On en rêverait

Chapitre 1

La période touristique bat son plein. Pour cette fin de vacances, tout le monde décide de prendre sa voiture et de partir au moins un week end dans le sud pour profiter des températures agréables et de la mer Méditerranée. Des dizaines de clients ont déjà commandé une consommation depuis moins d'une heure. Le soleil n'est pas encore au zénith mais la douce chaleur commence à faire transpirer les corps en bikinis des filles matinales qui bronzent sur les transats. Tout est mit en avant pour se rafraîchir : glaces, jus frais ou parfois même des cocktails remplis à moitié de glaçons.

- Gardez le bar cinq minutes les filles ! Je n'ai déjà plus d'oranges à presser.

Julia et moi affirmons dans une expression commune. Sa mère a l'habitude de nous laisser gérer le commerce en cas de petits incidents ou de contre temps.
Julia descends de sa chaise haute et se poste devant le comptoir pour accueillir d'éventuels clients.

- La dernière fois que ta mère t'a laissé passer les commandes t'as faillit faire brûler le chauffe crêpes. Elle a la foi ! ricané-je en la voyant déterminée à accomplir sa mission avec brio.

- Très drôle brunette !

Elle enroule son torchon et tente de me fouetter avec mais je lève une jambe de ma chaise longue pour ne pas qu'elle m'atteigne. On part en fou rire quand tout à coup Julia étouffe un cris de surprise et fait les yeux ronds.
Ce n'est pas bon signe quand elle fait sa tête de merlan frit ! J'enlève rapidement mes lunettes de soleil pour scruter son expression faciale.

- En tout cas je vais mieux gérer ce qui s'apprête à arriver ! lance-t-elle, le regard scotché à l'extérieur du bungalow.

Je la considère avec incompréhension avant de me lever en vitesse pour avoir un aperçu sur la plage.
Ma mâchoire va se décrocher. Je n'aurais jamais cru avoir une vision aussi fantastique de l'été.
Ethan Déteil marche dans ma direction sur le sable blanc de la plage où je passe tous mes étés depuis que j'ai appris à marcher ! Il se dirige vers nous avec une blonde sous le bras et son meilleur ami à ses côtés. Ses boucles blondes paraissent dorées au soleil et son teint est encore plus parfait que d'habitude. Le style surfeur craquant qu'on aime toutes...
Je n'en crois pas mes yeux. Cette vision irréaliste me procure une explosion d'hormones et fait fondre mon cerveau. Une pierre deux coups.
Je ne peux pas rester plantée là ! Je vais sûrement mourir s'ils viennent jusqu'au bar. Je ferais quoi s'ils demandent quelque chose !? Je resterai pantin à sourire niaisement puis je renverserais leurs boissons et enfin ils se ficheront de moi. Je vois déjà la scène catastrophique qui va se dérouler.
Et voici que débute une longue série de gestes maladroits. J'enjambe le transat pour partir dans le bungalow où se trouve le stockage mais je manque de m'écraser par terre.
Julia me retient par le bras et plante ses yeux affolés dans les miens.

- Tu comptais te faire la male !?

- J'ai aucune envie de rester planter là pendant que tu leur sers une petite boisson alléchante qu'ils vont boire sous tes yeux de manière ultra sexy et totalement illégale puisqu'ils sont mineures !

- Tu as entendu ma mère ! Elle a dit les filles tiennent le bar et non Julia tient le bar ! Et puis ça se peut ils vont demander du jus d'orange...

- Du jus d'orange, c'est ça ouais !

Je grommelle mais je me sens vaincue. Je n'ai aucune envie de rester ici mais ma meilleure amie est dans le même pétrin que moi et je me dois d'être à ses côtés.
On aurait dit que je l'accompagnait sur le champs de batail, c'était légèrement exagéré mais ça n'avait rien d'agréable, je peux vous l'assurer.

- On dérange ?

Julia et moi nous échangeons un dernier regard paniqué avant de se retourner en même temps.

- Pas du tout. Vous souhaitez quelque chose ? demande Julia avec un sang-froid incroyable.

Elle arrive même à esquisser un sourire charmant qui fait ressortir ses pommettes rougies et ses yeux noisettes.

- Mets nous un mojito pour mademoiselle et deux bières, demande le grand brun.

Julia murmure « pas de soucis » et commence à préparer le mojito pendant que je prends les bières dans le frigo.
De près ils semblent avoir tant d'années de plus que nous. Je me recule contre le mur en bois jusqu'à espérer me fondre dedans.
J'ai un pincement au cœur en voyant Éthan s'assoir sur la chaise de bar, les yeux baissés sur son écran et un bras enroulé autour de la taille de la fille qui les accompagne.

- On s'est pas déjà vu ? interroge le brun avec les sourcils légèrement froncés.

Je jurerai entendre Julia penser « c'est maintenant que tu le remarque Sherlock... » mais elle affirme simplement en rajoutant qu'on est dans le même lycée.

-Sérieux, en quelle classe l'année pro ? Première ? demande la fille blonde perchée au bras d'Éthan qui a l'air d'en avoir rien à faire de l'échange.

- Terminale, réponds presque sèchement Julia.

Elle pose le cocktail sur le bar à-côté des bières déjà bien entamées.

- Mais non ! Comme quoi on a pas fini de connaître du monde, commente le garçon brun en tendant la monnaie à Julia.

Elle fait sauter ses sourcils et sourit à lèvres fermées.

- Invite les, imbécile, lance Éthan en se levant pour partir.

Il décroche enfin ses yeux émeraudes de son téléphone pour nous regarder tour a tour et nous lancer un sourire pincé, clairement forcé.
Mon cœur se réchauffe et je produis un sourire crispé qu'il n'a heureusement pas eu le temps de voir.

- Carrément ! s'exclame le brun en souriant largement. Vous voulez venir demain soir à une petite fête organisée par mes soins ? C'est pas très loin. On vous envoie la géolocalisation si vous êtes partantes.

Julia braque son regard pétillant dans mes yeux ahuris. Je commence à secouer la tête mais elle me devance en acceptant avec un grand sourire.

- Super ! On dit 20h, histoire de faire connaissance et comptez 21h pour vous amusez, conclu-t-il en ajoutant un clin d'œil charmant.

Il part finalement rejoindre les deux tourtereaux. Je regarde quelques secondes le groupe s'éloigner, boissons à la main en repensant à la scène irréelle qui vient de se dérouler.
Julia se retourne les yeux fermés et les poings serrés. Elle respire profondément avec un sourire comblé peint sur les lèvres. Elle explose finalement en poussant un long cris de joie qu'elle transforme en un chant horrible. Je ris de son comportement mais surtout car ma nervosité redescend enfin. Elle commence à danser sur le parquet tapis de sable de la terrasse et me prends les mains pour me faire bouger.

- Tu sais qu'on ira pas ? je lui demande en espérant la faire redescendre sur terre.

- Alors là ! Si tu crois que je vais finir mon été à manger des glaces en regrettant de ne pas m'être ramenée à l'une des plus grosses fêtes des vacances ! Tu rêve bichette ! s'exclame-t-elle en tournant sur elle-même.

- Quand ils vont s'apercevoir qu'on est connu d'une cinquantaine de personnes à tout casser au bahut ils vont vite nous fermer les portes de leur grosse fiesta !

Julia lève les yeux au ciel et continue sa danse effrénée.
Je secoue la tête de désespoir et pars prendre les commandes du couple qui vient de faire son apparition et qui regarde mon amie de manière interloqué.