5. Un tea time particulièrement tendu

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(The Garden, commission passée auprès de Raka-Raka)


« Oh, de toute façon, moi, tu sais... je n'ai jamais partagé l'avis de tes parents sur le sujet... »

George saisit le couteau pour le plonger dans le pot de clotted cream. Il préleva une épaisse couche de crème qu'il étala sur un scone en maugréant :

« 'On n'a pas le droit d'en dire plus' ''IL ne doit jamais rien savoir' 'C'est dangereux' patati patata, Bah ! C'est l'ignorance le plus grand des fléaux si tu veux mon avis ! De toute façon, je m'attendais à ce que tu abordes le sujet un jour. Tous les enfants adoptés finissent par poser la question, mais toi... toi, on peut dire que tu auras pris ton temps ! »

Son oncle mordit dans son scone sous les yeux incrédules de Benedict.

Il n'en revenait pas. Pendant près de trois jours, il s'était fait violence et l'avait obligeamment suivi dans toutes les sorties qu'il exécrait : bal, invitations à dîner, visites de courtoisie... Tout ça dans un unique but : que son oncle soit d'assez bonne humeur pour ne pas trop mal prendre sa requête.

Tout ça... pour ça.

« Si j'avais su, mon oncle...

- Oh, si moi-même j'avais su que ça te pesait autant... je t'en aurais parlé plus tôt ! Même si je n'ai pas grand-chose à t'apprendre, j'en ai bien peur ! Enfin... »

Son oncle se resservit un peu de thé (et de crème bien sûr) puis soupira :

« J'ai compris que quelque chose se tramait à peu près un an avant ta naissance. Edmund était plus bizarre et distant que d'habitude. Avec Elizabeth, ils échangeaient des regards entendus. Ils ont engagé cette nouvelle domestique, une petite irlandaise qui parlait à peine anglais, Murray ou Murphy, sortie d'on ne sait où, sans référence... Et puis un beau jour, ils sont partis en Crète, tous les trois ! Quand ils sont rentrés, ta mère a annoncé qu'elle attendait un enfant et que pour fêter ça, ils allaient partir à nouveau en voyage, toujours accompagnés de la petite domestique. Bien sûr, tout le monde a trouvé ça louche. On aurait imaginé que ta mère resterait à Ethelfield vu son état. Et puis cette curieuse manie de partir en si petit comité... mais ils avaient l'air si heureux, qu'on en a conclu que la joie avait dû leur faire perdre un peu le sens commun. À leur retour tu étais là, dans leurs bras, âgé de quelques semaines.

- Qu'est-ce que tu en as pensé ?

- J'étais sceptique et je le leur ai bien fait comprendre. Edmund a fini par m'expliquer tout ce qu'il a pu. Une drôle d'histoire... Apparemment cela faisait un bout de temps que lui et Elizabeth avaient abandonné l'idée de devenir parents. À défaut d'avoir un descendant, ton père s'était tourné vers nos ancêtres. Il s'était mis à s'intéresser à l'histoire de notre famille et à faire de la généalogie. C'est de là que tout serait parti. »

Benedict grimaça, perdu.

« Je ne suis pas sûr de bien comprendre...

- Eh bien, je ne sais pas quand exactement, mais un beau jour, quelqu'un s'est présenté au domaine ! Il me semble qu'Edmund avait passé une annonce et cet homme, un soi-disant cousin éloigné, un étranger avec un accent indéfinissable, est arrivé avec des documents très anciens concernant notre branche des Alden d'Aylward. Bizarrement, personne ne se rappelle ni de son nom, ni de ce à quoi il ressemblait. Tout ce que je sais c'est qu'il était antiquaire. Enfin, c'est ce qu'il disait. »

George Alden s'attaquait à présent aux sandwichs au concombre, en empilant une certaine quantité dans son assiette.

« Ton père et lui sont vite devenus inséparables, ils ont même fait des fouilles archéologiques ensemble ! Et ils ont été sacrément chanceux, c'en était presque louche... de ce que j'en ai compris, le fameux cousin n'était pas tout à fait... comme le commun des mortels. Il avait de curieuses... capacités. Un peu comme toi. Et puis au bout d'un moment, quelle drôle de coïncidence tu me diras, le cousin a expliqué à ton père qu'il était bien embarrassé. Une jeune fille de sa famille lui avait confié dans le plus grand secret qu'elle attendait un enfant. Un enfant qu'elle ne pouvait garder sans s'exposer à un grave danger, patati, patata. »

Un Fantôme de Bon Goût (The S.I.D.H.E.)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant