La répétition

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Cela faisait deux mois que nous étions partis au ski. Evidemment, Joséphine avait fini avec Matthias et ils formaient le couple le plus niais que je n'avais jamais vu. Notre nouveau passe-temps avec Jules, c'était de les mettre mal à l'aise. On passait pour de vrais imbéciles mais il fallait reconnaître que c'était amusant.

De mon côté, j'étais sur un petit nuage. Je passais beaucoup de temps avec mon voisin de table et cela me suffisait. Je n'avais pas envie de plus, les cours que nous passions ensembles étaient bien assez.

Cette après-midi, j'avais les yeux plongés dans mon texte. Le soir même se produisait la dernière répétition avant le spectacle de la section anglais européenne. Nous travaillions depuis octobre sur une pièce de théâtre d'Oscar Wilde et je révisais mon script. J'étais perfectionniste et il fallait que mes passages soient parfaits.

Mon rôle était un des principaux féminins, pas question de me tromper. J'avais beaucoup trop de fierté pour me ridiculiser devant le public.

Le soir vint bien vite. Notre petite classe s'était réunie dans la salle multimédia de l'établissement et tranquillement assise sur ma chaise, j'attendais que mon tour arrive. Quelques élèves qui restaient étudier dans la salle d'à côté nous regardaient par la porte et certains étaient même venus s'installer en silence pour nous regarder jouer.

Une ambiance agréable régnait dans la pièce. Sans grand étonnement, nous commencions à être fatigués et j'étais de plus en plus déridée. Je riais doucement et à mon grand étonnement, j'étais très détendue. Je me sentais bien, là.

« - Ton passage va bientôt arriver Athy. Il faut que tu te prépares.

- Merci, j'arrive de suite. »

Je souris à la personne qui m'avait prévenue et me levai. J'avais réussi - pour mon plus grand bonheur - à dégoter une chaise et un petit coin tranquille dans la pièce et je somnolais presque quand on vint me chercher.

Je partis donc déclamer mon texte et quelques minutes plus tard, après avoir fait les derniers réglages et corrections, je pus enfin retourner m'asseoir. J'en avais fini avec la répétition et je voulais juste me reposer. À ma plus grande surprise, je trouvai ma chaise occupée. Un petit froncement de sourcil s'installa sur mon visage et je me retins de soupirer.

« - C'est ma chaise, Jules.

- Elle était libre quand je suis arrivé pourtant.

- Je viens juste de passer.

- Je sais. Je t'ai regardé jouer. Tu es douée. »

J'eus un petit sourire.

« - C'est gentil.

- Je te trouve fatiguée en ce moment. Quelque chose ne va pas ? demanda-t-il dans un murmure pour ne pas déranger ceux qui répétaient.

- Tu t'inquiètes pour moi maintenant ?

- Evidemment. »

Mon cœur rata un battement et j'ouvris la bouche pour répliquer mais il ne m'en laissa pas le temps. En fond, Oscar Wilde régnait sur la pièce et certains avaient déjà fermé les yeux. Tout était calme et reposé. Dans cette salle qui ne m'appartenait pas, je me sentais dans une bulle de douceur. C'était agréable.

« - Qu'est-ce qui ne va pas ? reprit-il doucement.

- Déjà le fait que tu m'aies pris ma chaise.

- Si ce n'est que ça, tu peux venir t'installer sur mes genoux !

- Et puis quoi encore, on est pas dans une comédie romantique, gloussai-je en haussant les épaules, ce qui eut le mérite de faire onduler mes cheveux.

La Théorie des larmes refouléesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant