Chapitre 4 : Enfance brisée

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Quand je me retrouvais seul devant la petite cabane, j'étais complètement perdu. Je ne savais plus où j'étais, quelle heure il était et ce que je faisais. Mes jambes me firent machinalement rentrer chez moi, tandis que j'étais plongé dans mes réflexions sur ce qu'il venait de se passer. Je me demandais comment l'Ancien avait pu connaître le jour exact du départ de ce bateau. Et comment il savait toutes ces choses sur la guerre de notre pays.

Je fus heureux de retrouver ma famille, qui n'avait pas beaucoup bougé depuis mon départ. Elle était toujours avachie, immobile. Les deux jumeaux, collés l'un à l'autre, conversaient. A mon arrivée, ils coururent vers moi en criant mon nom. Leur grand frère chéri était rentré, ils étaient en sécurité maintenant.

« Sami ! Tu peux nous apprendre à grimper à cet arbre, s'il te plaît ? Ou alors nous raconter une histoire ? » s'écriait Sarah.

Qu'est-ce qu'ils étaient joyeux, malgré tout !

J'avais la gorge nouée d'émotion devant cette marque d'innocence enfantine.

« Oui, je ferai cela un peu plus tard... »

J'allais dire « promis », mais je me rendis compte que je n'aurais peut-être plus le temps de jouer avec eux. Cette révélation me fendit le cœur.

Ma mère, quant à elle, s'exclama :

« - T'en as mis du temps ! Mais... tu n'as pas d'eau ? Oh non, je savais que cela arriverait un jour ! La source est tarie ! Oh, non ! Quel malheur !

- L'eau ! Mince, j'avais complètement oublié ! Euh, non, maman, le puits est encore plein, mais j'ai croisé en chemin mes amis, ils avaient inventé un nouveau jeu, alors on s'est amusés, et je suis rentré directement ici ! Pardon, maman, je retourne chercher à boire ! »

J'étais plutôt fier de cette excuse improvisée de toute pièce.

Quand je rentrais à notre cabane, tout essoufflé, le soleil avait déjà dépassé son zénith. Le fait de voir que le temps passait aussi vite m'horrifia. Je passais tout le reste de la journée avec ma famille, les aidant dès que possible. Mais je me rendais bien compte que le meilleur service que je pouvais leur rendre était de partir pour l'Europe...

J'avais toujours été un garçon autonome, courageux et vigoureux, mais pourtant, dès que je voulais m'imaginer partir vers le monde, une faiblesse me déchirais le cœur. Ce n'est pas rien, d'abandonner, pour toujours, tout son passé ! Ma famille, mes amis, tout ce que j'avais bâti dans ce village en quinze années, ma réputation, mes succès, mes souvenirs, tout cela allait disparaître, soudainement, et par ma volonté ! A plusieurs reprises, je me demandais pourquoi je faisais une chose pareille, pourquoi je me faisais autant de mal. "Tu es tombé sur la tête, Sami ! Allez, on oublie cette folie, on reste à la maison." Mais, à la maison, il y avait Sarah souffrante, Elias qui avait faim, et ma mère qui se doutait des affreux moments que vivait mon père, au combat ! Et qui espérait sans cesse, les yeux vides de larmes, qu'il rentre un jour. En plus, avec mon maudit bras en moins, je ne leur étais d'aucune aide, pour travailler !

Pourquoi est ce qu'il fallait que des milliards d'humains partent de cet endroit du globe à cet autre là ? C'était pourtant la même terre, le même oxygène et le même ciel dans toutes les régions du monde ! Pourquoi le bonheur n'existait-il que là-bas ? C'était ces générations et ces générations d'humains qui avaient finit par quadriller le monde...

J'avais peur de cet univers que j'allais devoir traverser, peur de chacune des terres que j'allais parcourir. Je me les imaginais toutes peuplées de colère, avec des explosions, des bombes et des centaines de choses bien pire que je n'avais encore jamais vues !

N'oublie pas qui tu es [ROMAN]Where stories live. Discover now