HERITAGE, Le Poison D'Aile De Dragon

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Ce sont des pas légers qui atteignent d'abord mes tympans, puis un frottement faible, rythmé, et enfin un souffle saccadé, tel un reniflement. De rares crissements me font penser à des longs ongles rencontrant quelques cailloux enfoncés dans le sol, quatre pattes se meuvent entre les arbres, non loin de nous. Confirmant mes craintes, une truffe de loup apparaît dans mon champ de vision et je ne peux retenir les tremblements qui envahissent mes membres. Je sens une panique folle monter en moi, ma respiration se dérègle, j'étouffe, d'autant plus que la main de mon assaillant emprisonne toujours ma bouche. Des images effroyables assaillent mon esprit et je suis contrainte de revivre la scène la plus carnassière de mon existence, je revois tout ce sang dégoulinant de ses crocs, ses yeux terrifiants et la nuque à moitié dévorée de ma meilleure amie. Tu seras mon trophée. J'ai besoin d'air, vite, mais j'ai beau bousculer, frapper et pincer, rien n'ébranle la détermination de mon adversaire. Il veut le silence et a peur que ma crise n'attire le dangereux prédateur. Je n'avais pas recroisé de loup depuis ce jour affreux et n'y comptais absolument pas, ma mère a raison de me laisser poireauter à la maison, je ne suis pas encore prête à faire face à mon pire cauchemar.

Nous sommes bien dissimulés, la bête ne peut donc pas nous voir. C'est à la suite de ces pensées que je reprends le contrôle de mon corps, j'espère qu'il va rapidement déguerpir. Lorsque je suis complètement maître de moi-même, une nouvelle secousse fait frissonner mes muscles, un réflexe. La gueule du loup se rapproche dangereusement du buisson où les deux mini-fées sont cachées. Lorsqu'un cri aiguë se met à résonner, je pousse mon corps en avant pour échapper à la poigne de fer de mon agresseur. Je ne peux absolument pas laisser le loup s'en tirer de cette façon, tant pis pour la personne qui fait de son mieux pour me retenir, rien ne m'empêchera de sauver mes égales. Cependant, je ne peux m'extirper de sa force et c'est avec désespoir que je regarde la gueule de l'animal s'enfoncer dans le buisson. Il en ressort immédiatement avec le cadavre de la morte alors que l'autre fée tire sur le petit bras pour ne pas le perdre. Je dois réagir maintenant! 

Alors je gigote à nouveau dans tous les sens tandis qu'il resserre son emprise de plus en plus fort. Mais d'un coup, le corps du monstre s'effondre lourdement au sol. Comme des statues, nous attendons, sur nos garde, que la situation déjà catastrophique s'envenime. Personnellement, j'ai bien l'intention d'épuiser toute mon énergie pour fuir si nécessaire. Le soulagement détend aussitôt mon être et je laisse ma tête tomber en arrière, sur, il me semble, une épaule épaisse et ferme. Lya vient d'arriver juste à temps pour endormir la bête et sauver les malheureuses. Invisible de notre point de vue, je n'aperçois que deux mains délicates emportant le petit corps, mais je sais que c'est elle. Ma soeur adorée s'en va aussi rapidement qu'elle est arrivée, laissant le loup giser sur la terre molle. Je ne lui en serai jamais assez reconnaissante, elle est puissante et capable de mettre sa vie en danger pour sauver les plus démunies, tout l'opposé de moi.

- Je crois que nous n'avons plus rien à craindre. Constate une voix basse derrière mon dos.

Cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu un son aussi grave, la dernière fois remontant au retour de l'une des nôtres après une mission périlleuse. Elle avait dû tuer un vampire mais avait été sérieusement blessée au cou et nous n'avions pas pu stopper le poison avant qu'il ne détruise ses cordes vocales. Ses derniers mots m'avaient parue si disharmonieux qu'à ce moment-là, elle semblait avoir perdu toute sa grâce.

Les bras de l'intrus me libèrent enfin et je saute aussitôt hors de la cachette. Je saisis une pierre de ma main droite au passage et me retourne en surplombant de ma hauteur l'agresseur, qui m'avait certainement sauvé la vie. Je ne pouvais pas encore lui faire confiance, il était peut-être lui aussi un prédateur peu fiable. Accroupi, il observe mes gestes avec intrigue et repose sa joue contre son poing, lui-même appuyé sur son genou fléchi. Cette posture nonchalante me montre clairement qu'il n'a pas peur de moi, il ne semble pas non plus me vouloir de mal ce qui est plutôt un bon début. Ses cheveux foncés sont pleins de poussières et sa peau laiteuse est salie par de la terre et un peu de sang. Une petite entaille coupe l'un de ses sourcils, elle laissera une petite cicatrice, alors que la manche noire de son bras posé sur son autre jambe est complètement déchirée. Je n'ose pas voir l'étendue de sa blessure. Il attend patiemment que je termine mon inspection et prenne ma décision. Les vampire possèdent généralement une aura attirante et étourdissante au dépend de leur volonté, je n'ai donc pas affaire à l'un d'entre eux puisque je ne ressens pas cette onde machiavélique. S'il était un loup, il m'aurait déjà dévorée sans laisser aucune miette en sentant l'odeur que je dégage, à moins qu'il ne contrôle sa partie animale parfaitement. Mais je l'aurais sans doute déjà repérée. Mes yeux s'ouvrent donc en grand et la curiosité me titille l'esprit, c'est la première fois que je me retrouve devant un humain. Ils représentent l'espèce bipède la plus faible de cette planète, et dire que j'ai eu peur un instant qu'il puisse mettre fin à mes jours!