— Allez-y.
Assis devant son bureau, Chess encouragea Eva à planter l'aiguille dans la fiole d'élixir.
Elle se trouvait non loin de là, lovée dans le petit fauteuil molletonné disposé près de la bulle panoramique, le kit d'injection sur les genoux.
Ce jour-là, Chess avait décidé de lui apprendre à s'en servir. Cela la rendrait plus autonome pour gérer ses crises, mais en plus de cela, Eva avait la désagréable sensation qu'il cherchait à se débarrasser d'elle.
Sa main trembla un peu alors qu'elle aspirait le liquide dans la seringue.
Chess était plongé dans ses papiers, et ne levait le regard vers elle que pour contrôler qu'elle déroulait bien ses instructions.
— Voilà, maintenant, repérez la plus grosse veine. Vous devriez voir la marque des précédentes injections.
— J'ai vraiment l'impression que ça va faire plus mal que d'habitude...
Chess décrocha le nez de son bureau et lui adressa un sourire lointain.
— Ce n'est qu'une question d'habitude.
Eva étudia les veines de son bras, ne dissimulant plus sa moue contrariée. Sa boîte crânienne semblait se refermer sur son cerveau. Sa vue se troublait de petites taches noires. Elle avait les jambes lourdes et le dos criblé de poignards invisibles.
Ce cours improvisé ne l'amusait pas.
— Vous avez vu le résultat de votre équipe aux préliminaires d'hier ? demanda soudain Chess, sa voix semblant s'être adoucie.
Les Fairies s'étaient classées devant les Atomic Run pour cette première journée de tournoi des champions. Un exploit, qu'il faudrait renouveler, mais qui permettait d'asseoir la position de concurrente principale pour l'équipe féminine. Eva le savait bien, pourtant, elle ne parvenait pas à s'en réjouir.
— Ce n'est plus mon équipe... Mais oui, j'ai vu.
— Oh, oui... Désolé, je ne voulais pas... Je suis désolé.
L'expression confuse de Chess fut sincère. Il se leva enfin, se rapprochant d'Eva dans sa démarche traînante.
Avec son costume en velours côtelé sombre et aux reflets mauves, totalement défraîchi, sa chevelure bouffante et desséchée qu'il n'avait pas pris la peine d'attacher, au milieu de la semi-pénombre de cet appartement, Chess semblait se fondre dans le décor tel une silhouette évanescente.
Il s'accroupit pour se mettre au niveau d'Eva.
Dans son visage sans éclat, elle chercha cette lueur de vitalité qu'elle avait parfois remarquée, en vain. Elle semblait avoir disparu depuis longtemps.
Cependant, de sa douceur habituelle, il se saisit de sa main qui tenait la seringue. Il la guida vers le bras d'Eva, toujours d'un geste lent, sans la brusquer.
— Vous voyez ? C'est juste là.
Eva acquiesça, puis fit une grimace de douleur quand l'aiguille transperça sa peau. Elle appuya elle-même sur le piston pour injecter l'élixir. Sa veine sembla se teinter de ce vert si sombre et angoissant pendant un instant, puis retrouva sa couleur naturelle. Eva sentit ses tremblements se calmer.
Elle commençait à avoir l'habitude de ces premières minutes sous élixir, et maîtrisait un peu mieux son départ de conscience.
— C'est bizarre, je ne me rappelle jamais comment je rentre chez moi, remarqua-t-elle à haute voix. Je me réveille à chaque fois dans mon lit sans le moindre souvenir.
VOUS LISEZ
Wonderwall [nouvelle SF]
Science Fiction" Pour contrer l'ennui et la démence, il n'y avait que trois activités possibles à bord de l'Oasis : la course à pied, les jeux d'argent et l'Absinthe. La première était un sport hautement réputé qui s'organisait en équipes rivales et qui rythmait l...