Eloïsha

Chapitre 1

La vie est une drôle de chose. Parfois, on prévoit des choses qui finissent par se dérouler autrement, empruntant un chemin plus biscornu que nécessaire mais qui finit par nous emmener dans un endroit mieux encore que celui dans lequel on s'était projeté. Mais sur le moment, au point où tout nous échappe et nous glisse entre les doigts, on ne se rend pas compte de tout cela, ce n'est qu'une fois l'aventure finie et le recul prit qu'on peut observer son histoire avec une meilleure clairvoyance.

Louis détourna son regard du ciel bleu suspendu au-dessus de lui, comme un grand drap bien tendu et épinglé à ses quatre coins. Il respira un grand coup et ne put s'empêcher de laisser un sourire prendre place sur ses lèvres, ce qui le démangeait depuis déjà bien des semaines. À ses pieds, des vaguelettes venaient chatouiller ses orteils nus et le vent gonflait son haut en lin, caressant sa peau bronzée par tout ce temps passé sous le soleil. Aujourd'hui était un jour heureux pour Louis. Non, plus qu'heureux, son cœur baignait dans l'euphorie voire même l'extase. Plusieurs fois il claqua ses doigts sous son nez pour se réveiller mais il n'en avait pas besoin, tout ce qu'il vivait été bel et bien réel et dans moins de quelques heures seulement, il se dirigerait vers le port où il n'y aurait plus rien pour l'empêcher de vivre sa vie tel qui l'entendrait. Plus de contraintes soumises par son travail, par des gens mal intentionnés voulant lui ôter la vie, et pas de comptes à rendre à des hypocrites ayant peur pour leurs places.

À un kilomètre de lui se trouvait un bar dressé sur pilotis et cloisonné entre des murs fait de grandes lattes de bois qui laissait passer de minces filets de lumières grâce auquel on pouvait observer de la poussière voltiger tranquillement et avec insouciance. À première vue, on n'aurait pas envie d'entrer dans ce bar mais si on s'arrêtait pour observer ne serait-ce que quelques secondes de plus, on pouvait remarquer que la petite bâtisse n'avait finalement rien de repoussant et qu'au contraire, elle dégageait des vibrations de fraîcheur et de convivialité. Dans ce pays où il ne fait jamais froid, on ne connaissait pas les fenêtres de verre, mais seulement de grandes ouvertures laissant l'extérieur et l'intérieure en contacte. Aux fenêtres de ce bar pendaient des guirlandes de fleurs fraîchement cueillies et qui embaumaient l'air à plusieurs mètres à la ronde, parfois plus lorsque le vent était d'humeur à porter leurs parfums un peu plus loin. De l'intérieur, le bar était lumineux et très authentique : tout était en bois ; parfois un peu trop vieux, une chaise pouvant se briser si la personne ayant jeté son dévolu dessus était un peu trop enrobée, mais bien souvent il ne suffisait que de quelques rires, d'un aller-retour dans une pièce du fond pour remplacer la chaise pour que l'affaire soit résolue. La patronne du bar, une femme ronde à la peau sombre et au cheveux crépu qui se déployait sauvagement autour de sa tête portait toute l'énergie de l'endroit, comme un mélange entre jeunesse et entrain mais aussi calme et sagesse. Tous étaient les bienvenus et sous son aile ; malheureusement il lui suffisait qu'une tête ne lui revienne pas pour qu'elle la traite comme une personne ordinaire – il lui était impossible d'être méchante – sans la dorloter, ce qui n'était pas pour déplaire à certains clients aux tendances introverties.

Au comptoir, deux hommes buvaient tranquillement un cocktail alcoolisé tandis que la patronne – Lio – s'affairait à étudier multiples cartes pour des menus.

« Dites-moi les garçons, demanda-t-elle au bout d'un certain temps, posant ses bouts de papier. Où est Louis ? »

Les deux garçons regardèrent autour d'eux un instant puis se tournèrent vers elle. Le plus blond d'entre eux prit la parole.

« Aucune idée. Toute cette histoire de retrouvailles le chamboule depuis plus d'un mois et il est impossible pour lui de rester en place tranquillement, sinon je t'assure qu'il serait en train de boire un coup avec nous.