Cours, bon sang ! Cours !
Eva ordonna à son corps de bouger. Il n'obéissait pas. Elle devait le traîner de toutes ses forces. Le temps pressait pourtant. Son instinct hurlait dans tout son être l'urgence. Il n'y avait aucun doute, elle devait empêcher Chess de commettre l'irréparable.
Et s'il était déjà trop tard ?
Eva chassa cette pensée et se concentra pour marcher le plus rapidement en direction de l'Absinthe. Elle atteignit le night-club à bout de forces.
La bonne nouvelle concernant l'exoplanète avait déjà fait le tour de la station, puisqu'exceptionnellement, le Délirium était bondé en dehors des heures d'affluence. Elle dut jouer des coudes pour se faufiler au travers des danseurs guillerets.
Arrivant devant la porte dissimulée sous l'alcôve, elle sonna avec urgence à l'interphone. Ses poumons brûlaient. Son bras parvenait tout juste à se soulever jusqu'à la sonnette. Sa colonne vertébrale menaçait de s'effondrer à tout moment.
Son syndrome gravitationnel lui faisait subir une crise, pourtant, Eva s'acharna sur l'interphone. Elle était persuadée du plus profond de ses entrailles que Chess était en danger. Par-dessus tout, elle devait le sauver. Mais il ne répondait pas.
L'esprit d'Eva cogita à toute allure. Heureusement, il lui restait encore un peu d'énergie pour cela.
La porte du laboratoire était blindée, il n'y avait aucune chance qu'elle puisse la forcer. Il existait une autre entrée dans l'appartement de Chess. Elle l'avait remarquée, même si elle ne l'avait jamais empruntée. Une porte ordinaire, comme celle des autres studios de la station. Il fallait qu'elle la trouve.
Il fallait qu'elle sauve celui qui l'avait sauvée sans jamais rien demander en échange. Celui qui avait vécu pour tous les autres sur cette station, sauf pour lui-même.
Eva traversa à nouveau la foule du Délirium. Elle bouscula ceux sur son passage, avec une force inédite.
Une fois dehors, elle se mit enfin au pas de course. Ses jambes agonisaient, ses muscles lui ordonnaient d'arrêter.
Pourtant, pour la première fois de toute sa vie, Eva avait une véritable raison de courir.
Pas pour parcourir des couloirs tristes en se faisant acclamer par les spectateurs. Pas pour gagner une course. Pas pour oublier ses soucis.
Cours !
Le corps d'Eva répondit enfin à son injonction. Elle se laissa guider par l'intuition qui animait ses jambes, et étonnamment, elle se repéra sans erreurs dans le dédale du quartier.
C'était comme si elle connaissait par cœur le plan de la station. Comme si le rêve qu'elle avait fait la veille lui avait appris l'Oasis sous toutes ses coutures dans le seul but de sauver aujourd'hui l'inventeur.
Eva parvint dans le couloir 13 et trouva la dernière porte tout au fond qui lui semblait être la bonne. Elle stoppa sa course devant, à bout de souffle. Elle tendit sa main vers la poignée avec appréhension, et la porte non verrouillée s'ouvrit dans un grincement sinistre.
Eva pénétra dans l'appartement de l'inventeur.
Cette petite entrée sombre lui fit froid dans le dos. La sueur qui s'écoulait partout dans son dos lui donna des frissons. Elle se dépêcha de rejoindre le salon.
Elle découvrit alors une vision d'horreur.
Chess s'était pendu.
Son corps se balançait au bout d'un fil solidement accroché à la sculpture en acier du plafond, juste en avant du lit et de son piédestal.
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Wonderwall [nouvelle SF]
Science Fiction" Pour contrer l'ennui et la démence, il n'y avait que trois activités possibles à bord de l'Oasis : la course à pied, les jeux d'argent et l'Absinthe. La première était un sport hautement réputé qui s'organisait en équipes rivales et qui rythmait l...