Chapitre 6 : la fillette aux cheveux clairs

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Toute la nuit, je continuais mon chemin. Je n'avais pas envie de dormir. « Plus tôt je serai arrivé à la mer, et mieux ce sera ! »

Là-bas, près de cette grande étendue d'eau, j'imaginais qu'il ne devait pas y avoir de violence. On ne pouvait pas être en colère et faire du mal en étant à côté d'une si belle immensité que la mer.

Durant mon chemin, je me l'imaginais mille fois. Toute cette eau à l'infini, qu'est-ce que cela devait être beau ! Je me souvenais parfaitement de ce que nous racontais l'Ancien à propos d'elle. Ma sœur, mon frère et moi, nous en étions fascinés.

Il disait que la mer restait toujours en mouvement. Chaque élan vers la rive était appelé : une vague. La mer s'étendait, bleue et parsemée de petits morceaux de soleil qui scintillaient à sa surface. Elle fomentait une jolie musique régulière.

Les pensées qui portaient sur cet élément étaient les plus récurrentes et les plus agréables dans mon esprit. C'était délicieux, doux, adorable de peindre et de repeindre en songe l'allure que cela devait avoir. Une des seules réflexions qui ne me blessait pas. Je m'efforçais d'ignorer le passé.

J'observais les maisons blanches de la ville que je parcourais, toutes plus ou moins abîmées, sales et silencieuses. Il n'y avait que peu de vie dehors, à cette heure matinale.

Hélios enfourchait déjà son char étincelant quand je vis un gros panneau avec une inscription barrée transversalement. Je ne savais pas lire ces inscriptions arabes, mais j'imaginais que cela indiquait la fin de la ville.

Je continuais à avancer, et, au bout de quelques centaines de mètres, mon hypothèse se vit justifiée.

Il s'ouvrit un paysage absolument dévasté. Il n'y avait plus aucun bâtiment entier ; juste des ruines auxquelles on ne pouvait attribuer les noms de « maison », « immeuble », « école », « hôpital »... Des tas de gravats jonchaient la route ; des morceaux de bois, de cartons, de déchets, de métal et de terre se chevauchaient dans une surprenante tenségrité.

A ma droite, je trouvais une carcasse de voiture complètement déformée. Une avalanche de pierre avait creusé son passage dans la carrosserie. L'avant, décapité, ployait sous une masse dont on ne pouvait affirmer la composition.

Ces restes de matières étaient tous recouvert d'une poussière blanchâtre, qui leur affublait un air cadavérique.

Soudainement, la route me mena hors de ma ruelle et déboucha sur une grande place, ou ce qu'il en restait. Face à moi, des squelettes d'immeubles se tenaient tremblants et amaigris, troués de toute part. Ils avaient l'air de géantes silhouettes chétives et pitoyables.

A leurs pieds, un amoncellement de détritus, une végétation brune et sèche se mourrait.

Toute cette destruction me terrifiais. Comment avait-on pu construire autant, puis tout détruire ? J'étais à la fois frappé par la force de construction grandiose des humains, et par leur rapidité à tout briser. Ils m'apparaissent à la fois productifs, ingénieux et doués, et à la fois insensés, illogiques et débiles.

Soudainement, j'entendis un grondement sourd se déplacer au dessus de ma tête. Je dressai mon regard, et découvris, pétrifié, un avion de guerre. Sur ses ailes était tracé un drapeau composé de trois bandes de couleur horizontales. En partant du bas : rouge, bleu et blanc.

Je ne savais de quel pays provenaient les hommes qui le dirigeaient. Mais j'aurais aimé leur crier d'arrêter. A quoi bon tirer sur un être humain, quand on en est un soi-même ?

Je ne pouvais rien faire. Ils commencèrent à bombarder les environs. J'entendis alors des cris. Cela me surpris, puisque je pensais ces ruines absolument désertes.

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⏰ Last updated: May 22, 2020 ⏰

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