13. Le monstre et le héros

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La messe devait être finie, cette fois-ci il s'agissait donc certainement de la tante Abigail.

Nul doute que plusieurs rumeurs avaient circulé à l'église, lui apprenant que sa nièce avait mis le grappin sur un bon parti. Afanenn n'était pas du tout ravie de la voir si tôt, elle n'était pas prête à subir son interrogatoire.

Mais dire qu'elle fut soulagée en voyant Frederick débarquer à sa place dans le salon était un euphémisme.

« Freddie ! »

À ce moment-là, plusieurs choses se passèrent.

Afanenn rayonna soudain, un sourire béat sur les lèvres, des papillons plein le ventre et le cœur battant furieusement la chamade.

Caroline s'affola. Sa première pensée irraisonnée fut que sa mésaventure était parvenue aux oreilles de Mr. Hawkins. Peut-être même que le contenu de son roman lui avait été divulgué ?

Elle savait bien qu'elle aurait dû l'appeler « Mr. Renckins » et pas « Mr. Hawkins » ! Elle le savait ! Mais elle avait toujours été paresseuse avec les noms de personnages. Pourquoi s'embêter quand ils en ont déjà un ?

Et puis personne n'était censé lire ses créations, personne ! À part elle ! Or, elle... elle voulait le reconnaître au moins un petit peu...

Quant à Benedict, contrairement à son habitude il ne ressentit pas ce qu'éprouvait la bibliothécaire. Il n'avait plus de place pour ça. Il ne fit pas non plus attention à la mine resplendissante d'Afanenn.

Mais dire qu'il fut légèrement affecté par les sentiments qu'il avait aussitôt perçus chez Miss Riley était un euphémisme.

Il s'était littéralement décomposé.

L'imprévisible et débordante passion qu'éprouvait son amie pour Mr. Hawkins lui avait soudain ôté toute joie, toute confiance, et toute espérance, s'abattant sur lui comme les nuées ardentes du Vésuve sur Pompéi.

Et sur Herculanum, bien sûr.

Et puis aussi Stabies, tant qu'à être précis.

Bref : il n'était plus qu'une ruine sous un tas de cendres...

Non, pas du tout. En réalité il était plutôt un terrifiant abîme, loin sous les décombres, creusé et étiré par ses propres sentiments déçus et hurlants. Il n'avait pas encore pris conscience de ce qu'éprouvait réellement son cœur, que ce dernier s'était fait broyer avec bien peu de délicatesse.

Tout cela était un tout petit peu disproportionné. Pour tout le monde.

La dernière chose qui se passa, la seule vraiment remarquée par tous, ce fut les portes du salon qui grincèrent dans un terrifiant cri de douleur, avant de claquer violemment, les faisant tous sursauter.

« Eh bah... sacré courant d'air... » S'étonna Frederick en jetant un œil derrière lui.

C'était bizarre : aucune fenêtre n'était ouverte. Il haussa les épaules puis lança :

« Bonjour Afa ! Miss Jenkinson... Et... monsieur... »

Il ne pouvait pas finir sa phrase, même s'il reconnaissait ce visage. C'était un habitué de Westhall. Peut-être un ami de Miss Jenkinson ? Mais lui comme la bibliothécaire n'avaient pas l'air d'aller très bien. Ils lui avaient à peine rendu ses salutations hésitantes.

Il n'y avait bien qu'Afa qui semblait contente de le voir :

« Freddie ! Qu'est-ce que tu fais là ?

Un Fantôme de Bon Goût (The S.I.D.H.E.)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant