Chapitre 3 : Entre bonheur...

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      Milo détailla du regard la demoiselle. Ses cheveux étaient châtains clairs mais par moment le soleil leur donnait un reflet doré. La jeune femme avait attaché sa longue chevelure en chignon sauvage grâce à une baguette de bois dont l'extrémité sculptée représentait une tortue marine. Les traits de son visage fins et bien dessinés lui donnaient, si on faisait abstraction de sa peau halée, l'air d'une poupée de porcelaine aux yeux d'émeraudes. Assis à la terrasse d'un café au charme désuet, les deux jeunes gens profitaient de la fin de l'après-midi pour apprendre à se connaître. Ils se racontèrent leur vie, parlèrent de tout et de rien, savourant à chaque instant la compagnie de l'autre.

La seule chose dont Milo cacha l'existence fut son statut de chevalier. Il ne voulait pas effrayer la jeune femme et se fit donc passer pour un simple serviteur aux ordres du Sanctuaire. Il  aurait bien le temps plus tard de lui avouer la vérité.

          - Niënor, c'est un beau prénom que vous portez-là.

La jeune femme s'empourpra sous le compliment et ajouta :

          - Merci, c'est d'origine nordique, peut-être celte, je ne suis pas sûre. Niënor signifie « deuil », on m'a donné ce nom car ma mère est morte en couches.

          - Je suis désolé, veuillez pardonner mon indélicatesse.

          - Ce n'est rien, vous ne pouviez pas savoir.

Elle avait dit cela en détournant pudiquement le regard pour fixer son attention sur le joyeux tohu-bohu qui régnait sur la place en face de l'endroit où ils étaient assis. Le chevalier s'en voulut de sa maladresse et préféra ne pas rompre le silence qui s'était installé entre eux, il se contenta de poser tendrement sa main sur celle de la jeune femme et attendit sa réaction. Elle ne retira pas ses doigts, bien au contraire, osant même prolonger leur contact en jouant, d'une manière qui se voulait distraite mais ne trompait personne, avec ceux de son vis-à-vis. Quand Milo plongea son regard océan dans le sien, Niënor rougit mais soutint celui-ci sans faillir.

Lorsque vint le moment de la séparation Milo raccompagna la demoiselle jusque chez elle. Là, sur le seuil de la porte, ils restèrent un instant sans parler. Ce fut Niënor qui brisa le silence.

          - Je vous remercie pour ce bon moment passé en votre compagnie. J'ai été très heureuse de vous connaître Milo. A présent je vous souhaite une bonne nuit.

          - C'est moi qui vous remercie d'avoir accepté mon invitation. murmura-t-il en s'approchant de la jeune femme.

Il prit entre ses doigts une mèche de cheveux bruns, respirant avec délice leur parfum suave. Plongeant son regard dans celui de Niënor, il lui demanda :

          - Pourrai-je espérer vous revoir bientôt ?

La jeune femme frissonna puis, reprenant contenance, hocha la tête en signe d'assentiment.

          - Demain ? proposa-t-il. Nous pourrions aller à Athènes ! poursuivit le jeune homme. Il y a plein de petits restos sympas et ensuite nous irions au cinéma...

          - Voilà qui me semble prometteur. répondit la demoiselle sans quitter des yeux le regard envoûtant du protecteur d'Athéna. À demain ! murmura-t-elle avant de disparaître dans l'embrasure de la porte.

      La journée du lendemain parut à Niënor interminable. Les heures s'égrainaient avec lenteur au point que la jeune femme pensa ne jamais voir arriver la soirée. Et puis enfin Milo vint la chercher et son attente prit fin.

Les deux jeunes gens déambulaient à présent dans les rues animées de la capitale grecque. Ayant revêtu des habits à l'européenne, ils se fondaient parfaitement dans la foule de touristes et d'athéniens qui profitaient de la relative fraîcheur vespérale. Milo emmena Niënor dans un petit bistro à la française où ils s'installèrent en terrasse sous la lumière tamisée de quelques lampions et de l'astre lunaire. Sur la table brûlait une bougie qui achevait de donner au décor une ambiance romantique parfaite pour un tête-à-tête amoureux. Ils découvrirent les délices de la gastronomie française et le repas se déroula dans la joie et la bonne humeur, accompagné d'un excellent vin de Bourgogne.

Le reste de la soirée fut un peu flou pour Niënor. Ils allèrent au cinéma mais la jeune femme était bien incapable de retrouver le titre du film. Pour être honnête il lui était également impossible de raconter la moindre scène du long métrage. Elle se rappelait la main de Milo prenant la sienne et jouant avec ses doigts. Elle gardait aussi le souvenir que lorsque les lumières se furent éteintes, il lui avait caressé le visage de sa main restée libre avant de poser ses lèvres chaudes sur les siennes. Elle ne l'avait pas repoussé, au contraire, entrouvrant même sa bouche pour l'inciter à poursuivre. Il ne s'était pas fait prier, profitant de cette invite muette pour approfondir leur baiser en mêlant leurs langues dans un sensuel ballet.

Oui, ce baiser et surtout cette façon, à la fois tendre et passionnée, dont il l'avait embrassée étaient les seuls souvenirs précis que Niënor conservait de leur rendez-vous.

                                                                                              *****

     Plusieurs mois s'étaient écoulés depuis leur première rencontre. Milo fit une cour discrète mais non moins assidue à la jeune femme qui sut apprécier à sa juste valeur cette marque d'attention.

Ce jour-là, le chevalier d'or avait emmené sa compagne en promenade au bord de la mer. Marchant main dans la main, les amoureux ne prêtaient pas attention aux vagues venant mourir à leurs pieds ni aux oiseaux piaillant dans le ciel d'azur, rien ne pouvant troubler leur moment d'intimité.

Niënor s'arrêta un instant puis lançant un regard complice au jeune homme, se mit à courir dans les rouleaux d'écume. Milo la contempla un moment avant de se lancer à sa poursuite. Attrapant la demoiselle par la taille, il l'éleva dans les airs, avant de la serrer contre lui. Leurs regards s'accrochèrent puis doucement leurs lèvres se rejoignirent en un chaste baiser. Le contact du corps musclé du jeune homme et la douceur de ses baisers firent frissonner la demoiselle.

          - Tu as froid ? s'enquit le Scorpion d'or en la serrant plus fort contre son cœur.

          - Non ! murmura-t-elle en l'embrassant à son tour.

Puis profitant du relâchement de leur étreinte, la jeune femme plongea dans les flots bleus de la méditerranée. Le huitième gardien sortit de l'eau et s'assit sur le sable de la crique laissant, l'astre d'Apollon sécher ses vêtements tout en regardant sa compagne faire quelques mouvements de brasse. Un court instant plus tard Niënor le rejoignit. Le chevalier ne parvenait pas à comprendre comment elle pouvait nager avec grâce tout en portant cette robe qui désormais lui collait à la peau. Le tissu blanc détrempé laissait deviner un corps aux courbes bien dessinées. Le jeune homme tenta alors de chasser les idées peu avouables qui lui venaient à l'esprit avant que celles-ci n'éveillent son désir et ne le placent dans une situation délicate vis-à-vis de la demoiselle. Ses hormones mises à rude épreuve devraient attendre qu'il regagne sa demeure.

Niënor se laissa choir à ses côtés puis avec un sourire malicieux, elle posa sa tête sur l'épaule de son compagnon tandis qu'il sursautait à ce contact humide. Ils restèrent un long moment ainsi immobiles à observer le spectacle des vagues qui inlassablement venaient s'échouer à leurs pieds et le vol des goélands.

L'amour du scorpion d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant