L'arrivée au chalet

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J'essayais de tenir debout depuis quatre heures du matin. J'avais passé le plus clair de mon temps dans le bus à essayer de dormir, mais peine perdue. Mon cerveau avait décidé de ne pas se mettre en pause, préférant observer le monde au-dehors qui se réveillait en même temps que le soleil se levait. J'avais l'habitude, pourtant. Et puis ce n'était pas comme si cela ne me dérangeait pas. J'aimais bien être la seule éveillée dans ce calme, la seule à profiter du monde assoupi.

Seulement, une heure de plus et je n'aurais pas tenu. Debout devant le chalet qui allait nous héberger le reste de la semaine, je me retenais à ma grosse valise remplie d'affaires d'hiver.

« - Ça va ? Tu tiens le coup ? s'inquiéta Joséphine en me sondant de ses yeux bruns.

- Oui, t'inquiètes pas. J'ai juste hâte que toute la présentation soit finie et que je m'installe dans la chambre pour pioncer un coup.

- Délicat.

- Mais véridique. »

Je pouffai lentement, sentant le poids de mes cernes sous mes yeux. En entendant mon professeur nous demander d'entrer, j'empoignai l'anse de ma valise et pénétrai dans le bâtiment. S'il y avait plus de cinq escaliers, j'allais faire un scandale.

L'installation fut étrangement rapide. En moins de deux heures, j'avais ma chambre, un lit relativement confortable et les projets de la semaine. Les explications avaient été simples, rapides et claires. Tout ce que j'aime.

« - Tu penses faire quoi ? me questionna mon amie tout en rangeant ses affaires dans l'armoire. Moi, je ne les avais même pas sorties de la valise et ce serait comme ça tout le reste de la semaine.

- Déjà, le ski ou le snowboard s'impose. On est quand même un peu obligées, non ?

- Evidemment.

- Ensuite, je me vois bien aller dans les bains chauds. Ce serait une première, alors pourquoi pas. »

Joséphine leva ses yeux sur moi et posa la main sur son cœur.

« - Tu n'es jamais allée dans un bain chaud ?

- C'est un problème ?

- Enfin ! Tu ne connais pas le bonheur de cet endroit fabuleux ?

- Tu es sûre que tout va bien ?

- Athy, promets-moi une chose, continua-t-elle en me prenant par les épaules. Cette semaine, tu viens au moins une fois là-bas avec moi. Et ce n'est pas une option. »

J'ouvris de grands yeux et me mis à rire. La blonde avait des lubies vraiment étranges parfois.

La journée passa vite. Nous avions beaucoup de liberté au niveau des activités, plus que je ne l'aurais cru. Nous pouvions faire l'activité que nous voulions dans le programme, tant qu'un professeur y était assigné. C'était "à la carte", et franchement pas mal.

J'ai passé l'après-midi à parcourir le chalet. Il était grand et je préférais m'y repérer avant de me perdre. Seule dans les couloirs, je déambulais les mains dans les poches. J'avais repéré la salle à manger et le salon immense qui faisait aussi office de salle de jeux. Nous allions vraiment passer une semaine de rêve.

Le soir, les professeurs nous appelèrent pour manger à vingt heures. Ils nous prévinrent que les activités commençaient à partir de demain et que le départ pour ceux qui voulaient était à neuf heures. La matinée prenait fin à onze heures trente et tout reprenait l'après-midi à quatorze heures.

Notre programme à Joséphine et moi était simple. Nous allions passer la journée à surfer pour elle et skier pour ma part. J'aimais bien le snowboard mais j'étais meilleure à ski, et si je voulais suivre la blonde sur sa planche, il fallait que je me mette à l'aise. Et en ski, je la battais bien.

« - Tu penses que Matthias va faire du ski demain ? demanda mon amie, allongée sur le lit. »

Il faisait noir dans la chambre, l'heure de se coucher était venue. Installée dans notre lit double, nous bavardions. Enfin, Joséphine parlait et j'essayais de ne pas m'endormir.

« - Tu lui as demandé ?

- Non, j'ai pas osé, murmura-t-elle.

- Jo', vous êtes dans le même club. Vous devriez quand même vous parler.

- C'est pas parce qu'on fait du théâtre ensemble que l'on est bons amis.

- Voyons, c'est pas du tout comme s'il t'attendait à la fin des cours pour y aller avec toi. »

À côté de moi, la jeune femme se tourna et me fit face.

« - Tu penses... Tu penses que je pourrais lui plaire ?

- Joséphine, tu es la personne la plus adorable sur cette planète. Evidemment qu'il t'aime bien. Tu l'as déjà vu attendre l'autre fille de la classe qui fait du théâtre ?

- Non.

- Voilà ! Et puis je ne suis pas myope. Tu crois que je fais quoi en cours ? Compter les grains de poussière ?

- Et parler à Jules ? lança-t-elle en levant un sourcil.

- On ne parle pas de moi, là. Moi aussi, j'observe. Et je vois qu'il te regarde tout le temps, Joséphine. Il est deux rangs derrière toi, et j'ai compris il y a un moment pourquoi il ne tournait jamais la tête pour regarder l'horloge.

- Parce qu'il a une montre, peut-être ?

- Mais non idiote. Il a toujours les yeux posés sur toi. »

La blonde soupira avant d'enfouir son visage dans l'oreiller. Je savais que mes paroles remontaient son moral. Joséphine avait beau être courageuse, elle manquait parfois de confiance en elle.

« - Dis Athy, tu penses que cette semaine...

- Serait le moment idéal pour lui en parler ? complétai-je. Evidemment. Au moins bien te rapprocher de lui et oui, bien sûr, lui parler de tout ça. »

Ma meilleure amie sourit et remonta la couverture.

« - Merci.

- Pas de quoi. »

La Théorie des larmes refouléesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant