Tous les enfants du monde

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Et en effet, la petite île de Kedéviok a surgi de l'océan le soir venu, à peine l'équipage s'empiffrait d'une dernière bouchée du merveilleux moelleux au chocolat de Sanji. Pour profiter de ce début de soirée et de l'heure encore raisonnable, les filles ont proposé de trouver un hôtel où séjourner. Les heures passées à terre se font rares et la moindre escale est chérie tout particulièrement, même pour ces amoureux transis de l'océan. C'est alors qu'il a fallu désigner une âme charitable, qui sacrifierait sa nuit dans un vrai lit pour garder le Sunny (le Klabautermann ne suffisant pas à protéger le navire ; s'il y a bien débat, Law s'étonne que cela ne porte pas sur l'existence très incertaine de cette entité légendaire. Tout le monde semble au moins d'accord sur la présence bien réelle de cette créature, pourtant sortie tout droit de ses contes d'enfant. Mais après tout, il n'est pas à une excentricité près avec cet équipage).

C'est Law qui a écopé de la tâche, à sa propre demande, comme un dernier remerciement pour l'avoir accueilli – recueilli – pendant ces longs mois. C'est aussi l'occasion pour lui de faire le point sur sa vie, la mer comme seul témoin. Afin de décider d'un nouveau départ. Ou d'un point d'arrivée.

Maintenant, il est seul depuis près de deux heures, en haut de la vigie où il n'a pas l'habitude de monter. Il regrette de ne pas s'y être rendu plus souvent – hormis pour quelques gardes – car il s'agit là d'un petit sanctuaire, que l'animation du Sunny ne semble pas atteindre. Mais trop tard, puisqu'il va partir.

Il est assis sur l'un des sièges qui encerclent la petite pièce, accoudé près de la fenêtre à écouter le remous des vagues – et assurer son rôle de gardien, puisque c'est ce pourquoi il a été désigné à la base. La nuit le drape de silence et tout est réuni pour lui permettre une introspection ; seulement, son esprit demeure vide. Ce constat lui fait un peu froid dans le dos.

Il n'a plus aucun but. Quitter le Sunny, c'est juste une manière de fuir. D'échapper à la dynamique de cet équipage hors de tout sens commun, à laquelle il est si étranger. Se laisser porter par la force des chapeaux de paille, c'est la solution de facilité. Ç'a été bon un temps, mais Law ne peut se résoudre à poursuivre sur cette voie. Même si partir ne signifie pas pour autant trouver un nouvel objectif. Et si la proposition de Nami-ya semble alléchante, cela ne fait que retarder sa décision.

Et puis il y a Luffy. Cette énigme. Ce bonhomme en caoutchouc parfaitement imprévisible, qui ne rentre dans aucun schéma envisagé par le chirurgien. Dire qu'il avait prévu de se servir de lui. C'est lui qui se sert de moi. Tu t'es bien fait avoir, Traffy. Ce dernier se demande bien ce qui lui prend de s'embourber dans une relation de ce genre. En général, Trafalgar Law n'agit jamais sur un coup de tête, la plupart de ses choix sont mûrement réfléchis, retournés dans tous les sens par son esprit malade. Toutes ses actions servent toujours un but, souvent égoïste. Alors quoi ? À quoi lui servirait vraiment une relation telle que celle-ci, alors même qu'elle s'engage sur une pente si glissante.

Le pire, c'est qu'il ne maîtrise rien, dans toute cette affaire. C'est un non-sens, pour le maniaque du contrôle qu'il est.

Non. Le pire, en vérité, c'est qu'il ne mérite pas tout ça. Ou du moins, qu'il n'en est plus digne. Le puissant corsaire, le Rocky effronté, qui y allait à grande dose de culot et de stratagèmes fous ? Il n'existe plus. Il s'est érodé pour ne devenir que cette coquille vide. Que pourrait-il bien faire, alors, aux côtés du Roi des pirates ?

Rien.

C'est ce moment que choisit le marchand de sable pour lui rendre visite. Tu te fous de moi. La fatigue l'écrase avec force et ce n'est pas comme s'il tentait vraiment de lutter contre elle, puisqu'elle est d'un tendre réconfort. Morphée l'embrasse comme un enfant longtemps absent, franchissant à peine le pas de la porte.

Valsons, valsons sans finOù les histoires vivent. Découvrez maintenant