Photo souvenir

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C'est avec des fleurs plein la tête que je me suis réveillée le lendemain. Personne n'était encore réveillé, même pas Tim qui était d'habitude debout à l'aube. J'ai regardé l'heure : 6:00. J'allais devoir patienter un petit moment avant que quelqu'un ne se réveille. J'ai donc sorti mon portable et j'ai regardé les photos de la veille. Je ne sais pas combien de fois j'ai du me retenir de rire devant nos poses ridicules et les gros plans de Tim faisant une grimace. J'ai bien mis 1 heure à regarder toutes les photos.

J'avais enfin terminé quand une photo m'interpella. Elle ne datait pas de la veille. C'était une photo avec ma mère, la dernière avant sa mort. Un selfie de nous deux, devant un vieux bâtiment délabré. Je me demande pourquoi on avait pas choisi un meilleur fond d'ailleurs. J'ai zoomé sur la photo, son visage me manquait. J'ai essayé de me rappeler le son de sa voix mais il avait presque déjà disparu de ma mémoire.

Ma mère avait les yeux bleus, d'un bleu très clair. Mon père aurait dit qu'ils racontaient une histoire. Il disait souvent qu'il se perdait dedans, dans les profondeurs de son regard. J'ai plongé mes yeux dans ceux de ma mère, et j'ai essayé de m'y perdre. Comme le disais mon père. Même en photo j'ai senti ce qu'il voulait dire quand il disait être absorbé par ses yeux. J'étais au bord des larmes mais le regard de ma mère sur la photo me disait de ne pas abandonner. 

J'ai continué d'observer la photo pendant de longues minutes, détail après détail. Quand j'ai eu fini de contempler le visage et les traits de ma mère, je me suis attaquée au paysage. Un vieux bâtiment, gris et lugubre. Ça me revenait, ma mère avait insisté pour prendre cette photo devant ce bâtiment abandonné. Elle trouvait qu'il avait un charme fou. Je n'avais pas compris et je ne comprends toujours pas. Toujours est-il que c'est la dernière photo avec elle. Sur la façade de la maison on pouvait lire " fleuriste du centre", certainement un ancien fleuriste fermé depuis longtemps.

C'était insignifiant mais j'avais envie de comprendre ce que ma mère trouvait à ce bâtiment. J'avais besoin de savoir que je pouvais comprendre ce qu'elle ressentait. C'est à ce moment que Tim s'est réveillé.

«- Tu fais quoi, m'a t'il demandé.
- Je regarde des photos.
- Je peux voir ?»

Je lui ai montré la photo, il n'a rien dit. Il avait du sentir que j'étais émue. Il s'était retenu de faire une remarque sur ce bâtiment lugubre en arrière plan, sur l'appareil dentaire que je portais a ce moment là. Il était resté silencieux. Ce n'était pas gênant. Non ce silence était plein de compassion et de compréhension. Le genre de silence qui nous raconte une histoire.

«- Ça te dis d'y retourner ? Il avait dit ça d'une toute petite voix, gêné de briser ce silence.
- Y retourner ? Où ?
- À l'endroit de la photo.
- À quoi ça servirait, avais-je alors demandé.
- Tu en as envie non ?
- Oui, pourquoi pas. Mais c'est loin.
- On peut y aller cette nuit alors. Sinon les surveillants nous ne laisserons pas y aller.»

J'ai accepté, j'en avais vraiment envie. Et j'avais besoin de me reconnecter avec ma mère. Peut-être que mieux la comprendre pourrait m'aider à trouver des indices et peut être même des preuves.

Au nom de la justiceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant