Rose regardait les maisons défiler à travers la vitre, frigorifiée sous sa couverture, les yeux mi-clos et les pensées en vrac. Il faisait encore nuit dehors, mais bientôt le soleil pointerait le bout de son nez. La pluie frappait contre les vitres, Rose en regretta le sud. Elle avait quitté son père pour aller vivre chez sa mère, car il était trop souvent en déplacement, et ne pouvait pas s'occuper de sa fille correctement. Rose avait été habituée à ce rythme de vie, elle n'avait pas vraiment reçu d'éducation et ne pouvait que s'accrocher à ses cours.
Le bus s'arrêta enfin et Rose mit du temps à émerger de son semi-sommeil. Elle ôta sa couverture, enfila son bonnet et se hissa sur la pointe des pieds pour attraper ses sacs, rangés au-dessus de son siège.
- Je peux t'aider ?
Rose ne réalisa pas de suite que le jeune homme s'adressait à elle. Il devait avoir son âge, ou alors plus vieux. Il était grand, élancé, ses cheveux en bataille lui donnait un air de tout juste sorti du lit et ses yeux bruns n'inspira à Rose aucun malice. Elle hocha la tête timidement pour laisser le blond lui attraper ses sacs sans difficulté.
- Hum.. je m'appelle August.
La jeune fille prit les sacs qu'il lui tendait et partit en quatrième vitesse, laissant le garçon sans réponse. Elle était pourtant habituellement polie, mais son comportement l'avait terriblement mise mal à l'aise. Pourquoi avait-il été si gentil alors qu'elle ne le connaissait pas ?Elle marcha une bonne demi-heure dans le froid matinal. Elle avait mal aux mollets et n'arrêtait pas de renifler : c'était bon à attraper un rhume. Elle fut soulagée quand elle aperçut enfin une petite maison qui correspondait à l'adresse que son père lui avait montré. Le numéro correspondait, mais il n'y avait pas de sonnette. Elle poussa alors le portillon en bois pourri et pénétra dans la petite allée. L'herbe était haute et humide, Rose espérait silencieusement qu'elle se soit trompée de maison. Elle toqua, enfin, le coeur battant et un nœud dans l'estomac.
La porte s'ouvrit sur une femme. Elle était grande, ses cheveux bruns n'étaient pas coiffés et ses yeux étaient rouges. Elle portait un t-shirt lui arrivant au nombril, laissant y paraître un piercing, et un pantalon large, porté au bassin. Elle tira sur sa cigarette et scruta la jeune fille qui se tenait maladroitement devant elle.
- Heuu, désolée chérie j'ai pas de bonbons.
Un lourd silence s'installa. La femme et la jeune fille se regardaient sans savoir quoi faire. Rose s'était peut-être trompée de maison...
- Merde, c'est vrai Halloween c'est pas en Janvier... Heu, tu veux quoi ptite ? T'es perdue ?
Rose s'était bel et bien trompée de maison. A la fois embêtée et gênée, elle s'inclina poliment et lui tourna la dos. Elle poussa le portail pourri, tout de même rassurée que cette femme ne soit pas celle qu'elle croyait. Lorsqu'elle entendit jurer dans son dos, elle se retourna. La femme courait dans sa direction, puis, arrivée à sa hauteur, essoufflée, elle articula d'une voix rauque :
- Rose ?
Les yeux de la jeune fille s'agrandirent. A quoi s'était-elle attendue ? Avant la séparation de ses parents, sa mère avait abandonné Rose, seule dans la maison. Son père était revenu de déplacement quelques jours plus tard et avait retrouvé sa fille affamée, sale, recroquevillée dans un coin de la maison, à seulement trois ans. Elle croyait vraiment que sa mère avait changé ? Elle n'avait aucun souvenir d'elle, mais elle se souvenait bien d'une chose : c'était à cause d'elle que Rose ne prononçait plus un mot.
La maison était petite, le séjour était composé d'une cuisine avec tout juste le nécessaire pour cuisiner, d'une table avec deux tabourets et d'un petit canapé auquel il manquait les pieds.
- Heuu désolée, c'est pas très éclairé, j'ai pas beaucoup de fenêtres et que des petites lumières pour y voir un peu... Ma chambre est juste là.
La mère de Rose poussa difficilement une porte coulissante, qui donnait sur une pièce composée de tout juste un lit, un placard et une autre porte qui donnait sur une salle de bain. La femme referma la porte et fit signe à sa fille de la suivre. Elle montèrent les escaliers, où Rose manqua de tomber plusieurs fois. Il y avait sur la surface des marches à peine la place de poser le pied, les murs étaient étroits et les escaliers craquaient. Arrivées sur le palier, Rose contempla sa chambre. Elle était grande par rapport au reste de la maison, et était liée elle aussi à une petite salle de bain. Elle avança sur la moquette et remarqua tout de même que sa mère avait fait des efforts : quelques peluches ornaient un petit bureau, et son lit était recouvert de grosses couvertures et de coussins.
- J 'ai aménagé l'étage pour toi... Comme je ne pouvais pas arranger la maison je me suis dis que je pourrais faire de mon mieux pour ta chambre... (Elle tapota les couvertures) Et comme la maison n'est pas trop bien isolée... je ne voudrais pas que t'attrapes un rhume.
« Trop tard... » pensa Rose.
- Au fait... je ne pense pas que ton père t'ait beaucoup parlé de moi... je m'appelle May. Enfin tu peux m'appeler maman, mais ouais, heu si t'es pas à l'aise... enfin voilà c'est bien aussi si tu connais mon prénom...
Elle ponctua sa phrase par un petit sourire auquel Rose ne répondit pas. Bien sûr que non son père ne lui avait jamais parlé d'elle. D'ailleurs, elle n'avait jamais rien voulu savoir à son propos. Elle s'était plusieurs fois posée la question de pourquoi sa mère l'avait abandonné, mais elle n'avait jamais réellement souhaité en connaître la réponse. May se gratta la tête.
- Je comprends que tu ne te sentes pas à l'aise pour le moment. On pourra parler une autre fois.
Rose pinça les lèvres et porta une main à sa bouche, signe qu'elle ne pouvait pas parler. Bien sûr, elle en avait la faculté, mais ça faisait maintenant des années que ses mots restaient au fond de sa gorge.
- Oh, désolée. Ton père ne m'avait pas mise au courant...
« Et toi ? Tu l'avais mis au courant quand tu m'as abandonné ? » s'énerva Rose pour elle-même.
- Bon... je vais te laisser te préparer. Je t'emmènerai pour ta première journée de cours... On part dans une heure.
Sur ces mots, May descendit au rez de chaussée, laissant Rose, seule dans sa nouvelle chambre. Elle vida son sac d'affaire dans le placard et attrapa de quoi se changer. En une heure, c'était faisable, elle avait juste à se doucher et mettre de nouveaux vêtements. Elle pénétra dans la salle de bain, où sa mère y avait déposé de quoi se laver et une serviette de bain.
Après avoir enfilé un jean, une chemise trop grande pour elle et une veste large, elle descendit dans le séjour.
- Tu veux manger quelque chose ?
Rose fit non de la tête, elle n'avait pas faim pour le moment. May fit signe à sa fille de la suivre dehors et lui tendit un casque.
- On y va ?
La jeune fille suivit le regard de sa mère : seulement une vieille Harley était garée dans le jardin.
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Rose [ProfxElève / ♀️x♀️]
Short StoryRose ne parle plus depuis toute petite. Après la séparation de ses parents, la jeune fille va vivre chez son père, qui n'a jamais vraiment su s'occuper d'elle. Un jour, son père, envahi par le travail, décide d'envoyer Rose chez sa mère. Rose va alo...