1. L'intrus du bord du Lac

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Nena n'en pouvait plus de devoir rester enfermée. Cela faisait combien de jours ? 18 ? 19 ? 30 ? Plus ? Une éternité...

Une éternité que le déchaînement du ciel, du vent et des arbres enveloppait l'abri d'un grondement gras et sourd. Ils ne l'entendaient pas. Non, ils le sentaient. Physiquement. Et c'était pire.

Une éternité d'espoirs pour que tout se termine, pour qu'il se passe enfin quelque chose !

Pour que cette journée perpétuelle ne se résume pas à une répétition des mêmes leçons, lectures, repas, rangements, siestes, réveils engourdis et coups de main à ses parents pour des trucs barbants. Elle considérait qu'elle ne le méritait pas. Alors que les adultes trouvaient toujours de quoi s'occuper, elle arpentait l'abri et ses recoins comme une âme en peine à la recherche de distractions qui n'existaient pas.

Ce jour-là, son ennui débordait. Lasse de ce qu'il lui infligeait, elle se mit à danser en attrapant tout ce qui lui tombait sous la main pour le lancer dans les airs ou à terre, en hurlant :

— Je maudis la pluie. Je maudis la pluie. Fort, si FORT. Pluie, pluie, je te hais, je te dégobi i i i llleeuu, je t'emm'....

— OH ! Cria son père qui virevoltait dans la pièce, à la suite de sa fille, les bras tendus vers les livres, une tasse, un pot à crayons, des sachets d'élastiques (??!!) pour essayer de les rattraper avant qu'ils ne touchent le sol... Tu dépasses les bornes, Nena ! C'est quoi ces grossièretés. On ne t'a pas élevée comme ça. C'est trop là !

— Là ? Quoi là ! Lalala lalala la pluieee on la maudit tous. Toi aussi, mon papa d'amour ! Tu la ...

— Stop Nena ! Stop ! hurla sa mère. Écoute, tous les jours, c'est la même chose. C'est dur pour nous aussi, au cas où tu ne l'aurais pas imaginé. Et tu n'aides personne en te comportant ainsi. Alors, soit tu arrêtes immédiatement, soit tu retournes dans ta chambre. Tu t'y occupes comme que tu veux mais tu n'en sors pas tant que tu n'es pas décidée à changer de registre.

Nena se laissa tomber au sol, positon du lotus, sa préférée quand elle se sentait coincée, dès qu'elle sentait que ça aller chauffer pour son matricule. Elle cacha son visage dans ses mains.

— Pardon, pardon. Je me tais.

Ainsi le calme était revenu aussi vite que la crise était apparue.

Zélie Fagote fut alors prise de remords.

— Nous sortirons demain, mon pinson. Je te le promets. Tempête ou pas.

Nena se releva, alla embrasser sa mère et partit se coucher.

Elle dormit tard. Une fois réveillée, elle décida de traîner au lit. À quoi bon bouger si c'est pour s'ennuyer ? Une demi-heure après avoir ouvert les yeux, une crampe à l'estomac eut raison de son envie de grasse matinée. Le corps encore ankylosé, elle se redressa, pivota pour glisser ses jambes hors de la couette et posa les pieds sur la descente de lit. Le contact doux et velu de la laine d'agneau lui fit penser à la toison de Safe.

— J'espère qu'elle ne s'ennuie pas trop.

— Alors, tu fais comme les petites vieilles, tu parles toute seule.

Nena poussa un cri de stupeur, tourna la tête vers la porte et vit son père appuyé sur le chambranle, bras croisés.

— Rhaaaa, papa ! La peur de ma vie !

— Calmos, fillette ! Je venais te réveiller. J'ai une bonne nouvelle. Ta mère a eu du flair : il ne pleut plus, le vent s'est arrêté de souffler.

NENA & LA FORÊT MUETTEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant