Samy et moi

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Samy!

Samy?

Samy.

Non, impossible.

Le type se retourne avec un joint au bec, et s'avance d'une telle lenteur que mon coeur a le temps de rater 3 battements. L'angoisse me prend la gorge. Et si c'est vraiment lui... Le revoir maintenant?

Non, impossible.

Plus il se rapproche, et plus son visage s'offre à moi. C'est bien lui. Ses cheveux bouclés ont poussé, ça lui va bien. Il a prit en taille et en muscle. De quoi ne pas le reconnaitre à première vue. Il porte un jean noir et une chemise ouverte laissant apparaitre un tatouage sur le haut de sa poitrine. Impossible de lire ce qu'il y a écrit. D'ailleurs je devrais sans doute arrêter de le fixer comme ça.

Sans un mot, il vient vers moi et me fait la bise, une expression impassible, comme s'il ne me reconnaissait pas. Puis il fait de même avec Carla.

Je reste là, les bras ballants, incapable de réaliser ce qu'il vient de se passer. J'entends quelqu'un se rapprocher de moi.

Carla: « Ferme ta bouche Angela, tu vas gober une mouche », me chuchote-t-elle à l'oreille. Elle doit surement penser que je suis en plein coup de foudre cette ignare.

Je la regarde, paro, et lui mime du bout de mes lèvres un léger « c'est lui ». Pensant naïvement qu'elle réussirait à faire le rapprochement toute seule. Elle plisse les yeux me faisant comprendre qu'elle n'a pas entendu.

Angela: « C'est lui », lui répète-ai-je discrètement.

Carla: « Hein? ».

Angela: « Oh c'est lui! C'est Samy! », criais-je presque.

J'ai peut-être légèrement perdu les pédales... L'émotion, c'est trop pour moi. Je la vois se décomposer mais elle ne pipe pas mot. Quant aux garçons, eux semblent s'interroger. Il nous regardent, Samy et moi, à tour de rôle.

Lui, maintenant assis sur une des chaises, ne daigne pas desserrer les dents. Il ne relève même pas la tête en direction de la scène, mais préfère se concentrer sur la drogue qu'il inhale à pleins poumons.

Amor: « Vous vous connaissez vous deux? », demande-t-il en regardant l'homme au splif.

Voyant qu'il ne lui répond pas, Amor se tourne vers moi.

Angela: « Disons qu'on se fréquentait y a un bon moment».

Amor: « Fréquenter? Genre c'était ton m... », essaye-t-il de dire avant d'être coupé par Samy.

Samy: « Fréquenter de rien du tout. C'était une petite de mon quartier, puis je suis parti et on s'est plus vu, point ». Dit-il stoïque, d'une voix grave et ferme que je ne lui connaissais pas.

Wow. 3 ans de moins que lui et quelques années passées ont réussi à ne faire de moi qu'une « petite du quartier ». Je cherche la plaisanterie dans sa voix, mais rien. Non. Il est juste froid, et dénigrant. Il vient de faire passer à la trappe des années de souvenirs.

Il a honte? sûrement. Je ne cherche pas plus longtemps, ça n'est pas le moment de se triturer avec ces questions.

Angela: « Exactement », dis-je en le regardant, la rancoeur à la bouche. À travers le nuage de fumée, j'arrive à déceler ses yeux qui semblent me transpercer, comme s'il n'appréciait pas mon acquiescement.

00h30

Je rentre enfin chez moi. Je me jette sur mon lit exaspérée, en me remémorant cette soirée. Après les salutations quelque peu... GÊNANTES... on a passé toute la soirée à parler de tout et de rien. Finalement, on a bien rigolé. Les garçons sont adorables et vraiment très drôles, à part un. Vous vous en doutez bien.

Carla s'est rapprochée de Ayoub, et je crois que tous les deux se plaisent vraiment beaucoup. Abdel a passé toute la nuit au téléphone avec sa copine. Les garçons m'ont expliqué que ça fait deux ans qu'ils sont ensemble, et qu'en ce moment il y a de l'eau dans le gaz entre eux. En parlant de ces zouaves, ils n'ont pas arrêté de se battre pour savoir lequel des deux aurait mon numéro. Résultat, aucun ne l'a. Ils m'ont fait mourir de rire ces affamés.

Quant à Samy, on ne l'a presque pas entendu de la soirée. J'ai bien senti à plusieurs reprises son regard pesant sur moi, sans forcément y répondre. Non pas que mes yeux refusent de se régaler, mais je ne voulais pas lui donner de l'importance après son comportement exécrable.

En partant, Carla et moi avons fait la bise à tous les garçons avant de les quitter, en se promettant de remettre ça très prochainement. À tous, sauf un que j'ai soigneusement esquivé.

Moi qui ne lui en voulais pas, qui refusais de le blâmer, gneugneugneue..... Croyez moi, je reviens sur mes pas. Finalement, le détester m'aidera peut-être à l'oublier pour de bon.

Au fond de moi, une petite voix me crie de lui envoyer un message pour qu'on puisse régler nos compte une bonne fois pour toute. Mais Non. Ça serait trop facile que ça vienne de moi. Et puis je sais pertinemment qu'il ne répondra pas, alors à quoi bon m'humilier d'avantage, ce soir m'aura servit de leçon.

Je me couche en ne cessant de penser à lui et à ce qu'il est devenu, ou du moins à ce que j'ai pu voir de lui ce soir. Il semble détaché de tout, de tout le monde. Maintenant il fume de la drogue, chose que je ne l'avais jamais vu faire. Puis il est tatoué. Ma foi, ça lui va plutôt bien. Même très bien si j'arrête de me mentir. Que s'est il ancré dans la peau? On dirait que la peine l'a endurci, j'ai pourtant essayé de l'aider... Mais à quoi bon sortir de l'eau la tête de quelqu'un qui ne veut pas de vous?« ANGELA ARRÊTE DE PENSER À LUI » me crie ma conscience.

Je me repasse quand même en boucle l'image de sa peau caramel, de ses cheveux bruns, bouclés, mi-longs, qui lui donne ce charme particulier. Ses yeux sont toujours les mêmes, bruns, d'une forme qui lui donne un air enfantin et joyeux en permanence.

En dépit de ma déception, je me sens indéniablement soulagée. Soulagée de revoir son visage et de pouvoir enfin m'en souvenir. Le temps avait effacé ses traits si particuliers, l'expression de son regard, la forme de son sourire et même ses mimiques, de sorte qu'il ne me restait de lui, que l'idée que je m'en faisais.

AngelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant