Chapitre 41

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Lyra ouvrit lentement les yeux, encore assommée de fatigue, réveillée par du mouvement dans la chambre : Ivy, sa colocataire, était en train d'enfiler une longue cape marron. L'enchanteur, dont l'esprit était encore embrumé se demanda quelle heure il pouvait bien être, s'étant endormie à peine sortie des souterrains, un peu après leur rencontre avec l'étrange créature.

Elle baragouina quelques mots en remontant la couverture sur ses épaules, ce qui fit sourire Ivy. Cette dernière s'approcha d'elle et s'assit sur le bord de son lit, lui caressant doucement le visage dans un geste maternel :

— Il est tard, rendors toi, murmura-t-elle gentiment. 

Lyra ne se fit pas prier, exténuée qu'elle était par l'utilisation de sa magie et par la peur qu'elle avait ressenti au cours du dernier combat. Ivy la regarda replonger avec douceur, se relevant discrètement et sortant de la chambre à pas de loups. 

Elle descendit rapidement les marches qui la menèrent au cœur de l'auberge où quelques badauds buvaient bruyamment. Sans leur prêter aucune attention, elle se dirigea vers Alexius et Duncan, le premier ayant lever la main pour qu'elle les remarque : 

— Encore debout ? leur demanda-t-elle en s'appuyant sur la table où se trouvaient deux choppes. 

— Je pourrais te poser la même question, rétorqua Alexius en remarquant le sac qu'elle portait. Tu sors ? 

— Oui, je vais aller me promener un peu, répondit-elle en riant doucement. J'ai besoin d'air frais !

Les yeux du médecin se plissèrent légèrement alors qu'une ombre passait sur son visage. Il se ressaisit bien vite et hocha la tête. Ivy lui sourit d'un air contrit avant de se tourner vers Duncan qui lisait un parchemin :

— Qu'est-ce que c'est ? 

— Un des plans de Mousse, expliqua-t-il en donnant une tape sur le papier. Je vais les apprendre en vitesse, ce sera ça de fait.

— Il n'y a que toi pour dire des choses pareilles... Pas de repos pour notre chef, hein ? ajouta Ivy en lui lançant un petit clin d'œil.

Elle fut accueillie par un grognement sourd alors qu'il agitait mollement la main vers la porte de l'auberge, ce qui la fit rire gentiment. Elle leur conseilla tout de même de ne pas trop tarder et, alors qu'elle commençait à s'éloigner, un sourire aux lèvres, Alexius l'arrêta :

— Ne tente rien de stupide, déclara le vieux médecin en la regardant intensément.

Ivy prit quelques secondes avant de répondre :

— Ne t'inquiètes pas, lâcha-t-elle en souriant de plus belle. Je ferai attention. 

Alexius la regarda ouvrir la porte et s'engager dans la rue. Quand elle eut disparut, il soupira longuement, la mine grave.

De l'autre côté du battant, Ivy resta immobile quelques instants, fixant les rues désertes. Son sourire s'était évanoui aussitôt sortie de l'endroit. Elle alluma la lanterne qu'elle portait à la ceinture à l'aide de la torche brûlant à droite de la porte, illuminant vaguement la pancarte de l'auberge. Une fois ceci fait, elle s'engagea dans les corridors noirs, se mêlant aux ombres du chemin.

***

La nuit était habitée de mille cris, plaintes muées en trombes dégoulinant du ciel comme une boue sombre et noire, frappant le sol et les déchets qui le jonchaient, griffant des planches moisies qu'on appelait maisons pour s'engouffrer dans un marais avide d'une aube nouvelle. Les gouttes, telles un voile miroitant, projetaient contre les murs sa lanterne, fracturant cette lumière en éclats dansant dans les longs corridors. Tout s'illuminait follement sur son passage, la ville se mouvait au rythme de ses pas, se parant frénétiquement d'or et d'horreur alors que vacillait la flamme qui laissait bientôt au silence des rues l'étrange relent de son passage. 

L'Enfant aux yeux blancs - Libération [Inachevé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant