Le bain chaud

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« - Tu vas voir, c'est un des meilleurs endroits sur Terre. »

En train de mettre ses affaires dans un casier, Joséphine m'expliquait en quoi consistait la fabuleuse activité du bain chaud. On était jeudi matin et j'avais encore mal au coccyx et aux hanches suite à ma chute d'hier. Un énorme bleu s'était tranquillement installé sur la zone endolorie et je commençais à entamer ma transformation en schtroumpf.

Essayant de ne pas me faire mal, je rangeai à mon tour mes habits et fermai notre casier commun. Tout comme moi, Joséphine n'avait en possession qu'une serviette de bain et son maillot. J'avais d'ailleurs halluciné quand elle m'avait prévenu que dans un bain, et bien on était en maillot. C'était logique, en soi. Mais pour moi, vacances au ski ne rimait pas avec tenue de plage. Je n'avais donc emporté aucun habit spécial et mon amie m'avait passé un des siens.

Je me tenais donc debout dans le vestiaire, un maillot une pièce noire sur le dos et pas franchement à l'aise.

« - Arrête de te cacher avec ta serviette ! me réprimanda Joséphine. C'est pas parce que t'as pas la peau sur les os que tu es laide. »

Je levai les yeux au ciel et ris doucement. Elle avait complètement raison et j'avais tendance à oublier que moi aussi, j'étais belle. Un peu de ventre en trop ou pas.

« - On y va ?

- C'est parti. »

Joséphine avait eu raison. Le bain chaud était un pur régal.

« - Alors, qui avait raison ?

- C'est toi.

- Je sais ! s'exclama la blonde en riant. »

Nous étions toutes deux assises dans une grande cavité alimentée par une source chaude. Il y avait des bulles, une bonne odeur et la sensation de chaud sur la peau était juste divine.

« - Tu as encore mal à ta hanche ?

- N'oublie pas les fesses. Mais oui, j'ai encore mal. Je suppose que j'en ai pour une bonne semaine au moins.

- La poisse...

- Tu l'as dit. Après, ce n'est pas si grave. On part samedi et j'ai pu skier trois jours. J'ai largement eu le temps de m'amuser. Et puis il me reste pleins d'autres choses à faire !

- Toujours positive, hein ?

- Il faut bien. »

Joséphine baissa les yeux vers les bulles et se tut un instant. Je fronçai les sourcils. Mon amie était rarement silencieuse. Quelque chose n'allait pas.

« - Qu'est-ce qu'il se passe Jo' ?

- Rien d'important, ne t'inquiète pas.

- On ne me la fait pas à moi, continuai-je en lui donnant une pichenette. La blonde rit et releva ses yeux marrons sur moi.

- C'est juste que je me demande si j'arriverai un jour à parler à Matthias de tout ça.

- De tout quoi ?

- De mes sentiments, que je l'aime bien... Ce genre de choses.

- Et pourquoi tu n'y arriverais pas ? Voyons Joséphine, tu es la fille la courageuse que je connaisse. On a déjà eu cette discussion.

- Je sais, ça va. C'est juste que j'ai l'impression de n'avoir jamais le bon moment pour lui en parler.

- Oh. »

J'étais un peu surprise. Ma meilleure amie n'était jamais déstabilisée par une situation. Matthias devait vraiment lui plaire.

« - Ecoute, j'ai une idée. En me promenant hier, j'ai entendu les profs dans le salon. Apparemment, on a un quartier libre le vendredi soir jusqu'au samedi matin avant de partir. Tu pourrais en profiter pour l'emmener quelque part, où dormir avec lui.

- Dormir avec lui ? T'es malade ! cria-t-elle en rougissant rapidement.

- Ca va, vous allez pas en mourir.

- Non, jamais je ferai ça.

- Tu ne me facilites pas la tâche, gloussai-je. Il y a bien quelque chose qui vous rapproche tous les deux, non ?

- Le théâtre, murmura mon amie.

- Pardon ?

- Le théâtre, répéta-t-elle plus fort. On a une pièce à jouer à la fin de l'année. Et tous les deux, on a le rôle principal.

- Continue, on tient un truc.

- Je peux lui demander de répèter avec moi ! »

Je ne pus que sourire. Quand Joséphine avait une idée en tête, il était impossible de lui faire changer d'avis.

« - Et bien voilà, tu l'as ton idée !

- Merci Athy, tu es géniale !

- Je sais, je sais. »

Avec empressement, la jolie blonde entreprit de dresser son plan d'attaque et je la laissai faire. Il ne fallait surtout pas qu'elle se décourage.

À la sortie du bain j'avais la peau fripée, ce qui rendait mon ma blessure plus horrible encore. Le milieu de mon corps ressemblait à une vieille prune désséchée et un peu pourrie. Si je revoyais les parents irresponsables du petit gars qui m'avait foncé dessus, je leur demanderais un dédommagement. Je n'avais jamais eu un bleu si énorme.

Je ne pus arrêter Joséphine sur le chemin du retour. Elle ne cessait de parler et à mon plus grand plaisir, me laissa tranquille un moment.

Demain serait un grand jour pour mon amie.

La Théorie des larmes refouléesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant