Je m'appelle Nicole, j'ai dix-sept ans et je pleure depuis maintenant quatre ans. Je sais ce que vous allez vous dire. Pleurer pendant quatre ans.. c'est absurde. Je ne nierai pas cette affirmation. Je me suis mise à pleurer subitement et ça ne m'a pas quitté depuis. Évidement, avant que cela se produise je pleurais déjà mais.. ce n'était pas régulier, je pleurais lorsque je me blessais ou quand je faisais tomber ma glace par terre. Je pense que j'ai réellement commencé à pleurer quand papa est parti de la maison. Ça a été dur, très dur mais c'était pour le bien de tous. Mon père devenait violent dans ses paroles et même ses gestes. Il a collé une gifle à Juliette une fois. Juliette c'est ma petite sœur, elle a huit ans. Mon père était violent lorsqu'il revenait du café vers minuit ou quand il se prenait la tête avec maman. Je pleurais beaucoup quand papa était là. Mais, je ne me suis pas arrêtée pour autant lorsqu'il est parti. Je pensais que ça allait devenir plus calme à la maison, avec ma mère et ma sœur et qu'on allait enfin vivre une vraie vie de famille. Sauf que je voyais trop grand, et j'ai continué à pleurer. Maman devenait agressive elle aussi. Elle ressasait toujours le passé et le comportement de papa. Et je pleurais encore plus. Je lui demandais d'arrêter car elle en souffrait et moi aussi. Mais elle n'arrêtait pas et on se prenait la tête. Elle ne me comprenait pas, on ne s'est jamais comprise. J'ai encore Juliette à mes côtés. Elle n'a que huit ans et est inoffensive, sauf quand elle prend le parti de ma mère. Lorsque je pousse le ton un peu trop fort dans ma chambre quand je m'engueule avec elle, je sais qu'elle se cache derrière la porte et va-tout lui raconter afin que je me prenne encore plus de réflexions dans la figure. Et je pleure, encore et encore. Est ce normal de pleurer autant ? À ce rythme là, je suis sûre que je pourrais résoudre les problèmes de sécheresse en Californie. Ça m'a laissé des séquelles, ça c'est sûr, mais j'arrive tout de même à extraire de la positivité dans ce qui m'entoure. Mes amis, la musique, lorsque j'écris dans un carnet des vers insignifiants... ça me fait du bien, pendant un court instant...Je ne cesse de pleurer, depuis quatre ans. Le temps me paraît long. Il y a des fois je me mets à pleurer alors qu'il n'y a rien de particulier. À chaque fois, je ressens la même douleur. Une énorme compression entre mes deux seins. Comme si du fil barbelé enroulait mon cœur et tout ce qu'on pouvait trouver près de cette zone. Quand c'est trop fort, il m'arrive de m'extraire tous les sentiments que j'ai. Comme si je m'étais formaté de l'intérieur. Comme si j'avais pris de la drogue pendant cinq minutes. Dans ce cas là, je me mets à envoyer des messages tordus à mes amis qui ne comprennent pas toujours tout ce que je dis. Je me souviens que j'avais dit à Lucas, que j'aime secrètement, il y a de ça une semaine "J'ai envie de me pendre au bout d'un balcon" Il voulait me foutre une droite. J'ai regretté le lendemain... Je n'ai jamais été voir un psy, je sais que j'en aurais peut-être besoin, mais à quoi bon. Je ne veux pas d'un psy. Je ne veux pas payer un inconnu qui est là pour écouter mes tracas d'adolescente. C'est tellement pervers comme métier.. être payé pour écouter des gens souffrir lorsqu'ils racontent leur vie. Non ce que j'ai besoin c'est d'un ultimatum ou d'un bon électrochoc émotionnel. J'aimerais enfin cesser de pleurer une bonne fois pour toute. De pleurer pour mon père, pour ma mère, pour l'école, pour la poussière sur mon étagère, pour le poids que j'ai pris, pour moi. Je sais que j'en suis capable. Peut-être qu'en criant très fort des insultes ça partira.. en attendant je rêve de ça car je sais qu'une fois de plus ce soir, je n'en serai pas capable.
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Détresse et cloisonnement
RandomUn recueil réunissant les méandres de la tristesse de chacun. Car il est beau de s'évader en se détruisant encore plus