Chapitre 2

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      Après avoir réglé les papiers avec sa mère à l’accueil, et lui avoir dit au revoir, Rose se retrouva seule dans la cour. Les lycéens traînaient en groupe, ne faisaient pas attention à elle. Quelques têtes se tournaient parfois vers elle, mais c’était bref. De toutes façons, Rose ne s’était fait jamais d’amis, entre son look bizarre, son crâne rasé et son silence, elle n’attirait que de mauvais regards.
      La matinée était passée beaucoup trop lentement à son goût : elle avait dû se présenter à la classe, et s’était retrouvée obligée d’écrire au tableau. Il y avait d’abord eu des moqueries, puis, quand ses camarades avaient compris, un silence gêné s’était installé. Pendant plusieurs heures elle avait été le sujet principal des discussions de ses camarades, qui, d’ailleurs, n’essayaient même pas d’être discrets. Sauf que Rose était muette, pas sourde. Puis, elle avait vite été étiquetée comme transparente.
      Rose avança dans le self, son regard fixé sur son plateau. Elle avait l’habitude de le faire tomber à son collège, et elle ne voulait pas se faire remarquer plus que ça, ici.
      - Eh, doucement !
      Rose leva les yeux vers le grand garçon qui la foudroyait du regard. Il était costaud, son air était menaçant et la jeune fille venait de le percuter, trop concentrée sur son plateau pour le voir.
      - Excuse-toi, il lui ordonna d’une voix grave.
      Incapable de bouger, elle le fixait, les yeux grands ouverts, pétrifiée.
      - Laisse-la, c’est une amie.
      Rose sursauta. Le costaud jeta un dernier mauvais regard à la pauvre fille puis s’en alla. Soulagée mais surprise, elle se retourna.
      - Les rumeurs tournent vite, t’es vraiment muette ?
      August ne la regardait pas avec pitié, au contraire, il avait demandé ça naturellement comme on aurait demandé n’importe quelle question banale. Rose acquiesca timidement.
      - Ca me rassure un peu… je pensais que je t’avais fais peur dans le bus… il rigola. Tu viens à ma table ? Mes amis sont sympa.
      Rose n’eut pas le temps de répondre qu’August lui avait déjà tourné le dos. Elle le suivit, car, de toutes façons, elle savait que tôt ou tard, il comprendrait qu’elle était une personne ennuyeuse.
      - Rose, je te présente Juliette, ma sœur jumelle, et Hélène.
      Juliette avaient de longs cheveux blonds, des yeux bleus très clairs, comme August. Hélène était rousse, ses cheveux étaient relevés en deux petits chignons et ses yeux verts contrastaient avec la pâleur de son visage. Elles portaient toutes les deux des vêtements larges, troués et de couleurs vives. Elles étaient très jolies, surtout Hélène, qui était d’une beauté peu commune. Juliette la salua d’un grand sourire et lui tira la chaise à côté d’elle, tandis que Hélène lui fit un sourire plus réservé, mais accompagné d’un regard étrangement intense.
     Rose fini les cours avec une heure d’anglais, et à sa grande surprise elle découvrit qu’Hélène était dans la même classe, alors qu’elle ne l’avait pas remarqué de la journée. Elles s’installèrent à côté, au fond de la classe.
       - Bonjour, asseyez-vous et sortez vos affaires.
      Les camarades de Rose s’exécutèrent dans un brouhaha et la prof ne fit que les réprimander. Une fois le silence installé, l’enseignante remarqua Rose.
      - Bonjour jeune fille, tu es nouvelle ? Tu es sur la liste d’appel ?
      - Elle est muette m’dame ! Un garçon répondit à sa place.
      L’enseignante fronça les sourcils et s’approcha de sa nouvelle élève.
      - Mais il n’existe pas d’école spécialisée pour les muettes ? Le problème, c’est qu’en Anglais tout passe par l’oral. Tu avais de bonnes notes en anglais avant ?
      Rose hocha la tête. Ses enseignants au collège ne la faisait jamais passer à l’oral, elle avait des évaluations écrites à la place. Malgré son mutisme, Rose avait toujours été une élève brillante, appréciée par ses professeurs.
      Lorsqu’elle arriva chez elle, Rose entendit des voix et des rires dans la maison. Elle pénétra dans l’allée et toqua à la porte d’entrée.
      - Entre c’est ouvert ! Fais attention à-
      A peine Rose était rentrée qu’elle s’était retrouvée les pieds trempés. Elle releva la tête vers sa mère, accroupie, avec une autre femme à côté d’elle. Elles essoraient des flaques d’eau.
      - Le lave vaisselle a eu un petit soucis et une grosse partie de la cuisine est inondée… Heureusement la voisine est venue m’aider ! Ne fais pas attention à ça, on s’en occupe… va plutôt faire tes devoirs ! s’excusa May.
Mais Rose ne comptait pas les laisser faire tout toutes seules. Elle se déchaussa et les rejoignit. May la remercia et lui passa de quoi les aider.
      - Je ne savais pas que May avait une fille… très jolie en plus.
      C’était la voisine qui avait parlé à l’intention de Rose. Son regard n’était ni provocateur, ni dragueur, mais doux. Elle était plutôt jeune, elle avait aux alentours des 30 ans peut-être, comme May. Ses cheveux blonds lui tombaient aux épaules, ils encadraient joliment son visage. La femme regardait Rose avec de grands yeux mentholés, attendant probablement une réponse.
      - Ne t’attends pas à des conversations avec Rose, elle est muette, intervint May.
      La bouche de la voisine s’entre-ouvrit d’abord, puis fut remplacé par un sourire rassurant.
      - Pas de soucis. Je m’appelle Emilie.
      Rose lui rendit son sourire, sous la surprise de May, qui n’avait encore jamais vu cette expression chez sa fille.

      Rose était fatiguée, elles avaient passé la veille à nettoyer les dégâts du lave-vaisselle, et la jeune fille avait dû sauter le dîner, pour ne pas finir ses devoirs trop tard.
      - Houhou ? Ca a sonné, on doit allez en cours !
      Hélène dû secouer Rose qui somnolait sur le banc, pour la réveiller, puis la prit par la main pour l’entraîner au cours de chimie. Elles arrivèrent en retard mais le professeur, un jeune et dynamique ne leur fit aucune reproche. Elles s’installèrent à une paillasse, enfilèrent leur blouse et écoutèrent les explications du professeur sur les consignes de l’expérience.
      - Eh au fait Rose… Tu as un téléphone ? Comme tu parles pas, on pourrait s’envoyer des sms ? Demanda Hélène pendant les manipulations.
      Les yeux de Rose semblèrent briller, c’est vrai qu’elle n’y avait pas réellement pensé. Hélène était celle avec qui elle était la plus proche,  parfois, en cours, pour parler elles s’écrivaient sur les cahiers, c’était leur seul moyen de communication. Hélène passa un bout de papier, sur lequel Rose écrivit son numéro de téléphone.
      - Super merci ! Je t’envoie un message ce soir !
      Rose acquiesca, chose qu’elle faisait depuis des années maintenant.

      Après manger, Hélène et Rose passèrent à la bibliothèque du lycée pour prendre des livres, et vinrent s’installer dans l’herbe, pour une fois que le soleil se montrait. La pause passa trop vite pour les deux amies, qui se dirigeaient à présent vers le cours de sport.
      - Bonjour, aucun absent aujourd’hui ?
      Rose sursauta, elle connaissait cette voix. Elle se retourna vers l’enseignante, qui ne cacha pas non plus sa surprise.
      - Rose ? Je te croyais plus âgée… (un court silence s’installa) ah oui, tu es sur la liste… murmura Emilie.
      Les yeux du professeur mirent du temps à quitter le joli visage de Rose, et la jeune dû baisser les yeux pour ne pas rougir. L’appel fini, le professeur ouvrit le passage pour aller jusqu’au gymnase.
      - C’était quoi ça ? Comment elle t’as regardé ! On aurait dit qu’elle allait te bouffer ! chuchota Hélène lorsqu’elles arrivèrent aux vestiaires.
      Rose tourna la tête vers son amie, pour l’examiner : ses sourcils étaient relevés, ses yeux fuyeurs et ses joues rougies. Comme Rose ne parlait pas, elle avait prit l’habitude d’observer l’attitude des gens, et à l’intonation et l’expression de la voix son amie, elle semblait jalouse. Mais de qui ?
      L’échauffement terminé, l’enseignante se dirigea vers Rose.
      - Aujourd’hui tu testeras toutes les machines de la salle, et tu rattraperas cette séance sur une heure où tu es censée être en pause. Hélène, est-ce que tu peux essayer de lui expliquer comment utiliser les machines ?
      Hélène sembla rougir sous la demande de son enseignante.
      La musculation n’était pas le point fort de Rose. En revanche, elle avait un bon cardio : chez son père, elle allait courir tous les matins. Elle se plaça devant la machine à côté de son amie et attrapa les poignées qu’elle devait tirer.
      - Attends ! Tu dois te placer comme ça.
      Hélène attrapa les coudes de son amie et lui montra comment placer ses bras. Quand elle essaya de tirer, elle eut beau forcer, les poignées ne voulaient pas bouger.
      Hélène explosa de rire avant d’enlever les nombreux poids qu’elles avaient oubliées d’enlever.
      - C’est bon Rose ? Tu y arrives ?
Celle-ci hocha la tête, pendant que l’enseignante se plaça juste derrière Rose, pour la rectifier.
      - Eloignes-toi un peu de la machine, tu es trop proche, lui dit Emilie en mettant une main dans son dos.
      Rose, inhabituée au contact, se cambra dans un sursaut, sous la surprise de son enseignante.
      - Je t’ai fait mal ?
      La jeune fille fit non de la tête. Elle avait simplement eu peur. La femme s’éloigna, laissant les deux amies se débrouiller.

      Le soir, Rose n’eut pas le temps de passer voir sa mère, elle passa sans lui dire bonjour, monta les escaliers et s’effondra sur son lit, sans même éteindre la lumière. La journée avait été fatigante.

Rose [ProfxElève / ♀️x♀️]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant