𝐜𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐝𝐞𝐮𝐱

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4 septembre 1917
23:07



La fraîcheur de la nuit me tétanise les doigts et me force à crisper mon corps, le congelant d'autant plus. Mon sac à dos posé entre mes pieds, je tiens fermement une des bretelles pour que celui-ci ne glisse pas à la prochaine secousse.
J'essaie de ne pas toucher les deux hommes qui m'entourent, sans succès, car nous sommes sans cesse secoués de gauche à droite. Je me trouve dans l'une de ces Berliet, chargée de nous escorter vers une destination qui nous est à tous inconnue.



Lorsque j'ai quitté la maison et le regard de mes parents, les trois officiers m'ont emmené jusqu'à une sorte de base militaire où nous avons retrouvé plusieurs hommes dans mon cas. Certains ont à peu près mon âge, d'autres semblent avoir plus de quarante ans, mais j'ai l'impression que c'est la seule chose qui nous diffère, car nous sommes tous unis par les mêmes craintes.



Combien de temps cette guerre va t-elle durer ? Allons-nous revoir nos proches ? Est-ce que la dernière personne que nous verrons sera un Allemand tout aussi effrayé par la mort que nous ?



C'est dans ces songes que je me perds pour oublier le froid de la nuit, les secousses incessantes et le bruit strident du métal du véhicule.



Face à moi, se tient un homme qui doit avoir seulement quelques années de plus que moi. Sa tête est baissée, ses cheveux ondulés noirs lui barrent le front et ses yeux bruns fixent mes chaussures d'un air absent. Ce qui m'intrigue, c'est qu'il n'a pas l'air d'avoir peur. Il laisse penser que ce qui lui arrive est une fatalité, il semble paisible et serein.



Soudainement, le véhicule s'arrête et l'homme relève son regard dans le mien durant quelques secondes, avant de le tourner vers l'arrière de l'automobile qui s'ouvre sur deux hommes. Ceux-ci nous comptent avant de nous ordonner de descendre, puis nous les suivons jusqu'à une bâtisse qui doit être une base.



Malgré la nuit et la fraîcheur de septembre, beaucoup de gens se trouvent ici et marchent en rang pour entrer dans le bâtiment suivis d'un officier. Je marche sans regarder où je vais, me laissant guider par mes compagnons de route, trop obnubilé par l'endroit.
Tout est à sa place et rien ne dépasse. C'est à la fois satisfaisant et effrayant.



Je sors enfin de ma contemplation lorsque je me rends compte que nous rejoignons un second groupe de nouvelles recrues se tenant face à un homme en uniforme, juste devant l'entrée du bâtiment. Celui-ci, nous laisse le temps de l'approcher avant de finalement prendre la parole.



« - Bonsoir et bienvenue à tous. Je suis le Général de Castelnau. C'est moi qui vais vous entraîner et vous apprendre à magner les armes durant les deux prochains jours. il marque une pause puis regarde l'un de nous, de petite taille et très peu corpulent, puis reprend. Selon vos compétences physiques et intellectuelles, vous serez assignés à différents postes par la suite. il nous observe tour à tour en parlant d'une voix calme et forte. Vous aurez plus d'informations sur la suite des événements une autre fois. Pour le moment, vous allez être divisés dans des couchages. Soyez en forme, car demain sera une journée éprouvante pour chacun d'entre vous. »



Sur ce, il part en direction du bâtiment avant qu'un de ses confrères nous y escorte également.
Je ne suis pas de nature a beaucoup parler ou à me faire remarquer, cependant, c'est la première fois que je sens une boule au niveau de ma gorge qui m'empêche littéralement d'ouvrir la bouche. La peur, sans aucun doute.



𝐒𝐨𝐥𝐝𝐢𝐞𝐫 | 𝑗.𝑗𝑘Où les histoires vivent. Découvrez maintenant