- Pharmacie et loups affamés -

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Je pénétrai à l'intérieur de cet amas de béton.

Une odeur de pollution régnait dans les rues larges et bordées d'immeubles et de boutiques aux devantures colorées. Je m'enfonçai peu à peu vers le centre de la ville. Je n'avais jamais vu de lieu aussi silencieux. Les civils marchaient les uns à côté des autres, sans s'adresser le moindre mot, comme des automates. La tête basse, ils se contentaient d'aller d'un point à un autre, et dans leur regard, je pouvais lire une tristesse et une anxiété profondes.

Le jeune homme me regarda, et m'adressa la parole pour la première fois :

-"Bon, par quoi veux-tu commencer ? Le palace de Sa Majesté le Tyran, premier du nom ? Ou l'Office du tourisme de cette charmante ville ?

- Sais-tu où on peut trouver de quoi soigner une blessure ?" Je grimaçai, me remémorant le corps mutilé d'Owen reposant dans son propre sang.

-"Pharmacie, donc ?

- Appelle ça comme tu veux."

Notre duo se remit en marche. Au bout de ce qui me sembla être une éternité, nous finîmes par arriver à "pharmacie". Aussi grosse qu'un immeuble et s'étalant sur plusieurs étages, elle était bondée de ces mêmes personnes au regard terne, qui attendaient patiemment leur tour. Sur des étagères, s'entassaient de nombreux tubes et boîtes en carton, contenant diverses gellules et potions inconnues de mes sens.

-"Pourquoi tout le monde a l'air si

- Zombifié ? La vie n'a pas toujours été comme ça, ici.

- Comment ça ?

- Il y a treize ans, quand le chef des armées, Raizer, a pris le pouvoir, Il a décidé d'enfermer toutes les personnes comme toi.

- Comme moi ?

- Je ne peux pas t'expliquer ici, ce serait trop dangereux. On pourrait être écoutés. Il a décrété qu'elles seraient une menace pour la sécurité intérieure du pays, et qu'elles risquaient de prendre le pouvoir, et de nous dominer, nous, pauvres faibles." Le jeune homme serra les dents, contenant sa rage. "Il a alors eu la très bonne idée d'enfermer ses soi-disant "fauteurs de troubles". Il a fait bâtir une prison titanesque dans laquelle ils ont tous été jetés ; Kelazann." Il jeta un coup d'il furtif à ma capuche rabaissée.

Alors que nous arrivions devant le comptoir surchargé de "pharmacie", une sirène stridente retentit dans toute la ville. Une vingtaine de sentinelles, aux uniformes semblables à ceux des deux cadavres laissés à l'entrée, passèrent en rang organisé devant la baie vitrée nous permettant de voir au dehors.

L'un d'eux s'arrêta devant les autres, dépliant une large feuille sur laquelle figurait le dessin de nos deux visages. Ma chevelure immaculée attirait tous les regards. Il dit d'une voix autoritaire :

-"Marius et Julien, chargés aujourd'hui du gardiennage de la Porte, ont été assassinés par les deux jeunes personnes que vous voyez ici. Cela fait à peine une heure, ils n'ont pas pu aller bien loin. Retrouvez-les ! Morts ou vivants, ordre de R. Putain, je veux que vous les retrouviez !"

La troupe armée se dispersa, telle les loups affamés pistant leur proie.

Alors que j'assimilai toujours ces informations, je sentis une main attrapant fermement la mienne, et m'entraînant vers l'arrière-boutique, bousculant au passage la jeune femme au comptoir. Elle n'eut pas le temps de réagir, que nous empruntions déjà l'escalier menant aux étages supérieurs de la boutique. Une dernière échelle nous mena au toit.

-"Faut qu'on dégage."

C'est alors que mon guide se mit à courir, et sauta sur le toit voisin. Je le suivis, priant pour ne pas m'écraser sur le sol. Nous continuâmes ainsi pendant environ un quart d'heure. Nous arrivions au dernier immeuble. Nous pouvions apercevoir la plaine par laquelle j'étais arrivée. Nous ne pouvions continuer. Plusieurs gardes passèrent en dessous de nous.

-"Fait chier, saleté de pigeons, ils sont partout." Il me prit les mains, et je sentis qu'il y déposait des objets. Il retira ses mains, puis murmura :

-"Ezel. Souviens-t-en.

- Quoi ?

- Mon nom. Ezel. Dépêche-toi." Il me poussa dans la direction opposée aux gardes. Je fonçai sans réfléchir, et descendis la grande échelle qui me permettrait de rejoindre la terre ferme.

-"Attrapez-le !"

Je me retournai pour voir ce qui avait motivé cet ordre. Alors je le vis. Ou plutôt, je ne le vis pas. Ezel n'était plus derrière moi.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 02, 2020 ⏰

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