Chapitre 23

637 90 21
                                    

Au loin, le croassement des corbeaux s'éleva.

Alexius jeta un regard à la fenêtre de la chambre, donnant sur les mornes étendues urbaines de Velka, dont le ciel s'était encore couvert de gris durant la mâtiné. Le mur s'étendait au loin, trônant avidement sur la cité, en dévorant l'ampleur, et en minimisant la fragilité. Il entendit, alors perdu dans le vague, les cris d'enfants courant, là, dans la rue juste en dessous. Ils semblaient jouer. Le son d'une dispute lointaine, un murmure colérique, lui parvint également des tréfonds du bourbier qui s'éteignait à l'approche du jour. Tout semblait mort, même le vent qui faisait grincer la girouette de la demeure d'en face, provoquant des crissements métalliques répétés et monotones, un bruit de fond persistant et lassant qu'on finissait par oublier tant il était habituel. Le tout donnait une impression de tristesse solennelle, résolue...

C'était vraiment une mauvaise journée, pensait le médecin en se retournant vers Elise qui l'observait depuis le lit sur lequel elle était assise :

— Alors ? demanda-t-elle en se frottant la gorge, couverte de la tâche carmine apparue durant la nuit. Qu'est-ce que tu en penses ?

— La tâche s'est répandue, commenta Alexius en quittant la fenêtre et le déprimant spectacle qu'elle offrait.

— Mais encore ?

Il hésita à parler et elle le poussa gentiment à le faire d'un sourire triste qui lui fendit le cœur :

— Tes poumons sont touchés, commença-t-il, ton sens de l'équilibre s'est légèrement détérioré, et tes réflexes se sont émoussés. 

La sylphe noire hocha la tête, et fut prise d'un léger vertige qui la força à s'immobiliser. Elle sentit la main rassurante de son compagnon se poser sur son dos :

— Ne bouge pas. Tu es encore faible, lui intima-t-il.

Elise soupira et se laissa retomber sur le lit :

— Quelle manque de chance... Ça ne tombe vraiment pas au bon moment...

— Il y avait un bon moment, selon toi ?

— Disons que Goldenhand n'attendra pas. Mais bon, je vais devoir faire avec ! Kolinguer compte sur nous !

Alexius pinça les lèvres en entendant sa dernière remarque, mais s'abstint de dire quoi que ce soit. Elise le remarqua et sourit :

— Parle, je t'écoute !

— Tu sais très bien ce que je pense.

— J'aimerais l'entendre !

Alexius grogna et se frotta les cheveux :

— Si ça ne tenait qu'à moi, nous partirions d'ici. Velka ne peut qu'aggraver ton état.

— Et tu laisserais mourir le reste de la ville ?

Le médecin soupira en fermant les yeux, se calant contre le mur :

— Dans l'immédiat, c'est pour toi que je m'inquiète. Je ne veux pas qu'il vous arrive malheur, à toi comme aux autres. Je ne veux pas vous perdre.

Elise sourit en entendant ces mots, un sourire que le vieil homme, au milieu de ses peurs, ne distinguait pas :

— Ne t'inquiètes pas, le rassura-t-elle. Aucun de nous n'a l'intention de mourir ici. Et puis, tu es là pour veiller sur nous, non ?

— Vous êtes vraiment tous pareils, grogna Alexius en se souvenant de ce que lui avait dit Kolinguer. Vous ne pensez qu'à vous...

Il se leva et s'approcha d'elle, posant sa main sur son front :

L'Enfant aux yeux blancs - Libération [Inachevé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant