Chapitre 2 : Le souvenir

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Quand papa était là, il me prenait souvent à part pour m'expliquer certaines choses.
Par exemple, il disait que ce n'est pas facile d'être chrétien dans un pays où tout le monde est musulman.
Il m'avait dit aussi qu'il y a beaucoup de choses dans le monde qui créent des groupes, et que ces groupes se confrontent et que c'est pour cela qu'il y a des problèmes.

Avant la guerre, tout allait mieux. Ce n'était pas parfait et on râlait parfois, mais à ce moment-là, je regrettais de m'être plaint alors que nous étions heureux et en paix.

Ce matin-là, comme tous les matins, ma famille traînait à se lever. Elle était courbatue, épuisée. Moi aussi, mais moi je ne comptais pas. Enfin, à moins que ma sœur me trouve vraiment rigolo.

Chaque jour, nous essayions de trouver de la nourriture et de l'eau. Nous attendions l'éclat de vitalité de mon frère Elias. Mais celui-ci se mourrait...

Peu à peu, la sphère étincelante grimpait dans l'immense tableau bleu. Celui-ci pâlissait à l'approche somptueuse du grand monarque réapparaissant dans le commun des mortels. Il brûlait mes paupières, et jetait sur le monde une chaleur infernale. Il était lourd, puissant, et je ne pouvais que m'incliner sous son empire.

Ma chanson parlait du soleil, dans le dernier vers du refrain : « Et nous verrons, notre Terre / Fleurir d'amour sous le soleil »...

Une immense explosion.

Le volcan de la colère des Hommes se réveilla à cet instant précis, pour déverser à nouveau son torrent de haine et de malheur. J'étais au beau milieu de tout cela. J'eus tout juste le temps de remarquer que le soleil continuait à briller et à avancer dans son lac céleste, puis je tombais à terre.

C'était un vacarme épouvantable. La terre s'ouvrait de toute part. On aurait dit qu'un flot de douleur contenu depuis des lustres venait de percer la muraille qui le retenait et d'émerger sur nous.

J'étais souffrant, à terre. Je voulais que ça s'arrête. Hélas, je ressentais l'impuissance et la faiblesse de ma petite volonté, plus fort que je ne les avais jamais ressenti au cours de ma vie. J'étais soumis à cette colère, et je subissais tout ce rouge, ce mal, cette fureur qui crevait, dégoûtante. Pourquoi fallait-il que des forces supérieures détruisent la parcelle de terre sur laquelle je vivais ? Pourquoi fallait-il des armes qui dévastent tout ? Je ne pouvais rien empêcher, tout me dépassait et le sens m'échappait. Tant et si bien que je me croyais dans un rêve vécu en trois dimension. Un étrange et cruel rêve où tout explosait sans raison. Les maisons, les têtes, les arbres, tout était attaqué sans but. J'essayais de regarder la source du désastre dans mon songe. J'essayais de comprendre de quel ensemble, de quelle force provenaient ces bombes emplies de mal. Je ne percevais alors ni les avions de chasse ni les hommes qui les dirigeaient. Je voyais des monstres boursouflés de douleurs. Pleins de plaies et sur le point d'exploser eux-mêmes de l'intérieur.

C'est alors que je me souvins.

Deux petits garçons avec leurs sacs à dos bleus. Ils rient. Ils courent.

« Allez, Sami, on va être en retard à l'école ! » jette une petite voix fluette.

Ils s'amusent. L'air est doux et l'espace est immense... Ils sont bien...

« Sami ! » dit le plus grand en riant aux éclats.

Sami ? Pourquoi dit-il mon nom ? Qui m'appelle... Qui joue et s'amuse avec moi ? Je n'entends pas à qui appartient cette voix...

Une nouvelle explosion d'une puissance titanesque.

Elle m'aida à replonger dans mon souvenir.

N'oublie pas qui tu es [ROMAN]Where stories live. Discover now