4. Le pas tout à fait fantôme de Penryn Hall

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Le moins que l'on puisse dire est que Matthew Dale était ennuyé. Très ennuyé.

Certes, il tâchait de ne pas le montrer, digne et impassible autant que faire ce peut. Mais ses doigts tapotaient à un rythme effréné sur la commode, ébranlant ainsi la collection de petits bergers et bergères en porcelaine de son père.

Cette collection-là, il doutait que le voleur y touche. C'était un voleur de bon goût après tout.

Mais un voleur fait de chair et d'os, et non un fantôme, ça, il en était certain. Le premier tableau qui avait disparu avant de - soit-disant - réapparaître avait, en réalité, été remplacé par un faux. Et il en était de même pour tous les autres.

Malheureusement, il ne pouvait avouer cette vérité à son père au risque de lui causer un trop grand choc : leur famille avait assez de soucis comme ça.

Matthew avait donc discrètement mené une enquête, seul. Faisant de son mieux, ne trouvant rien. Il répugnait à l'idée de devoir mener une chasse à l'homme dans leur propre maisonnée. Il n'avait pas non plus envie qu'un scandale soit associé à leur nom.

Enfin, il craignait en dévoilant la supercherie de pousser le voleur à s'enfuir avant d'avoir été découvert. Il n'avait pas les moyens de contacter un détective privé, et il était hors de question de faire appel à la police, il n'était pas désespéré à ce point.

En bref : il ignorait tout à fait quoi faire.

Et pour couronner le tout, voilà qu'il se retrouvait avec ces trois hurluberlus sur les bras. Il avait pourtant dit à son père de ne pas leur écrire ! Qu'ouvrir leur demeure à des inconnus aussi peu recommandables était une mauvaise idée ! En vain.

Sir Dale était trop heureux d'avoir enfin un sujet d'animation dans leur petite vie morne et isolée.

Mais qu'allait-il leur dire ? Qu'ils étaient venus pour rien ? Que ce serait merveilleux s'ils pouvaient inventer une excuse puis rentrer chez eux aussi sec ? Qu'il n'y avait aucun fantôme à Penryn Hall, et qu'ils avaient déjà bien assez de problèmes comme cela ?!

Une des petites bergères en porcelaine tomba brutalement de sa balançoire. Un napperon blanc amortit sa chute sous les yeux perplexes des Riley et de Frederick. Le jeune Dale toussota puis la remit méticuleusement à sa place.

Ils étaient épuisés, avaient à peine eu le temps de déposer leurs affaires à l'auberge avant de se rendre au château. Pourtant, ils avaient poliment refusé la collation que Sir Dale leur avait proposée, pour suivre son fils dans son bureau.

Ce dernier souhaitait en effet « se charger personnellement de leur en apprendre un peu plus sur l'histoire de la demeure et sur son fantôme », ce qui permettait à son vieux père malade de se reposer.

Mais depuis plusieurs minutes, le jeune homme leur imposait un silence qui n'augurait rien de bon. Enfin il daigna ne plus tourmenter la commode et s'adresser à eux. Il débita alors un flot d'excuses qui dissimulait mal sa gêne parfumée au mécontentement.

Il leur avoua la vérité en tirant nerveusement sur ses manches, sans les regarder. D'un ton sans appel, il insista sur le fait qu'il comptait sur leur compréhension et leur discrétion. Éminemment soulagé par sa confession, il s'assit en oubliant de leur offrir de faire de même.

Tous se repassèrent ses paroles en tête. Et se sentirent idiots. Pas de fantôme, mais des heures de voyage, des centaines de miles dans les pattes, des cours annulés pour rien et des espoirs qui tombaient à l'eau.

Afanenn aurait aimé rassurer le jeune homme qui leur jetait des regards méfiants. Elle aurait aimé trouver un compromis pour lui venir en aide et débusquer le voleur. Ce n'était pas comme étudier un véritable fantôme, certes, mais ça demeurait bien plus palpitant que son morne quotidien de jeune fille presque bien élevée.

Un Fantôme de Bon Goût (The S.I.D.H.E.)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant