𝐒𝐨𝐥𝐝𝐢𝐞𝐫 | 𝑗.𝑗𝑘

𝐜𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐜𝐢𝐧𝐪

10 septembre 1917
19:38

Klein disait vrai. C'est dès le moment où nos pieds ont franchi l'entrée de cette tente que les choses ont réellement commencées.

Depuis trois jours, nous trimons dans la boue des dernières pluies, entre la fatigue et l'angoisse. Certains sont tombés dans l'addiction au tabac, d'autres prient chaque fois qu'ils le peuvent. Pour ma part, je n'ai pas encore trouvé le moyen de m'échapper mentalement, alors lorsque je ne suis pas sur le terrain, je m'engouffre dans la tente qui nous sert de dortoir et je réfléchis.

Depuis notre arrivée, nos liens sociaux, qui étaient déjà faibles, se sont encore amenuisés, se réduisant aux courts repas auxquels nous avons droit. Même si nous sommes entourés en permanence, les soldats ne s'accordent presque aucun regard, et ce pour la simple raison que la mort flotte au dessus de nous en permanence, alors nos regards sont dirigés vers le sol boueux.

En ce qui nous concerne, c'est-à-dire Taehyung, les autres et moi-même, nous ne sommes pas encore allés sur le réel terrain, où les affrontements sont sans merci. Jusqu'à maintenant, nous n'avons fait qu'éliminer les ennemis s'introduisant dans nos tranchées, et aujourd'hui pour la première fois, j'ai tué un homme.

J'essaye, depuis que l'on nous a attribué cette mission de protection, de renvoyer nos contraires dans leur camps sans créer de réelle perte, mais aujourd'hui je n'ai pas eu droit à un ennemi coopératif.
Il faut dire qu'en ne cherchant pas de conflit mortel, je ne fais que renier la raison pour laquelle je suis ici, mais je n'étais pas prêt, ni à notre arrivée il y a trois jours, ni ce matin.

C'est pour cela que je me trouve assis au chevet de mon lit de camp, les genoux repliés sur ma poitrine agitée et les mains empoignant mes cheveux, a me torturer l'esprit en me remémorant les faits passés. Je revois ses yeux d'un bleu si clair, ses yeux dont le regard ne renvoyait que haine et dégoût.

« - J'ai pas eu le choix... j'ai pas eu le choix, j'ai pas... eu le choix. » je me répète sans cesse en me balançant de l'arrière vers l'avant.

À travers ma torpeur, je parviens à écouter mes semblables s'agiter dehors, mais surtout la tente s'ouvrir et un homme y entrer. Je ne cesse de me balancer, assez conscient pour savoir que l'on m'observe en silence.

Après avoir entendu ses pas s'approcher calmement de moi, il pose ses mains sur mes cheveux sombres.
Nous restons quelques minutes dans le silence, jusqu'à ce qu'il se décide à prendre la parole.

« - Tu crois être là pour quoi Jeon ? me demande Taehyung de sa voix grave. Tu pensais pouvoir y échapper ? il poursuit en s'agenouillant devant moi. Eh, il retire mes mains de mon visage, dis toi bien que si tu n'avais tiré c'est toi qui servirait de tapis de boue à l'heure qu'il est. il marque une pause pour me laisser digérer ses dures paroles. Tout le monde n'a pas un esprit sain comme le tien ici, alors si tu veux survivre à cet enfer il va falloir que tu passes au dessus de tout ça. »

Après avoir fini de me ramener la réalité en face, Taehyung se lève et se dirige vers son lit de camp, me laissant accroupi, digérant ses paroles le regard dans le vide.

D'où je suis, je l'observe ôter ses chaussures et s'allonger sur son matelas.
Je me mis à réfléchir au sens de ses paroles, et il avait raison : je dois me faire à l'idée, seulement je n'y parviens pas. Je ne peux me résoudre à accepter de tuer sans raison, sans pitié.

« - Kim, Jeon, nous appelle le soldat Muller, d'une autre section, vous allez pouvoir écrire à vos proches si vous le voulez. il n'obtient pas de réponse de notre part, et je pense qu'il ressent l'ambiance froide de la tente. Bon, il faut vous rendre à la tente principale au cas où. et puis il s'en va. »

Je me lève et sors de la tente, me dirigeant immédiatement à l'endroit que Muller nous a indiqué. Une fois sur place, je vois plusieurs hommes tenir des bouts de papier et de quoi et écrire. Certains sont assis sur les bancs à l'intérieur de la tente, et ont un appui sur lequel écrire. D'autres, moins chanceux, sont accroupis à l'extérieur et doivent écrire sur leurs genoux.

Je vais en direction de la table sur laquelle est disposé tout le matériel nécessaire, et vais m'assoir sur le sol fait de palettes, décidant de m'appuyer sur celui-ci pour écrire.
Et une fois bien installé, je me mets à retranscrire mes pensées sur papier.

-

Maman, Papa, Jimin,

J'espère que vous allez tous les trois merveilleusement bien.
J'espère pour toi maman, que tu n'es pas trop inquiète.
Que tout se passe bien pour toi Jimin, et que tu prends soin d'eux et de toi, mon cher père.

Seulement quelques jours que j'ai quitté notre village, notre maison, et je ressens déjà un manque immense.
J'aimerais pouvoir être avec vous, profiter de la vie à laquelle nous nous sommes habitués ensemble.

Ici, le temps est froid et humide, et il n'y a jamais de place pour le silence, mais je parviens tout de même à dormir.
Les repas sont principalement constitués de pain et de fromage, mais je tiens debout, c'est ce qui compte.

Mes chers parents, j'ai bien trop peur qu'il puisse vous arriver malheur en mon absence, alors continuez de vivre comme vous l'avez toujours fait. Continuez de rire comme un jeune couple. Continuez de vous enlacer, de vous aimer. Maman, aimes ton doux visage, et papa, dis lui qu'elle est là plus belle femme du monde.

Je te demande maintenant à toi, Jimin, de prendre soin d'eux, mais surtout ne t'oublie pas.

Ne m'oubliez pas.

Je vous aime, Jungkook.

-

Je reste là, sur ce sol en bois humide, dix bonnes minutes après avoir fini l'écriture de mes songes.
En écrivant, j'ai su me rendre compte que mon camarade, Taehyung, avait raison. Je dois me battre, si un jour je désire revoir ces visages pour lesquels je donnerais ma vie.

••••••

Ça fait littéralement un an que j'ai pas publié un chapitre...
Démotivée par le confinement je pense.

Je vais essayer de m'y remettre !!