Chapitre 11 : Dernière étape

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À dix-sept heures pile, Dakota se leva, rangea ses affaires et suivit la horde d'élèves qui sortaient par centaines du lycée. La bonne humeur régnait dans les rangs, puisqu'ils avaient devant eux deux jours d'entière liberté. Certains, surtout les sportifs, bravaient l'air glacé avec indifférence, impatients d'être les premiers à préparer une réserve de boules de neige à envoyer dans la foule. D'autres - dont beaucoup de filles trop peu habillées et de garçons qui devaient rentrer à pied – se montraient plus réticents à franchir les doubles portes qui les protégeaient pour l'instant de l'hiver.

Mon alter ego parcourait les couloirs d'un pas nonchalant, aux côtés de mes amis. Chacun d'eux souriait et faisait semblant de parler de tout et de rien, mais en réalité, c'était juste une comédie destinée à tromper quiconque les espionnerait. En-bas des marches, tout en gardant à l'œil leur suspect, ils se dirent au revoir et chacun insista bien sur la nécessité de se tenir au courant et, surtout, de se montrer prudent. Mon usurpatrice, une fois seule, ne cacha plus sa hâte. Elle devait savoir quelque chose que j'ignorais sur Lucas, car elle le laissa s'en aller sans manifester la moindre intention de le suivre. Au contraire, après avoir soupiré d'un air résigné devant mon VTT, elle monta dessus et rentra à l'appartement. La vieille dame qui habitait sur le palier d'à côté fronça les sourcils en la voyant émerger de la cage d'escalier, les joues rouges et le souffle court. Sa réaction était tout à fait normale. Depuis dix-sept ans que j'habitais ici, je n'avais jamais pris une seule fois la peine de monter à pied les cinq étages ! Je prenais toujours l'ascenseur ! Dakota ignora son sourire quand elle passa devant elle pour rejoindre mon chez-moi.

L'appartement était plongé dans le noir, signe que mon père n'était pas encore à la maison, ce qui me contrariait énormément. Le seul rempart qu'il restait entre Lucas et elle, c'était donc moi ! Elle balança ses bottes, jeta son manteau sur le canapé avec indifférence et entra dans ma chambre pour chercher des vêtements dans mon placard. Là, seulement, elle me laissa parler. Malgré les risques encourus par le jeune homme, j'étais plus inquiète de savoir ce qui était arrivé à River et Jason.

- Contente de ta journée ? me demanda-t-elle avec un grand sourire. Tes amis sont plus intelligents que ce que je croyais ! Je n'aurais jamais pensé possible qu'ils soient si proches de la vérité en ce qui concernait le profil du coupable ! Même s'ils n'en ont pas déduit le bon suspect. En tout cas, je me suis amusée comme une folle à jouer ton rôle ! Sauf pour le repas. Tu devrais vraiment faire plus attention à ta ligne. Manger plus sainement.

Tout en partageant ses opinions sur un ton joyeux, elle se débarrassait de ses vêtements pour en prendre d'autres, sur l'étagère tout en-haut de mon placard, où j'avais l'habitude de jeter tout et n'importe quoi. Elle en sortit un jean noir, un sweat à capuche noir, des gants et un bonnet noirs. « Son déguisement pour commettre des crimes », me dis-je avec appréhension. Et aussi, quand elle fut habillée, un sac de sport contenant entre autres un grand couteau qu'elle contempla un long moment. Un profond sentiment d'horreur m'envahit, mais je l'étouffai pour ne pas qu'elle soupçonne quelque chose.

- Dakota, je sais que tu as éloigné Jason et River pour nous protéger, mais est-ce-qu'ils sont en sécurité ?

Elle détacha enfin le regard de l'arme pour m'observer dans le miroir. J'avais parlé sur le ton de la conversation, mais je n'en menais pas large. Son expression était incrédule.

- Tu crois vraiment que je pourrais faire du mal à River ? interrogea-t-elle, visiblement indignée. Il fallait que je l'éloigne, car il commençait à avoir des soupçons. À comprendre ce qu'il se passait.

Son regard se fit plus rêveur quand elle continua :

- Mais je ne pouvais pas me débarrasser définitivement de lui, tu comprends ? Tu es amoureuse de lui. Je suis là pour te protéger, pas pour te faire souffrir. Et puis, je dois dire – elle avait baissé les yeux, comme si elle avait honte de ce qu'elle s'apprêtait à dire – qu'à moi aussi, il me plaît. Depuis que je l'ai vu pour la première fois. Dans le couloir du lycée. Quand il t'a rattrapée. Un vrai chevalier...

Double JeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant