Shiva danse les yeux fermés

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  Des lèvres en pagaille sur des corps sans vie. Les regards se perdent. Les jambes se chevauchent, les bras s'égarent, la chaleur monte. La buée épouse les vitres. Cela grouille de chairs accolées. Shiva danse les yeux fermés. Les baisers interrompus par des nuages de fumée. Du papier filtre à moitié consumé recouvre le tapis. Leurs pensées semblent dévorées par le flow d'un rappeur s'égosillant dans des enceintes bon marché.

Sa peau se rétracte sous les caresses froides. Sa nuque laisse tomber sa tête contre des torses en sueur. Par moments, elle ouvre à demi les yeux, elle contemple les peaux devenues indiscernables. Puis ses paupières retombent mollement. Elle replonge dans la pénombre dans laquelle quelques éclats colorés la maintiennent éveillée. Bientôt, plus rien ne bouge. Tout se fige. Les taffes se raréfient, la musique s'assourdit, le doux grésillement de l'artiste se tarit au profit des respirations de la foule amassée sur des coussins usés. La musique se déverse et caresse les corps rompus. La lumière a faiblit au-dehors. La chaleur ronge les esprits.

Les lèvres sur sa chair accélèrent, ses cuisses se serrent, un souffle chaud emprisonne sa nuque. Ses mains s'égarent sur des cambrures provocantes. Tout va très vite, et si lentement. Elle crie en silence. Elle s'accroche au bras le plus proche. Des canines scintillent lorsqu'elle y enfonce ses ongles. L'océan gronde dans les abysses convoitées. Le mât du bateau se glisse dans la tempête et fait frémir les rochers. Les falaises se rapprochent, encerclent l'embarcation. Le capitaine a perdu pied, il s'accroche au gouvernail, s'évertue à maintenir le cap. Les sirènes chantent au pied des dunes. Et, sans un bruit, les vagues font trembler la terre ; l'écume recouvre les rochers, Philema pleure les yeux fermés.

PhilemaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant