nous deux.

Depuis, je ne l'ai plus jamais croisé, bien qu'il ait emménagé avec le plus grand de ses frère pas très loin de ma ville.

17h00

J'ai passé la journée entière avec Carla qui m'a bien fait rire. Elle n'a pas arrêté de me parler d'un type qu'elle a rencontré sur Facebook. Je suis le genre de fille bien trop idéaliste pour croire aux rencontres sur les réseaux sociaux. Sans doute une des raisons pour lesquelles je suis souvent déçue, j'en attends trop. Je l'ai écouté me louer la beauté et la sympathie de ce mec pendant des heures. Nous voici garées devant chez moi.

Angela: « Merci de m'avoir raccompagné, et n'oublie pas de me tenir au courant de l'avancé avec ce fameux Ayoub », lui-dis-je en me moquant légèrement.

Carla: « Attends, attends », me retient t-elle alors que je m'apprêtais à sortir de sa voiture, « je voudrais de te demander quelque chose...».

Angela: « Je m'attends au pire venant de toi, mais dis toujours », dis-je en riant.

Carla: « Ayoub m'a invité à passé la soirée avec lui et ses copains près de la baie. Et je me demandais si tu voulais bien m'accompagner? », me dit-elle nerveuse, en entortillant ses doigts dans tous les sens.

AngelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant