Thorn fit son apparition plusieurs heures après. La nuit était tombée, chacun avait regagné ses appartements sauf Ophélie qui l'attendait assise dans le salon quand il poussa la porte. Il entra d'emblée dans le vif du sujet, tout en ôtant son manteau avant de venir s'assoir sur un fauteuil face à elle.
- J'ai récupéré le poste d'intendant. Ça n'a pas été facile, ils n'avaient pas trop apprécié mon refus de la dernière fois. J'ai du faire des pieds et des mains.
Il s'arrêta devant la mine consternée d'Ophélie.
- C'est pour ça que tu es parti tout ce temps ?
- Oui, dit-il comme si c'était l'évidence même. Notre situation financière n'est pas brillante. J'ai été dépossédé de tout ce que j'avais quand j'ai été condamné la première fois. Nous n'avons à peu près rien, et on ne pourra pas vivre aux crochets de ma tante indéfiniment. Je pensais que nous avions plus de temps, mais heu... ce n'est pas le cas apparemment. J'ai envisagé toutes les solutions possibles et je crois que nous n'avons pas le choix.
- Pourquoi cette question ? ajouta-t-il en élevant un sourcil. Tu pensais que j'étais reparti dans l'envers ?
- Non, je pensais juste que tu étais sous le choc et que tu avais besoin de réfléchir, dit-elle, en croisant les bras.
Le visage de Thorn se ferma.
- Il y a un peu de cela aussi. Mais après j'ai été happé dans les réunions et les protocoles. C'est un sacré sac de nœud la situation du Pôle après la grande réinversion. Pas étonnant que l'ancien intendant ait démissionné et qu'ils n'arrivent pas à recruter. Le visage grave, elle le coupa.
- Thorn, tu me parles de travail mais ce n'est pas vraiment ce qui m'intéresse à l'instant présent. On reparlera plus tard de cette décision que tu as prise tout seul alors que ça nous affecte tous les deux. Mais là maintenant j'aimerais seulement savoir ce que ça te fait d'avoir appris que tu seras bientôt papa... Si tout se passe bien.
Il détourna son regard et réfléchit un instant.
- Je ne sais pas trop. Mais je dirais que ce qui domine pour l'instant c'est la peur.
- La peur de quoi ?
Il baissa la tête.
- De ne pas être à la hauteur. On ne peut pas dire que j'aie eue de modèle en la matière. Mon père est mort quand j'étais bébé. Mais d'après les quelques souvenirs que j'ai de lui, les rares fois où j'ai croisé ses yeux il ne m'a jamais regardé que comme une chose insignifiante et gênante, un embarras. Alors, je ne sais pas à quoi ressemble un bon père.
Ophélie songea à lui parler de son propre père mais se ravisa car elle n'avait objectivement aucun élément qui puisse tenir la comparaison avec ce tableau.
- Tu n'as rien à voir avec ton père. Tu es infiniment meilleur que lui en tant qu'homme alors je ne doute pas une seconde que tu seras meilleur que lui en tant que père.
- Ou peut-être que tu vois en moi des choses qui n'existent pas.
- Tu avais dit que tu ne me sous-estimerais plus jamais, tu te souviens ?
- Touché.
- Thorn, par rapport à ce que tu m'as dit quand je t'ai annoncé que j'étais stérile, quand tu m'as demandé si je te suffirais...
- J'ai réfléchis à ça quand j'étais dans l'envers, en partie grâce à Victoire. Et j'ai réalisé à quel point j'étais dans l'erreur. Il n'existe pas une personne au monde qui puisse suffire à elle-seule à une autre. C'est une pression énorme que je me mettais et que je t'ai mise à toi aussi, pour rien.Il resta songeur un instant, avant de poursuivre.
- Et quand tu m'as dit que tu m'aimerais pour deux... loin de moi l'idée de t'en décourager, mais tu ne peux pas me réparer Ophélie. Je n'attends pas cela de toi.
- Tu n'as pas besoin d'être réparé mon chéri, dit-elle en effleurant sa joue d'une caresse subtile.
- Est-ce que tu seras jaloux ? ajouta-t-elle.
Avec une pointe de honte, il répondit:
- J'imagine que oui, un peu, sans doute. Mais je survirai.
- Moi aussi j'ai peur tu sais, dit-elle d'une voix tremblante. Pour commencer j'ai peur de ne pas pouvoir mener cette grossesse à son terme, avec mon... inversion. Alors je me dit qu'il ne faut pas trop s'attacher, mais je suis à peu près sûre de ne pas y parvenir. Ensuite, j'arrive à peine à m'occuper de moi-même, entre mes mains et ma maladresse. Je ne vois pas comment je ferai pour m'occuper de quelqu'un d'autre.
- A nous deux nous devrions arriver à faire une personne valide.
Elle rit, tout en sachant qu'il ne plaisantait pas.
- Et puis, continua-t-il, je pense qu'on devrait pouvoir compter sur l'aide des deux commères là-haut.
Elle fut heureuse de constater qu'il avait inclus la tante Roseline dans le cercle. Il avait réussi en quelques mots à éclaircir les idées sombres qu'elle avait ressassées une bonne partie de la journée. Il avait toujours ce pouvoir apaisant sur elle.
- Thorn, commença-t-elle timidement, est-ce que tu es un peu heureux quand même de cette nouvelle ?
Il leva vers elle des yeux qui brillaient d'un éclat singulier et s'assit à ses côtés sur le sofa.
- Ophélie, dit-il tourné vers elle en la fixant intensément, je sais que je ne suis pas doué pour exprimer mes sentiments, mais je suis vraiment désolé que tu puisses en arriver à te poser une telle question.
Il posa doucement une main sur son ventre.
- Parce que c'est toi, je suis heureux, beaucoup plus que cela même.
Alors elle se leva, et lui prit la main pour l'entraîner avec elle dans leur chambre.
- Prouve-le, dit-elle en arrivant en haut des escaliers.
Il ne se fit pas prier.
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L'exode. Une suite du tome 4 de la passe miroir
FanfictionPour réparer mon cœur brisé, et pour répondre à cette invitation de la fin ouverte, j'ai éprouvé le besoin d'écrire une suite, une fin. Au début je pensais écrire 3 pages, finalement j'en ai écrit 150... et j'ai hâte d'avoir vos avis. Bien sûr il f...