Une journée avant le départ des Ailes, dans un lieu bien différent de Velka.
Ils étaient vingt-cinq.
Assis sur des fauteuils disposés en cercle, ils étaient tous silencieux, attendant patiemment, le visage dans l'ombre malgré la lumière qui s'infiltrait dans la salle par les immenses vitraux. Dix-neuf portaient l'habit pourpre et cendre, symbole de leur appartenance au conseil. La plupart de ces derniers étaient des vieux hommes dont les cheveux blancs étaient déjà perceptibles, ils avaient l'air soucieux.
A l'extrémité du cercle, placé directement sous le vitrail, était assis, dans un siège plus imposant encore, un autre homme. Les jambes croisés, vêtu d'un blanc immaculé, il observait ses confrères, un léger sourire aux lèvres. Il ne disait rien, tapotant doucement sur l'accoudoir.
— Sommes-nous tous présents ? finit par demander Galius Villequin, le Grand Conseiller de Salis. Visiblement, certains sièges sont vacants.
Il esquissa un geste vers les fauteuils abandonnés avant de se tourner vers le conseiller à sa droite :
— Eh bien ? Où sont donc passés nos confrères ?
Le conseiller leva les yeux et plongea son regard dans celui, perçant, de Villequin, qui fronça les sourcils. L'homme baissa la tête, mal à l'aise, portant la main à sa nuque, l'air gêné :
— Ils... Enfin... Ils sont partis, peu après vôtre départ.
— Partis ? répéta le Grand Conseiller dont les doigts frappèrent l'accoudoir avec plus de violence. Et pour quelle raison ? Auraient-ils quelque chose à se reprocher ?
— Je...
— Et toi, Carn ? Pourquoi cette soudaine inquiétude ? ajouta-t-il dans un souffle avant de balayer l'assemblée d'un geste de la main. Il en est de même pour vous autres. Je m'absente quelques semaines et voilà que le Conseil part en lambeaux... Dites-moi, messieurs, pourquoi portez-vous l'habit du conseil si vous n'êtes pas capable de le maintenir debout ?
Tous les conseillers se turent, certains serraient les dents, contenant leur colère. L'absence de l'homme qui se tenait là, devant eux, auréolé de rouge, venait d'arriver à son terme et tous se rappelaient désormais de son rôle. Tout, chez lui, leur inspirait un incroyable respect et une terreur profonde : il était incisif et en à peine un regard avait cerné ce qui s'était déroulé ces dernières semaines. L'incroyable tension qu'ils ressentaient en était la preuve : Galius Villequin n'avait pas usurpé sa place de Grand Conseiller, son charisme et sa présence n'ayant en rien été fragilisés par le temps.
Un seul homme, parmi les conseillers, gardait la tête droite, dévisageant Villequin sans rien laisser paraître :
— Qu'importe les absents, Villequin, déclara Horacio Vindaberre d'un ton neutre. Le Conseil se trouve sous tes yeux et il tient. As-tu tant de temps à perdre, pour nous accuser de la sorte ? Parle, nous autres, conseillers, t'écoutons.
Villequin, qui l'avait écouté attentivement, lui sourit :
— Content de voir qu'il reste quelqu'un de poigne, dans cette assemblée. Tu as raison, Horacio, l'heure n'est pas aux chamailleries ! Veuillez me pardonner, messieurs, pour cette rude introduction !
Il rit gentiment, le fracas de ses doigts s'arrêtant. La tension chuta d'un coup, comme si toute l'hostilité qu'il avait dégagé jusqu'alors s'était dissipée. Mais, bien loin de les rassurer, c'est ce qui pétrifia les conseillers : en un instant, la sourde menace qui planait au-dessus de lui avait disparue, remplacée par un sourire chaleureux qui donnait un côté dérangeant à l'ambiance général. Quelque chose semblait faux, chez lui : sa colère, ou son air aimable ? Nul n'aurait su le dire, à cet instant précis.
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L'Enfant aux yeux blancs - Libération [Inachevé]
Fantasia/!\ /!\ ATTENTION ! Ceci est le deuxième tome de "L'Enfant aux yeux blancs" ! Si vous n'avez pas lu le premier volet, je vous invite à quitter cette page et, si vous le souhaitez, à revenir une fois votre lecture terminée ! /!\ /!\ En tant que nouv...