12. L'art de la conversation

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(dessin de Mairi-Tree)

Ils se levèrent tous les deux lorsque Caroline fit son entrée dans le salon, le visage encore rouge d'émotion.

Quand aussitôt Benedict la salua, elle dut se faire violence pour ne pas détourner la tête ou s'enfuir à nouveau.

« Miss Jenkinson.

- M... Mr. Alden. »

Le sourire que lui adressait Miss Riley se voulait rassurant.

« Je n'ai pas détaillé votre affaire à lord Aylward... souhaitez-vous que je lui montre votre message ou préférez-vous tout lui raconter directement ?

- V-v-vous pouvez lui donner m-m-m-ma lettre. »

Caroline comptait bien profiter de ce moment pour calmer son agitation.

Afanenn se dirigea donc vers le petit guéridon où elle saisit la lettre avant de la confier au lord. Ce dernier parcourut le message avec beaucoup de sérieux, ses traits se tendant de plus en plus tandis que Caroline blêmissait.

Il était délicat de demander à sa fiancée de quitter la pièce pour le laisser en tête à tête avec une autre femme mais il tenta tout de même :

« Miss Riley, pourriez-vous me laisser seul avec Miss Jenkinson un instant ?

- Oui, bien sûr ! »

Afanenn se dirigea aussitôt vers le couloir et le visage de Benedict passa de la concentration à la stupéfaction.

« Cela ne vous ennuie pas ? »

- Non, pourquoi ?

- Pour rien... »

Elle quitta la pièce sans comprendre sa réaction et s'installa dans le bureau. C'est vrai qu'elle aurait bien aimé en apprendre plus, c'est sûr, mais elle savait combien il était important de laisser Miss Jenkinson en petit comité.

Moins il y avait de personnes dans une pièce et plus la bibliothécaire s'apaisait. Or, vu son degré d'anxiété actuel et les révélations qu'elle s'apprêtait à faire, il était préférable de ne pas l'incommoder.

D'après sa lettre, Caroline avait été « licenciée pour écrits licencieux » et « atteinte à la pudeur ». Non seulement elle n'avait plus d'emploi mais, avec un tel passif, elle ne risquait pas d'en retrouver un dans une bibliothèque de la ville...

Et comme si ça ne suffisait pas, sa logeuse l'avait également mise à la porte en apprenant la nouvelle.

La pauvre Caroline n'avait aucune famille à Londres et ses plus proches cousins vivaient dans les Antilles... c'est en se rappelant les chaleureuses protestations amicales des Riley à son égard, qu'elle avait décidé de s'adresser à eux en attendant de trouver comment rebondir.

Ce qu'Afanenn n'arrivait pas à comprendre c'était comment Caroline avait pu se retrouver accusée de la sorte. Qu'est-ce qu'elle avait bien pu faire... concrètement ? Qu'avait-elle bien pu écrire de si terrible ?

Elle avait supposé que si Benedict l'avait fait sortir, c'était pour permettre à Miss Jenkinson de, justement, rentrer dans ce genre de détails embarrassants. Mais ce n'était pas la seule raison. En vérité, il avait surtout un marché à proposer à la bibliothécaire.

Pour éviter les ennuis à Mr. Riley et pour préserver sa propre réputation, il jugeait essentiel que la société croie à ses fiançailles « de longue date ». Toujours un petit peu vexé, il tenait également à ce qu'Afanenn se rappelle de lui sans qu'une tierce personne ne l'y aide.

Un Fantôme de Bon Goût (The S.I.D.H.E.)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant