chapitre vi : rire et choisir

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Je devrais me sentir bouleversé par ce qu'il vient de se passer. Je devrais culpabiliser, mais j'ai toujours tout fait pour me détacher de cette stupide notion du devoir. Qui impose la morale ? Qui peut juger nos actes ? Les avocats? Dieu ?

Je culpabilise seulement de ne pas avoir vraiment vécue ces dernières années, le monstre au fond de mes triples rugit de plaisir alors que j'éclate de rire à nouveau.

Nous sommes affalés dans le canapé en cuir beige de Karim et nous rions dans l'insouciance la plus totale. Malik reste à l'écart assis en travers du petit fauteuil assortis, il s'est approprié la bouteille de Jack et sa tranquille indifférence me fascine.  C'est un meurtrier me murmure ma conscience et à nouveau le monstre rugit de plaisir. Le mot m'impressionne, m'initimide presque comme s'il était trop grand pour moi. Malik me fait sentir toute petite, une petite fille émerveillée devant la maison hantée de Disneyland.  Ses mains me hantent, sa colère aussi, la rage avec laquelle il a fracassé la nuque de ce type... Il faut avoir beaucoup vécu pour accumuler tant de rage et de colère. À côté de lui je suis un concentré de faiblesse.

Pourquoi n'ai-je jamais ressenti la rage de ce passé qu'on m'a volé ? A quel moment ai-je décidé qu'il vallai mieux pleurer sa défaite éternellement que de faire de sa vie un éternel combat. La rage de vivre, de vaincre, de survivre voilà ce que me fascine chez lui, toute cette aura de puissance dans une indifférence glaciale. C'est réellement fascinant. Fascinant et effrayant. Excitant aussi.

Un sourire soulève ces lèvres pulpeuses à chaqun de nos éclats de rire et je me souviens de la violence de ses mots lorsqu'il s'est adressé à moi.

- Élisabeth ? Je deteste qu'on m'appelle comme ça, tout le monde m'appelle Éli. Mais même sans cet indice tout mon corps s'était déjà figé des qu'il a ouvert la bouche. Dans l'expectative, j'attends de savoir s'il va encore m'agresser ou me caresser de sa voix suave. Tu me depanerai un joint s'il te plait? Demande-t-il avec une politesse exagérée.

J'acquiece, gênée de l'entendre s'adresser à moi devant les autres, nous déjà presque intime, intimement lié en tout cas. Je crois même que j'ai rougit, de honte ou de plaisir.

J'ai tout laissé dans la voiture de Marina, j'en profite donc pour l'éclipser, courant presque hors de l'appartement. Je ne  reprend mon souffle que lorsque les portes de l'ascenseur commencent à se fermer.  Elles se referment sur une main avant s'ouvrir à nouveau et il est là devant moi.

Il pénètre dans la cabine sans m'adresser un regard et les trois étages se transforment en une descente aux enfers qui n'en fini pas.  Cette proximité ne me gêne pas, au contraire je suis presque rassurée de retrouver cette intimité entre nous. Mais lorsqu'il tourne enfin la tête vers moi, son regard ne me lâche plus. Il me scanne , m'analyse sans aucune gêne et avec un sourire en coin qui laisse croire qu'il voit tout de moi, tout en moi et ça le fait rire.

- c'est quoi le problème ? dis-je lorsque les portes s'ouvrent enfin.

Il rit un peu plus fort .

- à toi de me le dire Élisabeth, c'est quoi le problème ?

Ne sachant pas quoi dire je ne dit rien et m'empresse de déverrouiller la voiture pour pouvoir remonter au plus vite. Mais aussitôt il s'installe au volant et sans que je sache pourquoi j'ai pris place à côté de lui.

- à la place du mort sourit-il. Et je frissonne, ce mot entre ses lèvres, c'est un doux poisons. 

Je lui tend le matos et il roule tandis que le silence a repris possession des lieux. Je regarde ses mains faire avec application, puis sa langue lecher l'extrémité de la feuille d'un bout à l'autre d'une lenteur extrême. Il doit savoir que je le regarde. Le monstre en moi fremit.

Et puis il me tend un joint parfaitement roulé.

-tu ne veux pas l'allumer ? Je m'étonne.
- je ne fume pas. Répond-t-il simplement.

Et enfin sans que j'en comprenne la raison l'atmosphère se détend et je souris à mon tours. Il tue mais ne fume pas, l'ironie frappe toujours où on ne l'attend pas.

- tu devrais ! Je répond en songeant que cela calmerai sans doute cette rage qu'il cache si bien.

- chacun ses vices conclu-t-il avec résolution, comme s'il s'accaumaudait très bien d'être un violent psychopathe. Et comme s'il lisait en moi, il, poursuis : Il ne faut pas avoir honte de ce que l'on est, ni jamais regretter ses actes, encore moins ses paroles parce que tout cela ne compte pas. Ce qui compte vraiment c'est le seul qu'on leur donne. 

- certaines choses n'ont pas de sens, la mort par exemple en a très peu. Tuer en a aucun. Repondis-je en me demandant à quel moment la discussion est-elle devenue si sérieuse.

- il n'y a pas de lumière sans obscurité, pas de vie sans la mort. Pourquoi pleures- tu ? On s'emmerderai à vivre éternellement, on se detesterai à s'aimer pour toujours. Plutôt vivre dans l'urgence et mourir à toute vitesse comme ça on ne se rend pas compte que ça fait mal, de vivre et de mourir.

En fond sonore ma conscience me murmure que tout cela n'a aucun sens. Ces absurdités ne sont que des prétextes à vivre n'importe comment. Mais mon coeur sait combien ça fait mal de vivre et de mourir et si le coeur et le cerveau se distingue c'est bien parce qu'on a le choix, non ? 

Je crois que ce soir là, consciemment ou non j'ai fait un choix. Si je ne l'ai pas fait Marc l'allemend l'a fait pour moi et à partir de là j'ai compris que les choses allaient changer, empirer peut être mais je n'avais plus peur de ne plus être celle que j'étais avant et  beaucoup moins d'être tout simplement qui je suis. 

Après tout je n'aurais pas pu être pire que Malik.

"Malik " répétait le monstre en moi au bord de la jouissance.

Im fine,thank you.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant