Chapitre 19

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— J'ai cru que tu allais t'évanouir, tout à l'heure, soupira Alexius en se lavant les mains dans une petite bassine d'eau. 

— Désolé, s'excusa Kolinguer en faisant bouger doucement son épaule.

— Essaye de la ménager, l'arrêta le médecin, la plaie pourrait se rouvrir. Tu en as pour quelques jours, évite de la bouger et, évidemment, pas de tir à l'arc. Compris ?

— Compris, sourit le blessé en jetant un coup d'œil à l'attelle qui soutenait son bras, finement faite et qui semblait solide.

Alexius ricana amèrement en remettant une petite aiguille à sa place dans le tissu en cuir étalé sur la table, aux côtés de divers instruments de médecines, avant de s'adosser contre le mur en fixant son ami :

— A peine revenu, tu nous provoques déjà des frayeurs... Essaye de faire un peu attention à toi !

Kolinguer ne répondit rien, souriant toujours, et leva la main pour se protéger des doux rayons lumineux qui pénétraient dans la pièce par les volets abîmés, lui donnant une aura protectrice, rassurante, et pourtant désespérément triste. Il entendait la pluie taper au dehors, un bruit régulier et léger qui résonnait sur les murs de pierres, comme une symphonies en mille touches de mélancolie. Kolinguer finit par reporter son attention sur son ami :

— Au pire, je sais que tu seras là pour me rafistoler, lui lança-t-il.

— Rigole bien... Viendra un jour où je ne pourrai plus rien faire !

— Réjouissons nous, ce jour n'est pas encore venu.

Alexius se frotta les yeux puis leva les mains en signe d'abandon :

— Tu as toujours le dernier mot, hein ? plaisanta-t-il en ramenant un petit tabouret sur lequel il s'assit. En tout cas, je n'avais jamais vu pareille blessure...

— Le Corbeau portait une arme très particulière, admit Kolinguer, retrouvant son sérieux. Nous avons eu de la chance. S'il n'avait pas été fou, il nous aurait tué. Mais je rentrerai dans les détails une fois que nous serons tous ensemble. Au fait, comment va Lyra ? Elle était épuisée, j'ai du l'amener jusqu'à l'auberge sur mon dos, malgré une nuit de repos.

Ce fut au tour d'Alexius de hocher la tête. Ils s'étaient retrouvés quelques heures plus tôt à la Vivace Noire, comme l'avait annoncé la lettre qu'Ivy avait reçue la veille à la Croisée. Ils étaient alors dans un piteux état et Alexius avait passé les dernières heures à les surveiller et à leur administrer plusieurs substances aux vertus curatives :

— Elle va bien, le rassura-t-il. Contrairement à toi, elle n'était pas gravement blessée, seulement exténuée. Elle se repose dans la chambre à côté.

Ils avaient en effet loué des chambres qui, bien qu'assez modestes, leur offraient le confort nécessaire ainsi qu'un cadre plus sain que les ruelles de Velka. Kolinguer hocha la tête, rassuré, puis se leva. Il se raidit en sentant la douleur jaillir dans son bras :

— Tu devrais rester assis, le prévint Alexius en sachant pertinemment qu'il ne l'écouterait pas. 

Le jeune homme s'approcha tout doucement, avec une infinie précaution, des volets en bois. Une légère brise lui caressait la joue alors qu'il approchait. Convoitant cette sensation d'air frais, il releva le loquet qui maintenait les battants fermés et les poussa pour découvrir la ville qui semblait éteinte, balayée par une ondée aussi éphémère que pesante. Il observa les vieilles bicoques qui parsemaient son champ de vision, le ciel se confondant avec la brume qui entourait la cité, formant un sarcophage étouffant, un étau trompeur qu'il retrouvait, comme toujours, avec mélancolie mais surtout avec une pressante envie de fuir ce sentiment qui l'enchaînait ici. Il voulait partir et pourtant il n'avait eu de cesse d'arpenter cette maudite ville aux teintes grisâtres dans lesquels il se noyait toujours un peu plus. 

L'Enfant aux yeux blancs - Libération [Inachevé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant