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Ca fait maintenant quelques dizaines d'heures, quelques jours, peut être même une semaine, que je suis enfermée avec Marius dans une nuit éternelle. Nous n'échangeons pas beaucoup. 

Lui passe son temps à regarder les étoiles par la fenêtre, il semble toutes les connaître. A vrai dire, je n'en sais rien, mais il est tellement fasciné que je n'ose pas lui poser la question. Il ne détourne le regard que pour dormir, ou pour se jeter sur la misérable écuelle de filmolégumes bouillis et sans doute périmés (vu l'épouvantable odeur de chaussette en putréfaction qui émane de l'assiette) qu'on nous sert quotidiennement. 

Je ne savais pas que ces légumes périmaient, je l'ai découvert en même temps que mon premier "repas" dans la cellule. En fait, je suis même persuadée qu'ils ont été conçu pour ne pas périmer.

 Marius ne s'en occupe pas. Marius ne s'occupe de rien. Marius ne pense qu'à ses étoiles. Marius est un rêveur. 

J'aimerais bien être comme lui, mais force est de constater que je suis beaucoup plus terre-à-terre. Enfin j'en ai l'air. 

Je me retourne le cerveau dans tous les sens pendant des heures pour trouver un moyen de sortir d'ici. Et de recouvrer ma mémoire. Important, la mémoire. Sans doute plus que les effluves nauséabondes qui émane de notre "nourriture". J'avoue qu'elles me préoccupent aussi; est-ce normal qu'un bouillon reconstitué pue autant ? 

 Je commence sérieusement à penser qu'on se tape les restes des chiens de garde. A supposer qu'il y en ai. 

Le bâtiment à première vue ressemblait à un hangar militaire. Plus quelque chose qui sert à stocker des marchandises, un entrepôt, qu'un lieu de détention pour mineurs amnésiques. 

Un frisson me parcourt le dos.

Et si c'était nous, les marchandises ? 

 Impossible, je me suis réveillée dans un hôpital, tout ce qu'il y a d'officiel et de règlementaire.

Et cette cellule, elle te paraît règlementaire ? 

Et ce type, avec toi, il te paraît réglo ? Regarde-le, tantôt on dirait un môme de six ans, tantôt  l'homme le plus froid du continent. 

Je stoppe net les pensées envahissantes qui s'insinuent dans mon esprit. Marius est le seul à m'avoir témoigné un peu de sympathie sans m'enfouir la tête dans ses seins, c'est pas le moment de faire ma parano ! 

Je le regarde un instant. Il ne paraît plus si paisible. 

Ses sourcils se sont froncés, il a replié ses genoux dans ses bras, et son regard s'est perdu dans le vide. J'ai remarqué que lorsqu'il me croyait endormie, il prenait souvent cette posture.

 Le retour du Marius préoccupé. Je peux presque voir la fumée sortir de ses oreilles. Monsieur réfléchit. Il est beau comme ça, l'air si sérieux, comme si il avait de gros tracas qu'il ne pouvait pas partager. 

 Je ne sais pas au final si je le préfère dans les étoiles ou à terre avec moi. L'idéal serait que je sois dans les étoiles moi aussi. 

Non, il en faut bien un de nous deux qui joue au raisonnable. C'est étrange, j'aurais tout de suite pensé que ce serait lui qui endosserait ce rôle. 

Je suis allongée par terre : c'est mon tour de dormir. Généralement, j'essaye de me réveiller vite. Je ne sais pas combien de temps on va rester, et Marius semble exténué, alors je lui ménage en douce de plus grande plages de repos.

 Enfin, j'en ai l'impression.

 On a mis en place ces tours de garde, parce qu'aucun de nous n'est rassuré à l'idée de ce qu'on pourrait nous faire si nous dormions tous les deux profondément. Je veux dire, on m'a bien volé ma mémoire, alors je pars du principe que tout est possible maintenant.

PerseusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant