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L'écran se brouille, et une alarme stridente ne tarde pas à retentir. Les pics d'acier accélèrent leur va et viens. Qu'est-ce qu'on a fait? Je prie tous les dieux pour qu'on ai pas précipité notre fin. Se serait vraiment, mais alors vraiment nul, comme fin. Je veux dire, on aurait survécu à la pièce rouleau-compresseurs, subit les deux gorilles, traversé une mare de lave, pour finir embroché par des pics d'acier ? Alors que nous avons nous même accélérer le mécanisme ? Or de question !

Je me penche sur l'ordinateur, essayant tant bien que mal d'éviter les dents métalliques qui menacent de me frôler la peau. L'alarme retentit toujours, suraigüe. L'écran brouillé de l'hordinagramme redevient net, et demande un autre mot de passe.

-C'était quoi le mot de passe qui a marché, déjà ?

-Icarius, je crois.

-Icarius, Icare. C'est quoi Icare ? La solution peut êt...

-Je commence vraiment à me dire que t'as du génie, me coupe t-il, une lueur d'excitation traversant son regard fatigué.

Nous crions pour nous faire entendre malgré l'alarme stridente. Je hausse les épaules pour reposer mes cordes vocales et le laisse fnir.

-Pas c'est "quoi" Icare. C'est "qui" Icare, dit-il en insistant sur le "qui". C'est ça la question. Icare, c'est un jeune homme qui a été fait prisonnier dans un labyrinthe avec son père. L'architecte du lieu, c'était Dédale, le père d'Isard. Et il l'avait conçu pour enfermer des gens à vie ! On ne peut pas en sortir, de ce labyrinthe. C'était impossible, même pour lui, l'architecte du lieu !

Au fur et à mesure qu'il continue, nos yeux s'écarquillent un peu plus. Il n'a pas lui même l'air de savoir d'où il sait tout ça. J'aime bien quand il raconte son histoire, il raconte bien. Je l'écoute attentivement sans l'interrompre. Je vous jure !

-Mais Dédale le génie ne comptait pas se laisser mourir dans un lieu qu'il avait lui même construit. Il fabriqua alors deux paires d'ailes, faites de plumes et de cire, en mettant en garde son fils : la cire, ça fond. Ils doivent voler au raz de la mer, le plus loin possible du solei, mais pas non plus trop près de l'eaul. Icare, tout content de pouvoir voler, ne fit pas grand cas des recommandations de son père. Il s'approcha du soleil, enorgueilli et fier de voler. La cire commença à fondre, les ailes se décomposèrent, et Icare tomba à l'eau sous le regard désespéré de son père. C'est ça, la légende d'Icare. C'est un message caché, on doit se servir de Dédale et d'Icare !

-Comment-tu... J'avale la fin de ma phrase, il m'a demandé d'arrêter de lui poser des questions auxquelles il n'a pas la réponse.

Il est beau, quand il raconte.

Je me secoue la tête, je dois rester concentrée.

-On doit voler, alors ?

L'alarme s'arrête aussitôt. Et ça fait du bien. Elle laisse derrière elle une affreuse migraine, mais c'est toujours mieux que cette affreuse sirène.

-Ça doit être plus subtil que ça, mais je suppose que c'est l'idée.

Je me repenche vers l'ordinateur, et pianote diverses touches avec un instinct insoupçonné, et me retourne fièrement vers Marius, collé dans mon dos. On est attaché, je vous le rappelle à toutes fins utiles. Histoire que vous ne vous imaginiez pas des choses !

-Je l'ai déverouillé !

Marius me jette un regard désabusé.

-Il suffit que je te raconte deux trois trucs et bam, tu trouves la solution. Je suis vraiment un dieu en fait. Je rate une vocation là !

Je lève les yeux aux ciels, et lui montre l'écran. Ce n'est pas un bureau qui s'affiche, mais directement le lignes de codes d'un système informatique. Je n'y comprend rien, mais je me sens plus concernée que dans les constellations de Marius. Des petits chiffres et des petites, mais vraiments minuscules lettres et mots étranges forment des lignes. Je connais ce langage. C'est du langage informatique, du Malboge ++. Je ne sais pas si je suis capable de coder dans ce langage. Je sais ce que je dois faire. Je dois désactiver complètement le système de va et viens des crochets d'aciers. Et les faire rentrer dans le sol, si possible.

-Plus que quatre minutes, mes lapins.

Quatres minutes ! Quatres minutes ! Ma respiration se saccade, Marius me presse l'épaule. Quatres minutes. Il m'en faut deux pour trouver le cloud à pirater. Une autre pour désactiver le système, pirater tout les ordinateurs qui y sont reliés. Efficacité. Pense efficacité, Olympe.

Efficacité !

Mes doigts volent sur la surface holographique du clavier. Je débaltère tout et n'importe quoi en même temps, j'explique vaguement à Marius ce que je fais, sans me préoccuper de sa capacité de compréhension de mon charabia. J'ai peur, et ça décuple mes capacités, tant mieux. Je viens de trouver le réseau qui pilote le système. C'est simple, trop simple.

-J'ai survolé le système, comme Icare, avec le mot de passe qu'ils nous ont presque donnés. Maintenant, je ne dois pas me cramer les ailes, sinon on est foutus. Si mon attaque plante, si personne ne télécharge mon virus dans les minutes qui suivent, c'est cuit, et et on sera repérés. Et quelque chose me dit que pirater leur système, c'était pas exactement ce qu'ils attendaient de nous.

Tant pis, je n'ai pas le temps de chercher la petite bête. J'infiltre ce réseau, mon cheval de Troie est téléchargé sur un des terminaux en moins de quinze seconde. J'ai accès à leur mot de passe. Je les testent tous, en intégralité sur le système. Deux minutes, si mes calculs sont bons.

Allez ! Courage ma petite Olympe, tu fais ça pour lui ! "D'abord pour toi, si tu veux bien", me murmure la voix.

Un message d'erreur s'affiche à chaque fois que je rentre un mot de passe erroné. Ils sont assez compliqués, plus de vingt-cinq caractères spéciaux. J'en rentre un. Le système prend plus de temps à l'analyser. Je retiens ma respiration, Marius aussi. Validé. Validé !

Je fais défiler toutes les lignes de codes devant mes yeux, je ne comprends plus. Pourtant, je mettrai ma main à couper que c'est le même langage que dans le cloud. Je ne comprends plus, le temps presse.

Je fais la seule chose que je suis encore capable de faire : j'efface tout. Je sélectionne les centaines de lignes, et les efface d'un coup. Le système s'arrête instantanément, mais les pics sont toujours là, ils ne sont pas rentrés dans le sol. J'espère que je ne viens pas de faire une grosse connerie. Tant pis, on a pas le temps de se prendre la tête, il faut déguerpir, et vite.

Une minute.

Je tire Marius avec moi. Nous esquivons à toute vitesse les dents métalliques. Je suis eraflée par l'une d'elles, je prie pour qu'il n'y ait rien de néfaste dessus. Oui, je sais, je suis naïve. Mais maintenant, je veux vivre !

Nous arrivons enfin devant une lourde porte grise, après avoir traversé le champ de crocs acérés. La porte dégage un peu d'air frais, je me colle sans hésitation à la paroi. Mon ami fait de même, et je tambourine dedans.

-On doit sortir ! Vite !

-Vingt secondes, grésille l'horripilante voix.

Marius se met à hurler tout les mots de passe dont il arrive à se souvenir. Je me joins à lui. Nous avons tout essayé, rien ne marche.

-ICARIUS ! Je crie de toutes mes forces, je suis épuisée, j'ai mal, ma peau me brûle. Chacun des mes muscles hurlent au désespoir, toute trace d'énergie les as quittés. Je n'ai jamais été aussi fatiguée. La migraine laissée en souvenir par l'alarme est toujours là, bien ancrée entre mes tempes. Je serre Marius dans mes bras, il fait de même. On aura essayé, on aura tout fait !

La lourde porte émet un grincement, j'ai une impression de déjà-vu. Une illumination me traverse. La porte va s'ouvrir, j'en suis sûre. Ils s'amusent à nous pousser à bout, mais ils nous font toujours sortir, quand nous réussissons les épreuves. Et là, on a réussi. Donc cette putain de porte va s'ouvrir dans les instants qui suivent, pas vrai ? 


En média, la chute d'Icare, de Carlo Scareni (XVIème siècle)

PerseusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant